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Lundi 8 Janvier 2024
Emma Dufetel

La loi Web3 vue par... Arnaud Touati & Axel Sabban, "CDCA : la nouvelle norme internationale pour encadrer les déclarations de crypto-actifs"

Les actifs numériques constituent une classe d’actif en pleine expansion, tant en nombre de détenteurs que de leur poids dans la finance mondiales, qui appellent des réponses différentes selon les Etats : nouveaux cadres d’imposition, à l’instar de la France et de son régime original de sursis d’imposition généralisé des échanges cryptos réalisés par les particuliers, réglementation MICA au sein de l’Union européenne et permettant de renforcer le contrôle des prestataires de services sur actifs numériques, etc.
L’adoption de nouveaux cadres législatifs fait néanmoins face à un défi de taille : le caractère fortement décentralisé et eu régulé des acteurs de cet écosystème constitue un frein à l’effectivité de ces nouvelles normes, les Etats n’ayant que peu de visibilité sur les transactions réalisées au moyen d’actifs numériques.
Un des sujets principaux et faisant traditionnellement consensus : la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale.
Par Arnaud Touati et Axel Sabban, Avocats spécialisés WEB3


Axel Sabban & Arnaud Touati
Axel Sabban & Arnaud Touati
Afin d'encadrer les transactions financières portant sur des actifs numériques, 48 pays et territoires se sont engagés, mi-octobre 2023, à mettre en œuvre une nouvelle norme internationale appelée « Cadre de déclaration des crypto-actifs (CDCA) ».

Cette norme a été élaborée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en réponse à plusieurs constats :

  • Les crypto-actifs peuvent être transférés, émis et détenus facilement, sans nécessiter l'intervention d'intermédiaires financiers traditionnels ou d'administrateurs centraux.
  • De nouveaux types d'intermédiaires et de prestataires de services ont fait leur apparition, tels que les plateformes d'échange de crypto-actifs ou les fournisseurs de portefeuilles, qui peuvent échapper à une surveillance réglementaire adéquate.
  • Les transactions effectuées via des portefeuilles de stockage "à chaud" ou "à froid" (hot et cold wallets) sont susceptibles d'attirer l'attention des autorités fiscales.

Signe de l’importance d’une coopération internationale renforcée et de l’impossibilité de faire cavalier seul, la présence des Etats-Unis, pays notamment du dispositif généralisé d’échange automatique d’information en matière bancaire.

1. Portée de la nouvelle norme

Le CDCA repose sur la collaboration des autorités fiscales nationales et vise à renforcer la transparence dans le domaine des crypto-actifs.

L'objectif principal de cette norme est d'établir des règles communes pour l'échange automatique d'informations entre les autorités fiscales nationales concernant les transactions impliquant des crypto-actifs afin de garantir une transparence internationale accrue.

Cette transparence permettra aux autorités fiscales des pays signataires de s'assurer du respect des obligations fiscales et de lutter contre l'évasion fiscale.

2. Les pays signataires

Parmi les 48 pays et territoires qui ont adhéré au CDCA, on retrouve plusieurs pays européens, tels que la France et l’ensemble des pays de l’Union européenne (à l’exception de la Lettonie et de la Pologne), ainsi que les États-Unis, le Royaume-Uni, Malte, le Brésil et Singapour.

D’autres pays et territoires, traditionnellement associés à une certaine opacité en matière fiscale, font partie de cette liste, tels que les Îles Caïmans, Singapour ou le Belize.

Il est probable que cette liste s'élargira à l'avenir, pour rejoindre progressivement la liste de pays et territoires mettant en œuvre l’échange automatique d’information en matière bancaire, au nombre de 118.

3. Dans quelle mesure cette nouvelle norme permet-elle de lutter efficacement contre l’évasion fiscale ?

La norme vise à instaurer un cadre mondial de transparence fiscale pour faciliter l'échange automatisé d'informations fiscales concernant les transactions impliquant des crypto-actifs.

En vertu de cette norme, les prestataires de services liés aux crypto-actifs seront tenus de collecter et de déclarer aux autorités fiscales compétentes de leur pays de résidence les données pertinentes.

De plus, cette norme permettra également aux autorités fiscales nationales d'échanger ces informations entre elles.

4. Quels sont les actifs concernés ?

Il est important de noter qu'il n'existe pas de définition juridique universelle des crypto-actifs. Par conséquent, la norme a établi sa propre définition afin de déterminer quels actifs sont concernés par ses règles.

Un « Crypto-actif » désigne, selon le CDCA, une représentation numérique d’une valeur qui s’appuie sur un registre distribué sécurisé par des moyens cryptographiques ou une technologie similaire employée pour valider et sécuriser des transactions.
Sont en revanche exclues de cette définition trois catégories d’actifs :

  • Les Crypto-actifs qui ne peuvent pas être utilisés à des fins de paiement ou d’investissement.
  • Les Monnaies numériques de Banque centrale
  • Les Produits de monnaie électronique spécifiques, qui représentent une Monnaie fiduciaire unique et sont remboursables, à tout moment et à leur valeur nominale, dans la même Monnaie fiduciaire, en plus de satisfaire à certaines autres obligations.

Cependant, les deux dernières catégories ne seront pas exemptes de tout contrôle, puisqu’elles seront soumises à la norme commune de déclaration « NCD », qui vise à promouvoir la transparence fiscale concernant les comptes financiers détenus à l’étranger.

5. Qui sont les prestataires concernés ?

Les personnes ou entités qui fournissent des services facilitant les transactions d'échange de crypto-actifs pour leurs clients sont concernées. Ces intermédiaires sont appelés "Prestataires de services sur Crypto-actifs déclarants".

Les Prestataires de services sur Crypto-actifs déclarants seront soumis aux règles lorsqu’ils :

  • résident fiscalement dans une juridiction ayant adopté cette réglementation,
  • sont constitués en société dans une telle juridiction, ou y sont régis en vertu de la législation de, et dotés de la personnalité juridique, ou soumis à des obligations de déclaration fiscale, (iii) sont gérés depuis une telle juridiction,
  • disposent d’une installation d’affaires habituelle dans une telle juridiction, ou
  • effectuent des Transactions concernées par l’intermédiaire d’une succursale située dans une telle juridiction.

Les conditions sont alternatives et non cumulatives. Le CDC contient également des règles visant à éviter les doubles déclarations lorsqu’un Prestataire de services sur Crypto-actifs déclarant a des liens avec plusieurs juridictions, en créant une hiérarchie des règles du lien.

6. Quels sont les obligations déclaratives

L’obligation déclarative concernera trois catégories de transactions :

  • Les échanges entre Crypto-actifs et Monnaies fiat ;
  • Les échanges entre une ou plusieurs formes de Crypto-actifs ; et
  • Les Transferts de Crypto-actifs.

Les Prestataires de services sur Crypto-actifs déclarants devront également classer les Transferts par type de transfert (par exemple, airdrops, revenus générés grâce au staking ou à un prêt) dans les cas où ils en ont connaissance.

7. Quid des non custodial wallets ?

Le CDCA s’intéresse également aux Crypto-actifs détenus et transférés sans passer par des Prestataires de services sur Crypto-actifs déclarants, autrement dit aux non custodial wallets.

Afin d’accroître la visibilité des autorités fiscales sur ces éléments, le Prestataire de services sur Crypto-actifs déclarant doit déclarer le nombre d’unités et la valeur totale des Transferts de Crypto-actifs effectués pour le compte d’un Utilisateur de Crypto-actifs, vers des portefeuilles qui ne sont pas associés à un fournisseur de services ou à une Institution financière.

Les administrations fiscales peuvent ensuite demander des informations plus précises concernant les adresses des portefeuilles liées à l'utilisateur en question.

8. La transposition du CDCA en droit interne

Les Etats signataires ont manifesté leur intention de transposer rapidement le CDCA en droit interne en vue d’initier les échanges d’informations dès 2027

Il est noté que le CDC se compose de trois éléments distincts :

  • Les Règles et les Commentaires qui peuvent être transposés dans le droit interne des juridictions en vue de recueillir des informations auprès des Prestataires de services sur Crypto-actifs déclarants ayant un lien pertinent avec la juridiction mettant en œuvre le CDC ;
  • Un Accord multilatéral entre les autorités nationales concernant l'échange automatique de renseignements ; et
  • Un format électronique (schéma XML) à utiliser par les Prestataires de services sur Crypto-actifs déclarants pour déclarer les informations du CDC aux administrations fiscales et par les autorités compétentes aux fins d'échange les informations entre eux.

Il y aura donc des dispositifs visant à assurer une application cohérente et effective du CDC au niveau national. Ainsi qu’un cadre d’accords ou de dispositifs bilatéraux ou multilatéraux entre autorités compétentes destinés à mettre en œuvre l’échange automatique de renseignements collectés.

A propos d’Arnaud Touati
Diplômé de droit des affaires des Universités Paris I Sorbonne, Paris II Assas et Chicago, Arnaud Touati a pratiqué le droit des affaires dans des cabinets anglo-américains, des grandes banques d’affaires mais également des structures de taille intermédiaire. Féru de nouvelles technologies, il s’interesse dès 2013 à l’entreprenariat en France et tout particulièrement aux startups avant de fonder en 2015 le cabinet Hashtag Avocats. Arnaud Touati est membre de l’incubateur du Barreau de Paris, il enseigne à l’Ecole de Formation du Barreau et dans plusieurs écoles de commerces renommées. Il participe également à de nombreux workshops et événements dans l’écosystème startups. #Hashtag Avocats Il est spécialisé dans le droit des cryptoactifs et a crée par ailleurs une superstructure du droit et du chiffre dédiée exclusivement à l’écosystème web3 : LawForCode

A propos d’Axel Sabban
Membre fondateur et associé unique du cabinet Revo Avocats, associé de la structure de compétences transversales Revo Partners, et co-fondateur du Groupement d’Intérêts Economiques Law For Code, Axel Sabban est en recherche permanente de la meilleure manière d’appréhender le monde passionnant de la fiscalité, et en particulier du secteur technologique Web3 / Blockchain / Cryptomonnaies
Disposant en outre d’une compétence reconnue en matière de fiscalité des actifs numériques, il assiste régulièrement ses clients afin de leur fournir des conseils adaptés à leur situation et dans la gestion de leurs relations avec l’administration fiscale.
Formateur régulier auprès d’organismes de formations sur la fiscalité des actifs numériques, il intervient également auprès des pouvoirs publics sur les questions de régulation du secteur.

Note de la Rédaction :
Arnaud Touati et Axel Sabban s'expriment ici en leur nom. Il ne s'agit en aucun cas de conseil en investissement ou de prise de position de Finyear. Mais d'une volonté journalistique d'offrir un éclairage le plus complet possible et de donner la parole à tous les points de vue. Les propos tenus dans cette réaction ne concernent que son auteur. Si Finyear opère un filtre éditorial, les opinions émises ne peuvent pas être considérées comme le reflet de la direction.

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