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Vers une crise de l’immobilier

Lettre du vendredi 27 mai 2022 rédigée par Eric Galiègue - VALQUANT.


Eric Galiègue
Eric Galiègue
Lorsque l’on évoque la possibilité d’une récession, la plupart des investisseurs n’y croient pas.

Évidemment, la situation actuelle semble bien loin d’être récessive. Mercredi, en France, le nombre cumulé d’embouteillages sur les routes a atteint le record historique de 1 300km. La situation du marché de l’emploi est favorable, puisque le taux de chômage est au plus bas de puis 2008. La difficulté de recruter est devenu un problème majeur pour les entreprises. Les grands organismes internationaux comme le FMI, l’OCDE ou l’OMC ont revu en baisse leurs prévisions de croissance, mais elles restent largement positives. Aucune n’anticipe une récession en 2022 ou en 2023. Alors, quels sont les raisons objectives qui nous font craindre la récession ?

Dans la sphère réelle, inutile de revenir sur le fait générateur de ce risque récessif. Les prix de l’énergie demeurent à des niveaux très élevés : 115$ le baril et plus pour le pétrole, alors que les prix du gaz en Europe mais aussi aux USA atteignent ou ont atteint des records. Ils ponctionnent chaque jour le pouvoir d’achat des ménages, qui nécessairement réduisent leurs autres achats. Plus généralement, c’est bien sur la transformation de la hausse des prix en baisse des volumes qui progressivement gagne toute l’économie. Les entreprises américaines l’ont bien compris et commencent à infléchir leur discours : l’actualité des entreprises a été marquée par les annonces de Snapp ou Abercrombie Fitch.

Dans la sphère financière, la contraction des prix de l’immobilier constitue un vecteur majeur de récession, et le seul élément qui permettra de l’assainir. Est-il nécessaire de rappeler que le marché de l’immobilier résidentiel français est l’objet d’une bulle en raison du niveau très bas des taux de financement depuis plus de 8 ans ? Les prix de l’immobilier sont d’abord le reflet de la disponibilité et du cout du crédit qu’il est nécessaire de contracter pour accéder à la propriété. Bien sûr, des facteurs sociologiques et démographiques jouent, mais il est évident que jamais dans l’histoire financière, le « contenu taux » des prix actuel de l’immobilier n’a été aussi élevé. Rappelons que les taux des OAT 10 ans sont demeurés inférieurs à 1% depuis 8 ans, et ont été négatifs pendant plusieurs années. Les taux immobiliers ont bien sûr suivi, d’autant qu’ils ont depuis toujours été poussés vers le bas par la concurrence entre banques. La baisse tendancielle et continue des taux permet de comprendre la trajectoire haussière du marché de l’immobilier résidentiel français sans aucune crise depuis 25 ans, depuis le point bas de dernière crise, en 1997. A l’opposé, la hausse de 150 points de base des taux constitue un choc considérable pour le marché de l’immobilier. Aux USA, la hausse des taux hypothécaires à 30 ans, qui sert de référence pour les financements immobiliers, atteint 200 points de base depuis le début de l’année, et représente une baisse de plus de 30% du pouvoir d’achat immobilier des ménages.

Alors de deux choses l’une : soit les volumes de transaction baissent de 30%, soit les prix baissent de 30%. L’histoire montre que les deux phénomènes se produisent simultanément, et c’est bien ce qui va très probablement se passer aux USA. Cette semaine, les ventes de maisons neuves ont déjà baissé de 16,6%, alors que les ventes de maisons anciennes connaissent la même évolution. En Europe, la BCE a averti sur les risques liés à la hausse des taux pour l’immobilier. Dans son rapport sur la stabilité financière publié mercredi, la banque centrale a souligné que « le marché immobilier de la zone euro, sur lequel les prix sont surévalués à certains endroits, pourrait baisser si les taux augmentent plus vite que l’inflation, au risque de provoquer l’éclatement de bulles financées par l’endettement ». Elle considère que « les prix de l’immobilier résidentiel dans la zone euro sont surévalués de près de 15% en moyenne, avec une surcote de 60% dans certains pays, fondées sur la corrélation entre prix et revenus …. les prix pourraient reculer de 0,83% à 1,17% pour chaque relèvement de 10 pb des taux des crédits immobiliers, après prise en compte de l’inflation ».

Depuis des années, la hausse du prix des actions et des maisons limite le taux d’épargne des ménages, ce qui a un effet positif sur la croissance. D’une certaine manière, on peut dire que la Bourse et l’immobilier ont épargné pour les ménages : la hausse du prix des actifs détenus par les ménages les incitait à ne pas prélever sur leur revenu pour épargner. Cela pourrait changer drastiquement dans les prochains mois, en raison du phénomène inverse. Le dégonflement des bulles financières et immobilières fait le lit de la récession dans la sphère réelle.

Recommandation investisseurs : nous sommes toujours en forte sous-pondération des actions pour un CAC 40 supérieur à 5 541 points.

Tendance sur les marchés de taux et de devises : Les taux des obligations d’Etat sont en légère baisse cette semaine : retour sur 1,4% pour le 10 ans français et sous 2,8% aux USA. L’€ a rebondi de 1% et cote plus de 1,07$.

Tendances récentes sur les matières premières : Le cours du pétrole s’apprécie encore à plus de 115$, le cours du cuivre est stable.




Lundi 30 Mai 2022




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