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La BCE et la Fed dans le tonneau des Danaïdes...

Comme nous l'annoncions la semaine dernière dans nos prévisions hebdomadaires, la Fed et la BCE n'ont eu d'autres choix que de maintenir le statu quo, actant par là même de la faible efficacité de leur politique monétaire ultra-accommodante. Tout comme leurs homologues à travers le monde développé, elles se retrouvent ainsi bloquées dans le tonneau des Danaïdes. Dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont les cinquante filles du roi Danaos. Après avoir épousé leurs cousins, elles les tuent le soir des noces et sont ensuite condamnées aux enfers où elles devront remplir éternellement des jarres percées.


Marc Touati
Marc Touati
De la même façon, après avoir tué la croissance forte dans les années 2000 (en particulier dans la zone euro), les banques centrales de la planète n'ont cessé de déverser pléthore de liquidités, mais pour de bien piètres résultats. Plus précisément, les banques centrales ont tout essayé pour sortir le monde de la crise et notamment de la déflation et de la croissance molle. En vain. Mais aussi au prix d'une « planche à billets » extrêmement coûteuse et dont on ne mesure pas encore les conséquences négatives de long terme.

Pour mémoire, rappelons que la « planche à billets » revient à créer de la monnaie, ex-nihilo, c'est-à-dire sans créations de richesses correspondantes. En effet, en temps normal, pour pouvoir créer de la monnaie, la banque centrale d'un pays doit disposer de compensations à l'actif de son bilan, en l'occurrence de l'or, des réserves de changes et des titres (notamment des obligations d'Etat). C'est ce que l'on appelle les contreparties de la masse monétaire. De la sorte, il existe une correspondance entre la monnaie en circulation et la réalité économique du pays. Cela permet notamment d'éviter les dérapages inflationnistes.

Bien différemment, lorsqu'une banque centrale actionne la « planche à billets », cela signifie qu'elle crée de la monnaie sans contreparties préalables. Elle imprime des billets « sur la base de rien ». Mieux, avec cette « monnaie de singe », la banque centrale monétise la dette publique, c'est-à-dire qu'elle finance directement le déficit public. Cette stratégie comporte donc un triple avantage. Primo, l'Etat « éponge » son déficit gratuitement, donc sans faire appel aux investisseurs privés et/ou extérieurs. Secundo, comme l'Etat ne fait pas appel aux marchés obligataires, les taux d'intérêt restent bas, ce qui permet de faciliter le financement de l'investissement privé et de la consommation des ménages. Tertio, de par cet excès artificiel de liquidités, la devise du pays concerné se déprécie, soutenant par là même les exportations et la croissance du pays en question.

Le seul danger de cette stratégie est que la conséquence inévitable d'un excès de création monétaire est une inflation galopante. En effet, si la monnaie en circulation ne correspond pas à une création de richesse équivalente, la différence se traduit par davantage d'inflation : si les quantités ne s'ajustent pas, ce sont les prix qui le font.

Cependant, il arrive parfois que cette « planche à billets » ne se traduise pas par un dérapage des prix. C'est notamment ce qui s'est produit au Japon depuis les années 1990, mais aussi de 2010 à aujourd'hui dans l'ensemble des pays développés, suscitant de nombreuses inquiétudes quant à l'avenir des politiques monétaires et aussi de l'économie planétaire. D'ailleurs, ce qui frappe dans le comportement récent des principaux banquiers centraux de la planète est certainement leur grand désarroi. En effet, que ce soit Janet Yellen aux Etats-Unis, Mario Draghi dans la zone euro ou encore Haruhiko Kuroda au Japon, leurs récentes décisions et déclarations montrent qu'ils ne semblent pas savoir où ils vont et surtout là où ils veulent nous mener…

Certes, et fort heureusement, nous ne sommes plus dans le dogmatisme monétariste qui sévissait il y a plus de vingt ans aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni et il y a encore quelques années dans la zone euro. Ainsi, un peu partout à travers la planète, les banques centrales sont davantage préoccupées par la faiblesse de la croissance que par les risques inflationnistes. Et pour cause : après trois ans de déflation quasi-généralisée, qui n'est pas sans rappeler la situation qui prévalait lors du krach de 1929 et de la crise des années 1930, l'inflation est certes revenue mais est restée très faible, malgré les massives liquidités injectées et le maintien d'une politique extrêmement accommodante dans tous les pays développés.

En fait, à l'instar du Japon dans les années 1990 et 2000, ceux-ci sont entrés dans une phase de « trappe à liquidités » qui se caractérise par quatre composantes principales : des taux monétaires proches de zéro, une abondance de liquidités, mais une inflation modeste et une croissance économique faible. Cette inefficacité de la politique monétaire s'explique principalement par le fait que les agents économiques n'ont pas confiance dans les structures de leur pays et limitent de facto leurs dépenses d'investissement et de consommation.

En outre, si, pour le moment, il reste presque impossible de jauger les impacts des excès de liquidités, il viendra un jour où ces derniers produiront des effets particulièrement négatifs. Et ce, notamment en termes d'inflation, de krachs obligataires et boursiers et finalement de destruction de richesses. Autrement dit, les banques centrales occidentales ne font que gagner du temps et colmater les brèches en espérant que les effets négatifs de leur politique ne se produiront jamais et que la croissance forte reviendra comme par miracle…

Cela commence donc à devenir vraiment inquiétant, car en plus du manque de vision et souvent de l'incompétence des dirigeants politiques des grands pays occidentaux depuis une quinzaine d'années, il faut aussi composer avec le désarroi et l'impuissance des banquiers centraux. Seule consolation, ces derniers ne sont plus des faucons (arcboutés maladivement sur les risques inflationnistes), mais des colombes (qui feront tout pour sauver la croissance). En ces temps troublés, tout réconfort est bon à prendre….

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Lundi 11 Septembre 2017




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