Cette « merveilleuse coïncidence » avait de quoi doper la croissance d'environ trois points : un point pour le pétrole, un pour l'euro et un pour la politique de la BCE et la faiblesse des taux longs. Dans ces trois cas, les canaux de transmission à l'économie réelle sont triples. Considérons tout d'abord l'or noir. Primo, lorsque les prix du baril baissent, le pouvoir d'achat des ménages est amélioré, permettant à ces derniers de consommer davantage. Secundo, les coûts de production des entreprises sont réduits, assurant à ces dernières une meilleure rentabilité, les incitant par là même à investir et à embaucher davantage. Tertio, compte tenu de ces deux premiers avantages, l'horizon global s'améliore, alimentant un cercle vertueux revenu-consommation-investissement-emploi.
Parallèlement, la baisse de l'euro produit également trois types d'effets bénéfiques sur l'activité économique : davantage d'exportations, plus de compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des produits importés, donc plus de parts de marché pour les premiers et, enfin, plus d'investissements étrangers dans l'UEM et moins de fuite de capitaux à l'extérieur de cette dernière.
Enfin, la baisse des taux d'intérêt monétaires et obligataires associée à un processus de « quasi-planche à billets » permet également d'apporter trois soutiens à la croissance. Premièrement, une réduction des risques pour les banques, qui peuvent alors accorder a priori plus de crédits. Deuxièmement, une réduction du coût des crédits et par là même une augmentation de l'appétence des entreprises et des ménages pour ces derniers. Troisièmement, une amélioration des perspectives des agents économiques. Trois évolutions qui, en théorie, soutiennent significativement l'investissement et la consommation, puis l'emploi.
Grâce à toutes ces aides massives et exceptionnelles, le rebond de la croissance apparaît donc logique, pour ne pas dire inévitable. En fait, l'atteinte d'un glissement annuel du PIB de 1 % dans la zone euro et de 0,7 % en France au premier trimestre 2015 apparaissent même décevantes au regard de l'ampleur des soutiens conjoncturels que nous venons d'expliciter.
Certes, il existe un décalage d'environ six mois entre l'occurrence de ces trois soutiens et leur impact sur l'économie. Or, cela fait plus de neuf mois que le pétrole, l'euro et les taux d'intérêt baissent. Les conséquences positives de l'alignement des planètes auraient donc dû produire leurs effets à plein dès le premier trimestre 2015. Avec une croissance d'environ 1 %, force est de constater que nous sommes loin du compte. Pis, les derniers indicateurs avancés de l'activité montrent que les économies de la France, de la zone euro et même de l'Allemagne ont déjà mangé leur pain blanc.
D'où une question chargée d'inquiétudes : si déjà avec un parfait alignement des planètes, le maximum de la croissance a été d'environ 1 %, que va-t-il désormais se passer avec le « désalignement des planètes » qui s'opère depuis quelques semaines ?
En effet, et tout à fait logiquement, les cours du pétrole et des matières premières repartent à la hausse. Le prix du baril de brent est ainsi passé de 47 dollars mi-janvier à 66 dollars, soit potentiellement 0,8 point de croissance en moins. De même, l'indice CRB synthétisant l'évolution de l'ensemble des prix des matières premières (pondérés par le poids de ces dernières dans la consommation mondiale) a augmenté d'environ 10 % en deux mois. Autrement dit, les gains de pouvoirs d'achat liés à la baisse des cours de l'or noir et de l'ensemble des matières premières sont en train de fondre comme neige au soleil. Ce qui affaiblira directement la consommation des ménages, mais aussi l'investissement des entreprises.
Parallèlement, l'euro est passé de 1,05 dollar le 13 mars à plus de 1,11 dollar depuis le début mai. C'est bien là l'un des drames de l'évolution de l'euro. Dès que la croissance eurolandaise s'améliore légèrement, notamment grâce à la dépréciation de l'euro, les investisseurs en déduisent hâtivement que l'UEM est repartie pour de bon et se remettent à acheter de la monnaie unique, renchérissant cette dernière et cassant le peu de croissance eurolandaise. Car ne l'oublions pas, à chaque fois que l'euro s'apprécie de 10 %, cela retire environ 0,5 point à la progression annuelle du PIB eurolandais.
Enfin, même si la remontée des taux longs reste modérée et que la « planche à billets » de la BCE continue de fonctionner, la bulle obligataire commence à se dégonfler. Le taux d'intérêt de l'OAT dix ans est par exemple passé de 0,26 % mi-avril à environ 0,9 % depuis le 12 mai. De plus, la zone euro est entrée dans une « trappe à liquidités » qui est telle que les excès de liquidités viennent surtout alimenter les « bas de laine » et des bulles financières, sans parvenir à relancer significativement l'investissement, la consommation et l'emploi.
Au total, les effets bénéfiques conjoncturels et exceptionnels des derniers mois sont en train de s'estomper, voire de s'inverser. La croissance de la zone euro et celle de la France vont donc rapidement retrouver leur niveau structurel, en l'occurrence aux alentours des 0,7 %, ce qui se traduira par un niveau annuel moyen d'environ 1 %. Il serait donc opportun que les dirigeants eurolandais et français calment leurs ardeurs et fassent plutôt preuve de prudence.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Parallèlement, la baisse de l'euro produit également trois types d'effets bénéfiques sur l'activité économique : davantage d'exportations, plus de compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des produits importés, donc plus de parts de marché pour les premiers et, enfin, plus d'investissements étrangers dans l'UEM et moins de fuite de capitaux à l'extérieur de cette dernière.
Enfin, la baisse des taux d'intérêt monétaires et obligataires associée à un processus de « quasi-planche à billets » permet également d'apporter trois soutiens à la croissance. Premièrement, une réduction des risques pour les banques, qui peuvent alors accorder a priori plus de crédits. Deuxièmement, une réduction du coût des crédits et par là même une augmentation de l'appétence des entreprises et des ménages pour ces derniers. Troisièmement, une amélioration des perspectives des agents économiques. Trois évolutions qui, en théorie, soutiennent significativement l'investissement et la consommation, puis l'emploi.
Grâce à toutes ces aides massives et exceptionnelles, le rebond de la croissance apparaît donc logique, pour ne pas dire inévitable. En fait, l'atteinte d'un glissement annuel du PIB de 1 % dans la zone euro et de 0,7 % en France au premier trimestre 2015 apparaissent même décevantes au regard de l'ampleur des soutiens conjoncturels que nous venons d'expliciter.
Certes, il existe un décalage d'environ six mois entre l'occurrence de ces trois soutiens et leur impact sur l'économie. Or, cela fait plus de neuf mois que le pétrole, l'euro et les taux d'intérêt baissent. Les conséquences positives de l'alignement des planètes auraient donc dû produire leurs effets à plein dès le premier trimestre 2015. Avec une croissance d'environ 1 %, force est de constater que nous sommes loin du compte. Pis, les derniers indicateurs avancés de l'activité montrent que les économies de la France, de la zone euro et même de l'Allemagne ont déjà mangé leur pain blanc.
D'où une question chargée d'inquiétudes : si déjà avec un parfait alignement des planètes, le maximum de la croissance a été d'environ 1 %, que va-t-il désormais se passer avec le « désalignement des planètes » qui s'opère depuis quelques semaines ?
En effet, et tout à fait logiquement, les cours du pétrole et des matières premières repartent à la hausse. Le prix du baril de brent est ainsi passé de 47 dollars mi-janvier à 66 dollars, soit potentiellement 0,8 point de croissance en moins. De même, l'indice CRB synthétisant l'évolution de l'ensemble des prix des matières premières (pondérés par le poids de ces dernières dans la consommation mondiale) a augmenté d'environ 10 % en deux mois. Autrement dit, les gains de pouvoirs d'achat liés à la baisse des cours de l'or noir et de l'ensemble des matières premières sont en train de fondre comme neige au soleil. Ce qui affaiblira directement la consommation des ménages, mais aussi l'investissement des entreprises.
Parallèlement, l'euro est passé de 1,05 dollar le 13 mars à plus de 1,11 dollar depuis le début mai. C'est bien là l'un des drames de l'évolution de l'euro. Dès que la croissance eurolandaise s'améliore légèrement, notamment grâce à la dépréciation de l'euro, les investisseurs en déduisent hâtivement que l'UEM est repartie pour de bon et se remettent à acheter de la monnaie unique, renchérissant cette dernière et cassant le peu de croissance eurolandaise. Car ne l'oublions pas, à chaque fois que l'euro s'apprécie de 10 %, cela retire environ 0,5 point à la progression annuelle du PIB eurolandais.
Enfin, même si la remontée des taux longs reste modérée et que la « planche à billets » de la BCE continue de fonctionner, la bulle obligataire commence à se dégonfler. Le taux d'intérêt de l'OAT dix ans est par exemple passé de 0,26 % mi-avril à environ 0,9 % depuis le 12 mai. De plus, la zone euro est entrée dans une « trappe à liquidités » qui est telle que les excès de liquidités viennent surtout alimenter les « bas de laine » et des bulles financières, sans parvenir à relancer significativement l'investissement, la consommation et l'emploi.
Au total, les effets bénéfiques conjoncturels et exceptionnels des derniers mois sont en train de s'estomper, voire de s'inverser. La croissance de la zone euro et celle de la France vont donc rapidement retrouver leur niveau structurel, en l'occurrence aux alentours des 0,7 %, ce qui se traduira par un niveau annuel moyen d'environ 1 %. Il serait donc opportun que les dirigeants eurolandais et français calment leurs ardeurs et fassent plutôt preuve de prudence.
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