Paul Jorion
Deux des trois plus grosses banques américaines, Bank of America et Citibank, se trouveraient dans cette situation si les nouvelles mesures étaient immédiatement appliquées. On entend empêcher par là qu’actionnaires et patrons ne vident tout simplement la caisse en période de vaches maigres, solution à toutes les difficultés financières dont la popularité ne cesse de grandir depuis quelques années.
Sinon, gonfler les réserves, cela veut dire essentiellement qu’on ne cherche ni à comprendre, ni à empêcher les crises : on se contente d’amortir leurs effets, et ceci sans avoir même la moindre idée de la gravité que présentera la prochaine. Les mesures prises, qui seront ratifiées par le G20 à Séoul en novembre, devront être en vigueur dans… huit ans, une durée de mise en place absurde si l’on pense aux six ans à peine qui séparent l’éclatement de la bulle internet de la crise des subprimes, mais qui signale le conflit entre deux contraintes aussi impératives l’une que l’autre : se donner du temps pour que tous les établissements dont les réserves sont insuffisantes dans la perspective de la nouvelle norme ne se précipitent pas simultanément sur le marché des capitaux en vue de se recapitaliser, et la nécessité d’aller vite en raison de ce que nul n’ignore : la soudaineté éventuelle d’une nouvelle crise.
L’accord de Bâle n’est pas le seul représentant bien sûr de cet état d’esprit qui consiste à ne pas comprendre ou à ne pas vouloir comprendre. Qu’on se souvienne de mesures déjà prises ou envisagées : plafonner le bonus des traders, bonus qui sont en réalité des commissions fixées au pourcentage, sans qu’on ne se préoccupe d’où viennent en réalité ces bénéfices faramineux dont une faible portion produit encore des chiffres énormes. Qu’on se souvienne aussi des taxes sur les opérations financières, dont la taxe Tobin est le prototype, qui découragent sans faire de véritable tri, alors qu’il conviendrait de distinguer entre ces opérations financières celles qui sont utiles de celles qui sont nuisibles, et encourager alors les premières et interdire purement et simplement les dernières.
Autres exemples fameux : les bulles financières et le risque systémique. Les explications de bonne qualité n’en manquent pas, et ne sont pas nécessairement toutes récentes : qu’on pense aux travaux de Hyman Minsky dans les années 1980 et 1990. Mais que fait-on au lieu de chercher à les prévenir ? On crée à leur propos des « observatoires », des « structures d’alerte ». Au lieu d’empêcher les bulles financières d’apparaître et le risque systémique de miner l’économie, on nous informera, de source officielle, qu’ils sont là. Au lieu d’institutions bureaucratiques, c’étaient autrefois des économistes hétérodoxes, voire des anthropologues, qui sonnaient l’alarme, mais ceux-ci demeurent aussi éloignés qu’avant la crise des centres de décision.
Plus ça change donc, plus c’est la même chose. Faut-il incriminer les structures fossilisées ou la volonté délibérée de nuire ? Qu’importe, le résultat est le même.
Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions.
Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez.
Votre soutien peut s’exprimer ici :
www.pauljorion.com/blog/?page_id=647
Sinon, gonfler les réserves, cela veut dire essentiellement qu’on ne cherche ni à comprendre, ni à empêcher les crises : on se contente d’amortir leurs effets, et ceci sans avoir même la moindre idée de la gravité que présentera la prochaine. Les mesures prises, qui seront ratifiées par le G20 à Séoul en novembre, devront être en vigueur dans… huit ans, une durée de mise en place absurde si l’on pense aux six ans à peine qui séparent l’éclatement de la bulle internet de la crise des subprimes, mais qui signale le conflit entre deux contraintes aussi impératives l’une que l’autre : se donner du temps pour que tous les établissements dont les réserves sont insuffisantes dans la perspective de la nouvelle norme ne se précipitent pas simultanément sur le marché des capitaux en vue de se recapitaliser, et la nécessité d’aller vite en raison de ce que nul n’ignore : la soudaineté éventuelle d’une nouvelle crise.
L’accord de Bâle n’est pas le seul représentant bien sûr de cet état d’esprit qui consiste à ne pas comprendre ou à ne pas vouloir comprendre. Qu’on se souvienne de mesures déjà prises ou envisagées : plafonner le bonus des traders, bonus qui sont en réalité des commissions fixées au pourcentage, sans qu’on ne se préoccupe d’où viennent en réalité ces bénéfices faramineux dont une faible portion produit encore des chiffres énormes. Qu’on se souvienne aussi des taxes sur les opérations financières, dont la taxe Tobin est le prototype, qui découragent sans faire de véritable tri, alors qu’il conviendrait de distinguer entre ces opérations financières celles qui sont utiles de celles qui sont nuisibles, et encourager alors les premières et interdire purement et simplement les dernières.
Autres exemples fameux : les bulles financières et le risque systémique. Les explications de bonne qualité n’en manquent pas, et ne sont pas nécessairement toutes récentes : qu’on pense aux travaux de Hyman Minsky dans les années 1980 et 1990. Mais que fait-on au lieu de chercher à les prévenir ? On crée à leur propos des « observatoires », des « structures d’alerte ». Au lieu d’empêcher les bulles financières d’apparaître et le risque systémique de miner l’économie, on nous informera, de source officielle, qu’ils sont là. Au lieu d’institutions bureaucratiques, c’étaient autrefois des économistes hétérodoxes, voire des anthropologues, qui sonnaient l’alarme, mais ceux-ci demeurent aussi éloignés qu’avant la crise des centres de décision.
Plus ça change donc, plus c’est la même chose. Faut-il incriminer les structures fossilisées ou la volonté délibérée de nuire ? Qu’importe, le résultat est le même.
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