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Dimanche 19 Juillet 2009
Rédaction CFO-news

Services de paiement : enfin, la France a engagé la transposition de la directive CE 2007/64

Ce n'est que le 13 juillet que le conseil des ministres a adopté l'ordonnance modifiant le code monétaire et financier, dans sa partie législative. Il restera à publier dans l'été les mesures réglementaires : il ne sera donc pas facile aux candidats à la création d'établissement de paiement (ÉP) français de pouvoir entrer dans la compétition européenne dès le 1er novembre.


Services de paiement : enfin, la France a engagé la transposition de la directive CE 2007/64
L'avance prise par l'industrie britannique du paiement, avec le soutien actif de leurs autorités, sera difficile à rattraper. Mais est-ce la seule différence ? Le choix des options nationales auquel la France a procédé est lui-même révélateur des priorités retenues par le gouvernement.

Quelles que soient les inspirations perceptibles, l’exercice de transposition, soumis à une règle d’harmonisation « maximum », introduit des changements d’ampleur dans nos habitudes et dans le paysage des services de paiements. Il marque le début d’un période de changements en profondeur.

L’essentiel à savoir sur l’ordonnance :

Une transposition « codifiée »
Alors que les législations nationales déjà publiées reprenaient, jusqu'alors, les termes mêmes de la directive communautaire sur les services de paiement (DSP), parfois jusqu'à la pure et simple copie, la France a choisi d'en adapter plus librement les dispositions et de les intégrer au code monétaire et financier (CMF). Cela ne facilite certes pas la lecture de l'ordonnance de transposition, qui se présente comme une longue suite de modifications des dispositions législatives de ce code. Il faudra attendre la publication sur le site des journaux officiels d'une mise à jour consolidée du code monétaire et financier pour pouvoir, de façon commode, appréhender ces nouvelles dispositions.

Les règles applicables aux « instruments de monnaie scripturale »
Elles modifient les obligations des parties, payeur, bénéficiaire et leurs prestataires de services de paiement, en matière d'instruments de paiement : modalités de délivrance, protection du dispositif de sécurité, procédure de « blocage de l'instrument », protection des consommateurs en cas d'opérations non autorisées ou mal exécutées... Elles s'appliquent à tous les instruments de paiement, conformément aux principes posés par la directive de « neutralité technologique ». Par exemple, un utilisateur pourra se faire rembourser d'une transaction qu'il a autorisée si le montant exact de l'opération n'était pas connu au moment où le consentement a été donné ou si le montant est supérieur à celui auquel le payeur pouvait raisonnablement s'attendre : c'est notamment le cas de certains prépaiements ou des cas de réservation à distance, utilisant un numéro de carte de crédit. La directive prévoie également des délais d'exécution stricts (Art. 72) : une vraie contrainte pour des dates de valeur à J+1 mais pour les établissements de paiement et les services de paiement, la France n’ayant pas choisi d’en étendre l’obligation aux paiements par chèque.

La fin du monopole bancaire en matière de services et systèmes de paiement
En France, l'émission et la gestion des moyens de paiement relevaient jusqu'alors du monopole bancaire. Désormais, les services de paiement pourront être réalisés soit par les établissements de crédit soit par les établissements de paiement (livre 5 du CMF). Les conditions d'accès à cette profession, l'agrément, les dispositions prudentielles, les règles de secret professionnel, de comptabilité et de contrôle légal des comptes sont introduites aux articles L. 522-1 à L. 522-20. Cependant, le détail de ces règles et critères est renvoyé à des arrêtés du ministre des finances, ce qui ne facilitera pas l'accès à la règle, notamment pour les non professionnels. Curieusement, la transposition ne reprend pas l'obligation figurant dans la directive de publication de la liste des ÉP sur le site Internet de l'autorité chargée de la supervision, préférant une publication au Journal officiel. La définition des ÉP elle-même est étrangement formulée comme « les personnes morales autres que les ÉC (...) qui fournissent à titre de profession habituelle les services de paiement mentionné à l'article L. 314-1 ». En réalité, la différence essentielle se lit à l'article L. 522-4 : l'ÉP, à la différence d'un ÉC, ne peut disposer pour son propre compte des fonds d'utilisateur de services de paiement qu'il a collectés.

Les services de paiement concernés
Le compte de paiement est défini à l’article L. 314-1 du code comme un compte détenu au nom d'une ou de plusieurs personnes, utilisé aux fins de l'exécution d'opérations de paiement. Les services de paiement sont donc définis comme des services permettant le versement ou le retrait de fonds ainsi que des opérations de paiement associées à un compte de paiement. Sont expressément exclues les opérations de paiement intra-groupe ou les opérations de paiement « exécutées au moyen d'un appareil de télécommunications ou d'un autre dispositif numérique ou informatique » lorsque l'opérateur n'agit pas « en seule qualité d'intermédiaire », c’est la reprise du critère de la directive. L'ordonnance précise que cette condition sera remplie lorsque les biens ou services achetés sont livrés et doivent être utilisés au moyen de l'appareil de télécommunications ou du dispositif numérique qui procède à l’achat.

Sont également exclues les opérations liées à des services d'actifs ou de titres ou celles fondées sur des titres de services ou des chèques de voyage sur support papier, comme les tickets restaurant et les titres de services émis sur support papier. Cela laisse un certain degré d'incertitude sur la possibilité de développer des systèmes électroniques alternatifs puisque la loi française impose encore, pour ces titres, une impression papier. Par ailleurs, l'article L. 521-3 permet, après simple déclaration auprès du CECEI, à toute entreprise d'exercer des services de paiement fondés sur des moyens de paiement de type « privatif » qui ne sont acceptés que dans les locaux de l'entreprise ou, dans le cadre d'un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes, pour un éventail limité de biens ou de services ; il en est de même et sans déclaration pour des instruments de paiement délivrés exclusivement pour l'achat d'un bien ou d'un service, auprès de l'entreprise ou auprès d'un réseau de franchisés.

Ce qui va changer concrètement :

De nouvelles garanties apportées aux consommateurs
La transposition de la directive apportera plusieurs bénéfices aux consommateurs. Par exemple, le consommateur ne supportera plus qu'une franchise maximum de 150 € en cas de perte de vol de son instrument de paiement, pour les dépenses engagées avant « blocage » (l'ancienne opposition). Si le dispositif de sécurité de l'instrument de paiement n'a pas été utilisé pour les paiements, ou en cas de détournement de cet instrument, le consommateur ne pourra plus être facturé.
La transposition va également clarifier les règles de charge de la preuve : la preuve d'une opération de paiement non-autorisée ou mal exécutée reposera sur le prestataire de services de paiement. Un délai de 13 mois sera ouvert à l'utilisateur pour signaler une opération non autorisée ou mal exécutée, au lieu de 70 jours actuellement.
Ces dispositions vont saisir les opérations de paiement réalisées depuis un compte de dépôt, lorsqu'il est détenu par un consommateur dans une banque. L'article L 314-3 prévoit en effet que les stipulations de la convention de compte de dépôt relatives aux opérations de paiement sont soumises aux règles nouvelles.

Des règles nouvelles applicables aux marchands
Le nouvel article L. 112-11 du code monétaire et financier interdit aux prestataires de services de paiement de limiter contractuellement la possibilité pour un bénéficiaire d'appliquer des frais ou de proposer une réduction au payeur pour l'utilisation d'un instrument de paiement donné. Cette disposition de transposition va trouver application immédiate puisqu'il est précisé que « toute stipulation contraire est nulle et de nul effet ». En France, à l'exception des paiements en liquide qui doivent être faits au prix affiché, les commerçants étaient légalement libres de moduler le prix payé en fonction du moyen de paiement ; en pratique cependant, les contrats passés avec les banques pour l'acquisition des cartes de paiement interdisaient cette modulation.
Toutefois, la France a fait usage d'une option ouverte par la directive pour interdire au bénéficiaire l'application de frais supplémentaires pour l'utilisation d'un instrument de paiement donné. Il pourra, à l'avenir, après adoption d'un décret, être dérogé à cette interdiction. En pratique, dès à présent, les commerçants pourront proposer des réductions du prix payé lorsque l'instrument de paiement employé ne leur coûte pas trop cher. Pour « surcharger » les paiements effectués avec des instruments qui leur coûtent cher, il leur faudra attendre que le gouvernement ait défini les conditions dans lesquelles cela leur sera possible. Cette question a été l'objet de débats difficiles entre la France et la Commission européenne sur ce débat qui renvoie au bras de fer engagé par la Commission sur les interchanges.

Les limites imposées aux ÉP français
La France a opté pour plusieurs options restrictives (voire pénalisantes) pour le développement de l'activité des nouveaux ÉP. Il en est ainsi du régime de protection des fonds, nettement plus pénalisant que celui retenu par les autorités britanniques, par exemple. Les possibilités d'octroi de crédits par les ÉP sont également encadrées de façon restrictive : le crédit devra avoir un caractère accessoire et être octroyé exclusivement dans le cadre de l'exécution d'opérations de paiement réalisé par l'ÉP.

Par ailleurs, les règles applicables en matière de vente à prime ou de ventes groupées ainsi que divers encadrements tarifaires applicables aux ÉC sont étendues par l'ordonnance dans le code monétaire et financier ou dans le code de la consommation, aux ÉP.
Enfin, qui ne sera ni ÉP, ni ÉC devra cesser toute activité de paiement au 1er novembre prochain.

CANTON Y RÉFLÉCHIT …
L'exposé des motifs présente « les principaux enjeux de la présente ordonnance ». Il est frappant de constater qu'après l'objectif de développement de la concurrence et de baisse des coûts, la France cherche à « garantir la stabilité et la solidité du système de paiement français », une référence qui sonne étrangement pour un texte qui doit ouvrir le champ au grand marché européen des paiements. L'objectif est clair : « les choix de transposition retenus par le gouvernement concernant les options ouvertes par la directive visent à maintenir un haut niveau de sécurité dans la prestation de services de paiement : protection renforcée des fonds des utilisateurs détenus par les ÉP, limitation des possibilités de crédit, pas de dérogation d'agrément pour les établissements ayant un faible volume d'activité... ». On peut dès lors douter du troisième objectif affiché : l'attractivité de la France pour l'installation des ÉP. Le marché français des moyens de paiement est-il encore, comme l'affirme le gouvernement « un secteur très dynamique, caractérisé par la modernité et l'efficacité de son dispositif » ? ou bien l'exposé des motifs a-t-il raison de redouter « une délocalisation dans d'autres Etats membres qui ont fait des choix de transposition plus souples » ?
De toute manière, pour le moment, et durant les premiers mois de turbulences d'un marché qui va devoir trouver de nouveaux repères, les acteurs français désireux de s'engager dans la prestation de services de paiement n'auront guère le choix : ils devront obtenir des autorités françaises les agréments nécessaires au lancement de leur projet. Cela va requérir une préparation particulièrement soigneuse des dossiers !

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