Ainsi au paragraphe 56 page 20 lit-on que « Grâce à un don généreux du Luxembourg, le GAFI améliore ses systèmes informatiques, afin d’offrir à ses délégations un meilleur accès aux documents confidentiels. Ce système sera renforcé au cours de l’année à venir et le GAFI sera alors en mesure d’améliorer son site Internet ouvert à la consultation du public ».
Le Littré définit le don généreux comme un « don fait avec générosité, surtout en parlant d'un don un peu considérable » (3e sens).
Le Littré définit la corruption au sens actif comme le « moyen qu'on emploie pour gagner quelqu'un et le déterminer à agir contre son devoir et la justice » (4e sens).
Le Littré définit le corrupteur comme « celui, celle qui par dons ou promesses détourne quelqu'un de son devoir » (2e sens).
Le GAFI s’est mis en porte à faux de manière particulièrement grave à cinq égards.
1 Le Luxembourg a notoirement un taux peu crédible de déclarations de soupçon et de poursuites pour blanchiment. Ainsi le Narcotics Control Strategy Report 2007 relève-t-il que « Luxembourg's anti-money laundering regime may be relying too heavily on the filing of suspicious transaction reports to generate investigations. Although Luxembourg has steadily enacted anti-money laundering and terrorist finance laws, policies, and procedures, the lack of prosecutions and convictions is telling, particularly for a country that boasts such a large financial sector ». Un constat similaire avait été établi par le GAFI lui-même il y a près de dix ans : « Si le cadre juridique du système luxembourgeois respecte largement les recommandations du GAFI, son efficacité réelle reste difficile à évaluer. Le faible nombre de déclarations de soupçons soulève bon nombre de questions. En fait, le fonctionnement du système anti-blanchiment du Luxembourg pourrait être mieux assuré, et mieux préserver le renom d'une place financière où la part des actifs détenus par les non-résidents est très considérable, s'il utilisait de façon plus active toutes les possibilités offertes par son cadre juridique, notamment en matière de déclaration de soupçons et de contrôle du respect effectif des mesures anti-blanchiment » (1). Aucun progrès n’a été accompli.
2 Le Luxembourg a une définition étonnement restrictive de la RSE limitée au sponsoring et aux actions caritatives (2). Or, la RSE sans éthique affirmée et prouvée peut être une manière de faire une forme de « blanchiment » si de l'argent gagné de manière abusive est affecté dans le sponsoring (comme le sponsoring du GAFI par un « don généreux » !) ou autres actions caritatives permettant de s'acheter une image respectable à bon compte car les dons sont en tout état de cause ridiculement bas eu égard au chiffre d’affaire. Une manière d’internaliser avec aplomb les externalités négatives des mauvais comportements d’affaires.
3 Le Luxembourg est fasciné par sa croissance. Robert Bunting, vice president de l'International Federation of Accountants (IFAC) à l’occasion de la sortie du document “Tone at the Top and Audit Quality” relevait au sujet des firmes d’audit que “If the CEO’s message is aggressive growth and ‘make the numbers’ first and foremost, then the organization will reflect those priorities. If the CEO emphasizes transparency and integrity, as well as performance, then the organization will respond accordingly. » Ce qui est vrai pour un auditeur personne morale peut bien évidemment être étendu à un centre financier. Luxembourg manque singulièrement de transparence sur les dysfonctionnements qui sont déniés ou minimisés dans le discours officiel. L’absence de rapport pays de PwC sur la criminalité financière en est un indicateur.
4 Les autorités politiques font preuves de démagogie à l’égard des professionnels. Luc Frieden, ministre de la justice, de la police, du trésor et du budget, a ainsi déclaré devant l'Association Luxembourgeoise des Professionnels du Patrimoine (ALPP) se plaignant de la réglementation : « Est-ce qu'une grande place financière comme la nôtre doit exagérer un peu ou bien être plus laxiste au risque de laisser passer quelques scandales ? Oui, il peut arriver que nous ayons exagéré certaines procédures, mais c'était dans une tendance générale en Europe. J'espère que nous n'avons pas mal fait et qu'il est encore possible de revenir en arrière. Je ne veux surtout pas que l'on dise que nous ne faisons plus rien et je suis prêt à abandonner certaines exigences si cela s'avère nécessaire » (3).
5 Malgré un discours lénifiant sur la conformité en matière de lutte contre le blanchiment depuis plusieurs années, le Luxembourg a en réalité une pratique non-conforme aux recommandations et au discours de conformité, comme l’ont montré des décisions de justice récentes révélatrices. Retenons quelques affaires jugées récemment ayant montré les carences du dispositif en vigueur et de la soi-disant autorégulation. Elles sont été évoquées par le Lëtzebuerger Land :
- Acquitté en première instance des préventions de tentative de blanchiment, non punissable selon les premiers juges de premier ressort, un avocat néerlandais prévenu de blanchiment pour le compte d'un baron de la cocaïne a été condamné en appel. Les juges d'appel ont tiré la conclusion que la tentative de blanchiment est bien punissable au Luxembourg. Leurs homologues du tribunal correctionnel de Luxembourg avaient pourtant fait un examen bien différent du dispositif luxembourgeois où s'agglutinent plusieurs lois pas toujours cohérentes entre elles en faisant une interprétation à la lettre du droit pénal en principe d'interprétation stricte (4)
- Un procès s’est déroulé devant la 12e chambre correctionnelle du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg à partir du 25 septembre dernier. Les banquiers successifs de la société des prévenus, Banque Degroof Luxembourg de 1999 au printemps 2002, puis Alcor Bank (en liquidation depuis l'été 2006) ont ouvert des comptes sans vérifier l'existence légale de la Socodin dont les statuts ne furent jamais officialisés, ni retrouvés d'ailleurs dans les perquisitions. Ils ont pourtant intercepté les flux financiers provenant des cotisations des membres du « club » d'épargne de la CDCA sans se montrer très regardants sur l'origine des fonds ni sur la légalité des activités de collecte de leur client corporate. Aucune dénonciation de transactions suspectes à la cellule anti blanchiment n'était actée dans le dossier répressif, ce dont on peut s'étonner (5)
- Un avocat du barreau de Luxem-bourg a été récemment acquitté par la Cour d'Appel de Luxembourg des faits de violation de la loi du 12 novembre 2004 sur le blanchiment en raison des errements du texte. Le dispositif « oblige » les avocats qui « assistent leur clients dans la préparation ou la réalisation de transactions (et/ou) la constitution, la domiciliation, la gestion ou la di-rection de fiducies, de sociétés ou de structures similaires ». Mais, a dit la Cour en substance, si la domiciliation de sociétés par les avo-cats est susceptible de tomber dans le champ d'application de la loi du 12 novembre 2004, « encore faut-il que les avocats 'assistent leur client...'. Et dans ces cas seulement, ils peuvent, selon l'interprétation stricte de la loi, exiger l'identification de leur client. La cours relève « qu’il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'actuel prévenu serait d'une manière quelconque interve-nu en tant qu'avocat prodiguant ses conseils ou services juridiques pour la préparation ou la réalisation de la domiciliation de la société X. Il ne saurait dans ces conditions être exigé de l'actuel prévenu de satisfaire aux obligations d'identification concernant la société X » (6)
6 Surtout, le Luxembourg se trouve en tête des pays d’Europe de l’ouest en matière de corruption selon le baromètre de Transparency International publié récemment : 6 % des personnes qui ont répondu au Grand-Duché ont déclaré avoir payé pour obtenir un service ou influencer ce service, contre 1 % des sondés en France ou en Suisse, 2 % au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, l'Italie, l'Allemagne ou la Belgique n'ayant pas donné d’indications. Avec ses 6 %, le Luxembourg se place dans le 3e quintile, avec la Russie ou le Panamá, pour une corruption entre 6 et 18 %, cette corruption étant d’ailleurs sans doute minimisée car Transparency International ne prend pas en considération les « services échangés » dans le cadres des réseaux, qui sont également sources de conflits d’intérêt sinon de corruption visibles au grand jour eu égard à la petite taille (2500 km2) avec une absence de sentiment de culpabilité et un sentiment d’impunité puisqu’il n’y a pas de sanctions.
En conclusion, le GAFI n’aurait jamais du accepter sur le principe (7) un don d’un pays membre et a fortiori le don d’un tel membre pour lequel la petite taille et la négligence banalisés amplifient la gravité des dysfonctionnements nombreux (8). Pour mesurer la gravité, que dirait-on si une entreprise auditée, négligente ou non, faisait un « don généreux » à son auditeur en dehors des honoraires ? Qu’aurait-on dit si l’on avait appris dans le rapport annuel de l’auditeur d’une société mise en cause ces dernières années pour corruption, fraude ou blanchiment avec responsabilité de l’auditeur, l’existence d’un « don généreux » de cet audité au cabinet qui l’auditait pour offrir les voitures de fonction des associés ou financer un nouveau système informatique ?
Le GAFI, qui curieusement doit visiter le Luxembourg l’année prochaine ce qui rend le don bien opportuniste, est dans un rôle d’auditeur des places financières, lesquelles sont bien dans un rôle d’audité : l’on peut désormais avoir des doutes légitimes sur sa capacité à sanctionner si nécessaire un donateur porté au pinacle dans un rapport annuel pour un don incontestablement déplacé qui aurait du être ni proposé, ni accepté sur le plan déontologique (9). Mais il est vrai que plus aucun pays ne figure sur sa liste des pays et territoires non-coopératifs (PTNC) l’application des normes étant en réalité très laxiste, ou « pragmatique » diraient les Luxembourgeois.
Le GAFI apparaît aujourd’hui ligoté par le fil blanc et les grosses ficelles luxembourgeois, qui, décrédibilisent définitivement le discours de morale en affaires de la finance internationale et des institutions de contrôle, GAFI en tête. Il faut peut-être enfin cesser de tenir ce discours de mascarade et reconnaître de manière décomplexée comme au Luxembourg la primauté en réalité du business et des intérêts financiers sur toute éthique. Merci au Luxembourg d’avoir fait tomber le masque. La communauté financière appréciera…
Jérôme Turquey
Auditeur-conseil indépendant en éthique des affaires et risque de réputation
En savoir plus :
ethiquedesplaces.blogspirit.com
(1) Cf. paragraphe 40, page 13 du Rapport Annuel 1998-99
(2) Cf. article de l’auteur « PwC : une même enseigne réputée : deux conceptions fort différentes de la RSE »
(3) « Législation - Haro sur les procédures! », Paperjam , 29 juin 2007
(4) « Rattrapage », Lëtzebuerger Land , 13 juillet 2007
(5) « Vilains secrets d’une banque coopérative », Lëtzebuerger Land , 28 septembre 2007
(6) « Blanchiment et profession d’avocat : régime spécial », Lëtzebuerger Land , 16 novembre 2007
(7) Comme expliqué au paragraphe 57 du rapport annuel du GAFI pour 2006-2007, le financement du GAFI est assuré par ses membres, sur une base annuelle et en fonction du barème de contribution à l’OCDE. Le coût du Secrétariat et des autres services est couvert par le budget du GAFI, par le truchement de l’OCDE. Le barème est basé sur une formule calculée d’après la taille de l’économie d’un pays. La contribution des pays non membres de l’OCDE sont calculées selon le même barème. Les deux organisations membres du GAFI contribuent également à son budget.
(8) Cf. les autres articles de l’auteur et notamment : « Crédibilité éthique de l’audit externe dans les centres financiers », « Permis à points pour réviseurs luxembourgeois », « Douze questions pour un ‘pacte business’ luxembourgeois », ‘Luxembourg v. Royaume-Uni : avantage Royaume-Uni pour la crédibilité de l’éthique des affaires », « Luxembourg v. Suisse : avantage Suisse pour la crédibilité de l’éthique des affaires », « Vers une certification éthique des places financières », « Une réalité qui dérange » et « La place financière luxembourgeoise est-elle un paradis fiscal ».
(9) On rappellera pour mémoire l’article 6 de la Charte de Transparence Internationale : « Nous accepterons uniquement des financements qui ne compromettront pas notre aptitude à examiner les problèmes librement, en profondeur et objectivement »
Le Littré définit le don généreux comme un « don fait avec générosité, surtout en parlant d'un don un peu considérable » (3e sens).
Le Littré définit la corruption au sens actif comme le « moyen qu'on emploie pour gagner quelqu'un et le déterminer à agir contre son devoir et la justice » (4e sens).
Le Littré définit le corrupteur comme « celui, celle qui par dons ou promesses détourne quelqu'un de son devoir » (2e sens).
Le GAFI s’est mis en porte à faux de manière particulièrement grave à cinq égards.
1 Le Luxembourg a notoirement un taux peu crédible de déclarations de soupçon et de poursuites pour blanchiment. Ainsi le Narcotics Control Strategy Report 2007 relève-t-il que « Luxembourg's anti-money laundering regime may be relying too heavily on the filing of suspicious transaction reports to generate investigations. Although Luxembourg has steadily enacted anti-money laundering and terrorist finance laws, policies, and procedures, the lack of prosecutions and convictions is telling, particularly for a country that boasts such a large financial sector ». Un constat similaire avait été établi par le GAFI lui-même il y a près de dix ans : « Si le cadre juridique du système luxembourgeois respecte largement les recommandations du GAFI, son efficacité réelle reste difficile à évaluer. Le faible nombre de déclarations de soupçons soulève bon nombre de questions. En fait, le fonctionnement du système anti-blanchiment du Luxembourg pourrait être mieux assuré, et mieux préserver le renom d'une place financière où la part des actifs détenus par les non-résidents est très considérable, s'il utilisait de façon plus active toutes les possibilités offertes par son cadre juridique, notamment en matière de déclaration de soupçons et de contrôle du respect effectif des mesures anti-blanchiment » (1). Aucun progrès n’a été accompli.
2 Le Luxembourg a une définition étonnement restrictive de la RSE limitée au sponsoring et aux actions caritatives (2). Or, la RSE sans éthique affirmée et prouvée peut être une manière de faire une forme de « blanchiment » si de l'argent gagné de manière abusive est affecté dans le sponsoring (comme le sponsoring du GAFI par un « don généreux » !) ou autres actions caritatives permettant de s'acheter une image respectable à bon compte car les dons sont en tout état de cause ridiculement bas eu égard au chiffre d’affaire. Une manière d’internaliser avec aplomb les externalités négatives des mauvais comportements d’affaires.
3 Le Luxembourg est fasciné par sa croissance. Robert Bunting, vice president de l'International Federation of Accountants (IFAC) à l’occasion de la sortie du document “Tone at the Top and Audit Quality” relevait au sujet des firmes d’audit que “If the CEO’s message is aggressive growth and ‘make the numbers’ first and foremost, then the organization will reflect those priorities. If the CEO emphasizes transparency and integrity, as well as performance, then the organization will respond accordingly. » Ce qui est vrai pour un auditeur personne morale peut bien évidemment être étendu à un centre financier. Luxembourg manque singulièrement de transparence sur les dysfonctionnements qui sont déniés ou minimisés dans le discours officiel. L’absence de rapport pays de PwC sur la criminalité financière en est un indicateur.
4 Les autorités politiques font preuves de démagogie à l’égard des professionnels. Luc Frieden, ministre de la justice, de la police, du trésor et du budget, a ainsi déclaré devant l'Association Luxembourgeoise des Professionnels du Patrimoine (ALPP) se plaignant de la réglementation : « Est-ce qu'une grande place financière comme la nôtre doit exagérer un peu ou bien être plus laxiste au risque de laisser passer quelques scandales ? Oui, il peut arriver que nous ayons exagéré certaines procédures, mais c'était dans une tendance générale en Europe. J'espère que nous n'avons pas mal fait et qu'il est encore possible de revenir en arrière. Je ne veux surtout pas que l'on dise que nous ne faisons plus rien et je suis prêt à abandonner certaines exigences si cela s'avère nécessaire » (3).
5 Malgré un discours lénifiant sur la conformité en matière de lutte contre le blanchiment depuis plusieurs années, le Luxembourg a en réalité une pratique non-conforme aux recommandations et au discours de conformité, comme l’ont montré des décisions de justice récentes révélatrices. Retenons quelques affaires jugées récemment ayant montré les carences du dispositif en vigueur et de la soi-disant autorégulation. Elles sont été évoquées par le Lëtzebuerger Land :
- Acquitté en première instance des préventions de tentative de blanchiment, non punissable selon les premiers juges de premier ressort, un avocat néerlandais prévenu de blanchiment pour le compte d'un baron de la cocaïne a été condamné en appel. Les juges d'appel ont tiré la conclusion que la tentative de blanchiment est bien punissable au Luxembourg. Leurs homologues du tribunal correctionnel de Luxembourg avaient pourtant fait un examen bien différent du dispositif luxembourgeois où s'agglutinent plusieurs lois pas toujours cohérentes entre elles en faisant une interprétation à la lettre du droit pénal en principe d'interprétation stricte (4)
- Un procès s’est déroulé devant la 12e chambre correctionnelle du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg à partir du 25 septembre dernier. Les banquiers successifs de la société des prévenus, Banque Degroof Luxembourg de 1999 au printemps 2002, puis Alcor Bank (en liquidation depuis l'été 2006) ont ouvert des comptes sans vérifier l'existence légale de la Socodin dont les statuts ne furent jamais officialisés, ni retrouvés d'ailleurs dans les perquisitions. Ils ont pourtant intercepté les flux financiers provenant des cotisations des membres du « club » d'épargne de la CDCA sans se montrer très regardants sur l'origine des fonds ni sur la légalité des activités de collecte de leur client corporate. Aucune dénonciation de transactions suspectes à la cellule anti blanchiment n'était actée dans le dossier répressif, ce dont on peut s'étonner (5)
- Un avocat du barreau de Luxem-bourg a été récemment acquitté par la Cour d'Appel de Luxembourg des faits de violation de la loi du 12 novembre 2004 sur le blanchiment en raison des errements du texte. Le dispositif « oblige » les avocats qui « assistent leur clients dans la préparation ou la réalisation de transactions (et/ou) la constitution, la domiciliation, la gestion ou la di-rection de fiducies, de sociétés ou de structures similaires ». Mais, a dit la Cour en substance, si la domiciliation de sociétés par les avo-cats est susceptible de tomber dans le champ d'application de la loi du 12 novembre 2004, « encore faut-il que les avocats 'assistent leur client...'. Et dans ces cas seulement, ils peuvent, selon l'interprétation stricte de la loi, exiger l'identification de leur client. La cours relève « qu’il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'actuel prévenu serait d'une manière quelconque interve-nu en tant qu'avocat prodiguant ses conseils ou services juridiques pour la préparation ou la réalisation de la domiciliation de la société X. Il ne saurait dans ces conditions être exigé de l'actuel prévenu de satisfaire aux obligations d'identification concernant la société X » (6)
6 Surtout, le Luxembourg se trouve en tête des pays d’Europe de l’ouest en matière de corruption selon le baromètre de Transparency International publié récemment : 6 % des personnes qui ont répondu au Grand-Duché ont déclaré avoir payé pour obtenir un service ou influencer ce service, contre 1 % des sondés en France ou en Suisse, 2 % au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, l'Italie, l'Allemagne ou la Belgique n'ayant pas donné d’indications. Avec ses 6 %, le Luxembourg se place dans le 3e quintile, avec la Russie ou le Panamá, pour une corruption entre 6 et 18 %, cette corruption étant d’ailleurs sans doute minimisée car Transparency International ne prend pas en considération les « services échangés » dans le cadres des réseaux, qui sont également sources de conflits d’intérêt sinon de corruption visibles au grand jour eu égard à la petite taille (2500 km2) avec une absence de sentiment de culpabilité et un sentiment d’impunité puisqu’il n’y a pas de sanctions.
En conclusion, le GAFI n’aurait jamais du accepter sur le principe (7) un don d’un pays membre et a fortiori le don d’un tel membre pour lequel la petite taille et la négligence banalisés amplifient la gravité des dysfonctionnements nombreux (8). Pour mesurer la gravité, que dirait-on si une entreprise auditée, négligente ou non, faisait un « don généreux » à son auditeur en dehors des honoraires ? Qu’aurait-on dit si l’on avait appris dans le rapport annuel de l’auditeur d’une société mise en cause ces dernières années pour corruption, fraude ou blanchiment avec responsabilité de l’auditeur, l’existence d’un « don généreux » de cet audité au cabinet qui l’auditait pour offrir les voitures de fonction des associés ou financer un nouveau système informatique ?
Le GAFI, qui curieusement doit visiter le Luxembourg l’année prochaine ce qui rend le don bien opportuniste, est dans un rôle d’auditeur des places financières, lesquelles sont bien dans un rôle d’audité : l’on peut désormais avoir des doutes légitimes sur sa capacité à sanctionner si nécessaire un donateur porté au pinacle dans un rapport annuel pour un don incontestablement déplacé qui aurait du être ni proposé, ni accepté sur le plan déontologique (9). Mais il est vrai que plus aucun pays ne figure sur sa liste des pays et territoires non-coopératifs (PTNC) l’application des normes étant en réalité très laxiste, ou « pragmatique » diraient les Luxembourgeois.
Le GAFI apparaît aujourd’hui ligoté par le fil blanc et les grosses ficelles luxembourgeois, qui, décrédibilisent définitivement le discours de morale en affaires de la finance internationale et des institutions de contrôle, GAFI en tête. Il faut peut-être enfin cesser de tenir ce discours de mascarade et reconnaître de manière décomplexée comme au Luxembourg la primauté en réalité du business et des intérêts financiers sur toute éthique. Merci au Luxembourg d’avoir fait tomber le masque. La communauté financière appréciera…
Jérôme Turquey
Auditeur-conseil indépendant en éthique des affaires et risque de réputation
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(1) Cf. paragraphe 40, page 13 du Rapport Annuel 1998-99
(2) Cf. article de l’auteur « PwC : une même enseigne réputée : deux conceptions fort différentes de la RSE »
(3) « Législation - Haro sur les procédures! », Paperjam , 29 juin 2007
(4) « Rattrapage », Lëtzebuerger Land , 13 juillet 2007
(5) « Vilains secrets d’une banque coopérative », Lëtzebuerger Land , 28 septembre 2007
(6) « Blanchiment et profession d’avocat : régime spécial », Lëtzebuerger Land , 16 novembre 2007
(7) Comme expliqué au paragraphe 57 du rapport annuel du GAFI pour 2006-2007, le financement du GAFI est assuré par ses membres, sur une base annuelle et en fonction du barème de contribution à l’OCDE. Le coût du Secrétariat et des autres services est couvert par le budget du GAFI, par le truchement de l’OCDE. Le barème est basé sur une formule calculée d’après la taille de l’économie d’un pays. La contribution des pays non membres de l’OCDE sont calculées selon le même barème. Les deux organisations membres du GAFI contribuent également à son budget.
(8) Cf. les autres articles de l’auteur et notamment : « Crédibilité éthique de l’audit externe dans les centres financiers », « Permis à points pour réviseurs luxembourgeois », « Douze questions pour un ‘pacte business’ luxembourgeois », ‘Luxembourg v. Royaume-Uni : avantage Royaume-Uni pour la crédibilité de l’éthique des affaires », « Luxembourg v. Suisse : avantage Suisse pour la crédibilité de l’éthique des affaires », « Vers une certification éthique des places financières », « Une réalité qui dérange » et « La place financière luxembourgeoise est-elle un paradis fiscal ».
(9) On rappellera pour mémoire l’article 6 de la Charte de Transparence Internationale : « Nous accepterons uniquement des financements qui ne compromettront pas notre aptitude à examiner les problèmes librement, en profondeur et objectivement »
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