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Etre en concurrence avec la Chine


Etre en concurrence avec la Chine
Il y a deux gigantesques changements en cours dans l'économie mondiale. Le premier, c’est l'augmentation du nombre de fabricants à "bas coûts" en Chine ; le second, c’est la révolution lean qui est en train de gagner de la vitesse. Bien que la révolution lean ait commencé bien avant la récente croissance de la Chine, ces deux mouvements vont de pair. Le lean est tout aussi essentiel pour les entreprises chinoises désireuses de mondialisation que pour les entreprises occidentales répondant à cette irruption concurrentielle sur leurs marchés. Au total, chacun de nous s'en portera mieux.

Aucun pays n'a jamais construit d'avantage compétitif pérenne basé sur des bas salaires. Inévitablement, les salaires et les autres coûts se mettent à augmenter, et c’est ce qu’ils sont en train de faire en Chine. C'est une bonne chose, et même l’objectif principal du développement économique. Mais cela signifie que les entreprises chinoises qui veulent exporter des produits de plus en plus sophistiqués vers l'Occident devront apprendre que la qualité trouve sa source dans l’excellence de la conception et dans des processus lean desquels toutes tâche inutile a été supprimée. La bonne nouvelle pour ces entreprises, c’est que les processus lean ne nécessitent pas d'équipements de technologie de pointe, ni de systèmes informatiques coûteux.

Il ne fait pas de doute que des entreprises chinoises performantes vont établir des unités de production sur d'autres continents. De fait, elles ont commencé a acquérir des entreprises en Europe et en Amérique. Cela va poser des défis majeurs aux managers chinois, tout comme cela a été le cas pour les entreprises japonaises et coréennes s'expatriant pour la première fois. Il faut du temps pour construire une équipe de managers dotée des compétences nécessaires pour gérer la production à l'étranger, de même que pour intégrer des managers étrangers dans les rangs de la direction de l'entreprise en Chine. Le problème de Toyota était simple de ce point de vue : pratiquant le lean au Japon depuis longtemps, elle n’avait qu’à le déployer dans toutes ses unités mondiales. Mais le problème des entreprises coréennes, et maintenant chinoises, est double : elles doivent à la fois apprendre le lean et la façon de piloter des unités étrangères.

La réaction initiale des entreprises occidentales et des régulateurs à la menace Chinoise est d'accroître leurs dépenses en technologies et en recherche et développement. Rien de mauvais à cela – mais hélas, ce ne peut être "la" réponse ! Observez seulement le nombre monstrueux d'ingénieurs en cours de formation en Chine, et qui sont actuellement employés à la rétro-conception de toutes les machines qu'ils achètent en Occident. Rappelez-vous également ce qui arriva aux entreprises qui ont suivi une stratégie purement technologique – comme les constructeurs de voitures de luxe en Allemagne. Ils inventèrent des produits formidables qui étaient bien trop complexes et trop peu fiables pour leurs clients. La maîtrise technologie seule ne saurait suffire.

En fait, l'unique avantage compétitif durable que possèdent les entreprises occidentales, c’est qu’elles sont les plus proches de clients plutôt riches – c’est-à-dire de vous et moi ! Elles devraient donc être plus à même de comprendre leurs besoins, et de développer précisément les nouveaux produits et services dont ils ont besoin pour résoudre leurs problèmes – gérer leur santé, éviter les embouteillages, communiquer sans cesse, etc. Elles devraient être capables de mettre ces produits et les services associés entre les mains de ces consommateurs bien plus rapidement que des producteurs situés de l'autre coté du globe.

C'est notre avantage relatif – mais nous ne le reconnaissons pas, et nous ne l'exploitons pas très bien ! Les fabricants sont bien trop à l'écart, et même isolés, de leurs clients. Il interagissent rarement avec les utilisateurs finaux et leurs distributeurs, dont le rôle principal est de tirer le meilleur prix de produits déjà fabriqués sur prévisions de vente, ont dans bien des cas perdu contact avec les clients car ils ont externalisé leur service après-vente.

Ni la multiplication des focus groups ni les meilleures études de marché ne permettent de connaître exactement les plus importants clients finaux. Elles ne remplacent pas les boucles intelligentes de retour d'information depuis ces clients, qui seules permettent de comprendre comment les aider à mieux utiliser les produits pour résoudre leurs problèmes. Cela pour alimenter un processus de développement de produits très réactif, qui puisse mettre sur le marché une génération de produits en quelques mois plutôt qu'en quelques années. Toyota a annoncé récemment une cible de douze mois entre le gel de la conception et le lancement de chaque nouveau véhicule. Combien de temps vous faut-il pour développer de nouveaux produits et combien de vos nouveaux produits réussissent-ils vraiment ?

Et nous échouons également à répondre de plus en plus rapidement aux attentes des clients. Ma règle empirique est que, s’il faut moins d'une heure pour fabriquer le produit (en temps à valeur ajoutée), cela devrait prendre moins d'une journée pour traverser l'usine. De même, s'il y a besoin d'une heure de travail d'ingénieur et du service des ventes pour créer un devis, cela devrait prendre moins d'une journée pour le fournir au prospect. Chaque étape dans chaque entreprise à travers laquelle le flux de valeur s'écoule ne devrait prendre qu’un jour, alors qu’elle met bien plus de temps pour s'écouler d’intermédiaire en intermédiaire. Et il ne devrait falloir que quelques jours pour atteindre les clients finaux à l'intérieur de la région de vente, n’importe où en Europe. La réactivité d'un bout à l'autre du flux de valeur devrait être mesurée en jours et non en mois.

La plupart des fabricants se débattent encore avec des durées de fabrication de plusieurs semaines et des canaux de distribution de plusieurs mois. Ils sont également encombrés d’une chaîne logistique qui parcours le monde, avec les mêmes délais que leurs concurrents chinois. Cela ne sera pas supportable dans le futur : tous ces délais et ces efforts coûtent bien trop et sapent l'avantage comparatif d'être plus réactif pour les clients locaux. Le point de comparaison est un produit fabriqué en Chine, qui transite par plusieurs distributeurs et est expédié au Royaume-Uni en Airbus A380. Pourquoi ne pourriez-vous pas faire mieux ?

Relever ce défi – se rapprocher des clients et répondre à leurs attentes très rapidement – va plus loin que l'amélioration continue. Cela nécessite de repenser fondamentalement votre stratégie commerciale, de concevoir des processus réactifs et efficaces et de restructurer l'entreprise et sa chaîne logistique pour les soutenir. Les entreprises aux processus lean les plus réactifs gagneront cette compétition mondiale.

Bien à vous,

Pr. Daniel T Jones
Chairman, Lean Enterprise Academy

Traduction : Emmmanuel Jallas, Lysippe Consulting

Source : Projet Lean Entreprises

Dimanche 27 Novembre 2005



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