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Entretien | Eric Larchevêque, co-fondateur de la Maison du Bitcoin et de Ledger - "Le Web3 a besoin d’avoir d’autres personnalités qui incarnent le secteur et reprennent le flambeau"

Pour beaucoup, Eric Larchevêque, c’est l’homme blond, assis dans un fauteuil, calme et souriant, qui occupe, le temps d’une saison télévisuelle, le prime time d’une chaîne nationale. Face à lui ? De jeunes entrepreneurs, plus ou moins assurés, à la recherche de leur premier mentor/investisseur.
Pour d’autres, il est une figure du Web2 qui, comme beaucoup des acteurs de l’époque, a affuté ses armes entrepreneuriales au rythme de la transition entre télématique et numérique, des sites de rencontres aux premiers jeux en ligne, avant de s’attaquer aux comparateurs de prix (Prixing).
Dans le monde du Web3, Eric Larchevêque est avant tout perçu comme un géant. Et sa haute silhouette n’y est pour rien, ou presque. Il a gagné sa stature en se positionnant comme l’un des pionniers du secteur en France. Son acte fondateur ? L’ouverture il y a 10 ans de la Maison du Bitcoin. Un local de 220 M2, en plein cœur de Paris qui fut la pierre angulaire de deux autres aventures, figures de proue du secteur : Ledger et Coinhouse.
A l’occasion de l’anniversaire de ce « comptoir », lieu d’accueil des adeptes et curieux en tous genres de la première crypto-monnaie, nous avons pu lui glisser quelques questions.
De sa rencontre avec le bitcoin à sa vision du tissu entrepreneurial d’aujourd’hui.
Rencontre avec celui qui préfère désormais se présenter comme "Coach pour entrepreneurs au Domaine Larchevêque". Et qui est, peut-être, un peu le Steve Wozniak, français ?
Par Anne-Laure Allain


Il y a 10 ans, vous inauguriez avec Thomas France, votre associé, La Maison du Bitcoin, une aventure un peu folle que beaucoup d’acteurs du Web3 d’aujourd’hui considèrent comme fondatrice pour l’écosystème hexagonal, pouvez-vous nous en dire plus ?

Eric Larchevêque, Photo M6, Pierre Olivier
Eric Larchevêque, Photo M6, Pierre Olivier
J’ai toujours été fasciné par les technologies.
J’ai connu la révolution Internet en 1996, celle des applications en 2010, alors, forcément, lorsque j’ai croisé la route du Bitcoin en 2013, je savais qu’il fallait que j’y aille.
Il était évident que nous étions face à une nouvelle révolution : une révolution monétaire.
Avec Thomas France et les premiers membres de l’équipe, nous avons un peu tout regardé : protocole, exchanges, wallet. J’ai même tenté de miner. Mais nous n’avancions pas.
Une partie de mon entourage m’alertait sur le Bitcoin, me mettait en garde contre cette arnaque. Mais plus on m’alertait, plus j’avais envie d’y aller.
Et, en décembre 2013, je suis tombé sur une note de la Banque de France indiquant que le Bitcoin n’avait aucune valeur. Qu’une telle institution prenne le temps de rédiger une note dans ce sens avec aussi peu de réflexion et de recherches, m’a donné l’élan.
La Maison du Bitcoin a été ouverte comme cela, sur une impulsion et sans business plan.
Juste avec l’espoir d’être au bon endroit, au bon moment.

Comment se sont déroulés vos débuts ? Il y avait quand même une idée ? Un projet ?

Nous voulions être dans la pédagogie.
La Maison du Bitcoin était un lieu d’évangélisation, de rencontres. Nous fonctionnions comme une boutique, avec un grand comptoir accueillant les personnes pour les renseigner et/ou les accompagner dans l’achat de leurs premiers bitcoins.
Dès qu’une personne franchissait le seuil, elle était partie pour plus d’une heure d’explication.
J’ai dû expliquer le minage à une bonne centaine de personnes ! (rires)
C’était aussi parfois la cour des miracles. Nous avons eu de tout : une attaque au couteau, une overdose, des brouteurs. Et, bien entendu : des personnes vraiment intéressées.
C’était les débuts : tout était à inventer. Nous avons d’ailleurs été les premiers à aller voir l’ACPR, pour parler du Bitcoin et cela ne s’est pas très bien passé (rires).
A cette époque, il n’y avait pas de cadre. Nous avons eu de problèmes avec les banques : tous nos comptes ont été fermés !
Nous avons dû aussi inventer nos propres règles d’onboarding des clients et de vérification de leur identité. Même si nos volumes étaient finalement ridicules, il était nécessaire de professionnaliser la démarche.
Et puis, finalement, ce que nous espérions depuis le début, s’est passé. L’ouverture du lieu a suscité l’intérêt. Il s’est créé des rencontres, des connexions et des réflexions sur le secteur, sur les usages.
C’est comme cela que Ledger est née. Et quand Ledger a vraiment décollé en 2017, j’ai compris qu’il fallait laisser Coinhouse prendre son envol. J’ai alors demandé à Nicolas Louvet de prendre la direction.

Et, en 2019, vous avez aussi laissé les rênes de Ledger à Pascal Gauthier, êtes-vous toujours impliqué dans ces entreprises ?

Ledger Coinhouse sont aujourd’hui deux structures bien distinctes dans lesquelles je n’ai plus aucune fonction opérationnelle. Je suis toujours au conseil d’administration et au capital (environ 15 % chez Ledger/ 10 % chez Coinhouse).

Le Bitcoin occupe toujours une place particulière dans votre vision de l’argent, pouvez-vous nous en dire plus ?

Tout d’abord, je ne suis pas un Bitcoin maximaliste : comprendre que je ne souhaite pas la mort des autres cryptos. Surtout, je tiens à le préciser : je n’incite personne à faire comme moi.
Mais en effet, pour ma part : 100 % de mes positions sont en Bitcoin.
L’ensemble de mon patrimoine cash est en bitcoin. Je ne possède pas d’euros, d’assurance vie ou d’autres placements bancaires classiques. C’est une façon d’être aligné avec mes croyances. Je crois en l’argent valeur, mais pas en l’argent dette. Je ne pourrais sincèrement pas dormir la nuit si tout le fruit de mon travail était en euros.
Selon ma vision des choses qui n’engage que moi : je ne crois pas en l’Euro ou dans le dollar. Et je pense que compte tenu des risques de l’inflation ou des fluctuations des taux d’intérêt, tout cela va se casser la figure un jour. Tout ce qui m’intéresse, c’est mon nombre de bitcoin.

Puisque vous évoquez l’écroulement de certains systèmes, pensez-vous que le secteur doive se préparer à d’autres scandales à la FTX ?

Il me paraît évident que nous allons voir un autre géant des exchanges être chahuté, voire disparaître. C’est d’ailleurs ce qui a failli se passer avec Binance, il y a quelques temps.
Il y a de vrais sujets sur la régulation qui sont en train d’être traités. Or, au cours des années passées, certains ont fait n’importe quoi en se comportant à la cow-boy. Ces acteurs sont voués à disparaître. Ils seront remplacés par des entreprises dotées d’une vision sur le long terme, soucieuses de respecter la réglementation.
Je n’ai pas de boule de cristal : impossible de dire quand ou comment. Mais le secteur est encore jeune. Il manque donc encore de professionnalisme.

Nous venons d’assister au rachat de l’Européen Bitstamp par l’Américain, Robinhood avec, en sous-jacent, le sentiment que les acteurs américains s’offraient par opérations de croissance externe, leur place dans le marché européen. L’avènement d’un géant européen est-elle possible, selon vous ?

De manière générale, l’Europe a un souci de taille critique. Et ce qui est valable pour le Web3, l’est aussi pour l’Intelligence Artificielle. En matière de technologies, d’innovation, la régulation est nécessaire et peut avoir des effets positifs comme sur les crypto. Mais elle a aussi son revers, notamment sur le développement, qui, en matière d’IA, vient tout juste de commencer. Dans ces conditions, il me paraît compliqué de faire émerger des géants de la tech.
Ledger fait partie de ces entreprises qui maîtrisent une technologie très particulière mais sur les exchanges, il y a du travail.
Nous avons des acteurs avec des positions hégémoniques dans chaque pays mais aucun n’a atteint une réelle dimension européenne. Certains tirent leur épingle du jeu en développant des activités connexes en finance, proches de la gestion de patrimoine. Mais nous n’avons aucun acteur, exchange, 100 % web3 pouvant prétendre à une place hégémonique en Europe.

Lorsque vous avez créé Ledger, vous vous projetiez dans une entreprise valorisée 1 milliard. Cette course à la licorne, à la valorisation, est-elle toujours d’actualité ? Est-ce une posture que vous conseilleriez aux entrepreneurs d’aujourd’hui ?

Lorsque j’envisageais cela pour Ledger, c’était à l’époque une vue de l’esprit quant aux possibilités que nous avions sur le marché.
Si je devais monter une entreprise aujourd’hui, je serais effectivement plus concentré sur l’auto-financement que sur la valorisation.
D’ailleurs, de plus en plus d’entrepreneurs sont désormais focalisés sur la rentabilité.
Il faut le répéter : être entrepreneur, ne se résume pas à lever des fonds. Il est très très rare qu’il y ait des exits. Très peu de startuppers franchissent le cap de la patrimonialisation. C’est une véritable "course à l’échalote" entre la valeur sur le papier et les dirigeants fondateurs qui gagnent rarement.
Il est beaucoup plus sain que nous soyons revenus aux fondamentaux.
En revanche, il est nécessaire de tenir compte de la nature de l’activité. Pour tout ce qui relève de l’ultra technologique, de la deep tech : il est très compliqué de s’affranchir des étapes de levées de fonds et de valorisations. La voie empruntée par un acteur comme Mistral, par exemple, a vraiment du sens dans un contexte mondial ultra concurrentiel.
Pour ma part, je me concentre aujourd’hui plus sur ce qui se passe en dehors de la startup nation, sur ce tissu des TPE, PME françaises qui travaillent avec ce bon sens de l’autofinancement.
Au cours des années passées, nous les avons peut-être mises de côté. Et c’est le sens de mes actions que ce soit au travers de « Qui veut être mon associé » à mes activités au Domaine Larchevêque.

Vous semblez avoir choisi de vous concentrer sur votre rôle de business angel plutôt que de monter votre fonds d’investissement comme Thomas France, l’a fait par exemple, pourquoi ?

Parce que j’ai compris que le monde de l’investissement ne m’intéressait pas. J’aurais pu le faire. J’ai eu l’opportunité de le faire à plusieurs reprises. Je suis d’ailleurs LP’s dans le fonds de Thomas (France). Je suis aussi aux côtés d’Anthony Bourbon au sein de Blast pour lequel j’apporte des deals sur le hardware ou le Web3.
Mais tout ce qui implique les métiers de l’investissement ne m’intéresse vraiment pas.
Je préfère être dans l’accompagnement. Non pas pour faire de la rentabilité mais pour vivre des aventures entrepreneuriales par procuration et transmettre.
Aujourd’hui, je n’investis plus qu’au travers de Qui veut être mon associé. Le reste du temps, je fais du mentorat au travers des programmes que j’ai montés et des séminaires que j’organise.

La Maison du Bitcoin, Ledger… C’était il y a 10 ans maintenant. Votre nom est toujours cité dans le Top3 des personnalités du WEB3. Le secteur impose pourtant sa révolution avec un rythme assez effréné, pourquoi d’autres personnalités n’émergent-elles pas ?

Pour ma part, je me consacre en effet beaucoup plus à l’accompagnement de l’entreprenariat en France qu’au WEB3. Je ne souhaite pas spécialement avoir une hégémonie sur le secteur. Et ce secteur a besoin d’avoir d’autres figures, des personnalités qui reprennent le flambeau.
Disons que, pour l’instant, il n’y a peut-être pas eu encore d’autres grosses réussites dans l’écosystème ?
Je suis, peut-être, un peu le Steve Wozniak français ? (Rires).

Propos recueillis par Anne-Laure Allain

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Lundi 9 Septembre 2024




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