Tribune par Roberto Garcia Saez, CEO, Health Management Support Team, Auteur du livre Dee Dee Paradize (Ed. Atramenta - 2021), paru le 18 mai 2021, de ONU soit qui mal y pense (Ed. des Etoiles - 2011), Un Eléphant dans une Chaussette et L’oasis des doutes (pièce de théâtre en trois actes).
Socio-économiste spécialisé dans la santé, Roberto Garcia Saez dirige aujourd’hui une société de conseils stratégiques intervenant auprès d’agences de l’ONU, du Fonds Mondial ou de gouvernements. Son domaine de prédilection : la lutte contre les grandes pandémies, paludisme, tuberculose, sida. Avec 25 ans de missions de terrain il a notamment occupé les postes suivants : au Cambodge comme Co-Directeur du programme de l’Union Européenne contre le paludisme, à Genève comme gestionnaire du portfolio Asie du Sud Est, au Congo à la direction d’un programme de 250 millions de dollars du Programme des Nations Unies contre le sida. Aussi plus d’une cinquantaine de missions d’analyses-évaluation de politiques sanitaires gouvernementales. Son expérience dans plus de 20 pays l’amène à plaider pour un multilatéralisme renouvelé.
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La pandémie encore galopante de Covid-19 nous le rappelle chaque jour : l’immunité globale passe par une humanité solidaire. L’épidémie nous force à regarder le monde dans son ensemble, sans tourner la tête. Il faut arrêter de fustiger le multilatéralisme pour, au contraire, le rendre efficient par des réformes structurelles et, par-dessus tout, un engagement responsable et résolu des états.
Les dysfonctionnements de l’Organisation de Nations unies (ONU) sont connus, raillés à souhait par les démagogues populistes qui y trouvent à satiété matière à alimenter leurs discours simplistes. Mais la pandémie actuelle montre à quel point le multilatéralisme que l’Onu incarne est nécessaire pour faire face à ce genre de pandémie.
Bouc-émissaire facile prétendument inféodé à Pékin, son agence spécialisée, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), n’a pourtant pas failli et a mis face à leurs responsabilités ses pays membres.
Alors que certains pays n’ont eu de cesse de l’attaquer pour « manquements » comme pour mieux se dédouaner de leurs propres insuffisances – tactique classique et pathétique notamment des États-Unis – l’OMS a rappelé à ses membres qu’ils avaient apposé leur signature sur un accord-cadre – le Règlement Sanitaire International (RSI) - élaboré en 1957 et mis à jour en 2005 et qu’ils se devaient de l’honorer.
Que dit ce RSI ? Adopté par 196 états - dont les USA – il enjoint les pays signataires à : détecter, réduire et éliminer les sources de propagation de l’infection ; améliorer la surveillance sanitaire et la réponse aux urgences sanitaires dans les ports et aéroports et autour de ceux-ci ; prévenir la dissémination des vecteurs ; entraver le moins possible les voyages et les échanges internationaux.
Ce règlement comporte entre autres obligations de la part des états signataires de désigner un point focal national chargé 7 jours sur 7 d’assurer les échanges d’informations avec l’OMS, d’évaluer les événements de santé publique susceptibles de constituer une urgence de santé publique de portée internationale et, selon les cas, les notifier à l’OMS. Les états doivent aussi répondre aux sollicitations de l’OMS concernant des évènements sanitaires pouvant constituer un risque pour la santé publique et développer, renforcer puis maintenir les capacités nationales de détection, d’évaluation et de réponse aux événements sanitaires pouvant constituer un tel risque.
Pour mettre en œuvre ce RSI, encore faut-il aller au-delà des textes, coordonner les efforts et le financer. C’est une question de volonté et de priorité. Cela s’est déjà produit au début des années 2000 lorsqu’on a vu l’émergence d’organisations telles que le Fonds Mondial et GAVI, généreusement financées pour faire face à d’autres maladies transmissibles mortelles, notamment le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme, et pour organiser des campagnes massives de vaccination.
A l’époque, certaines voix se sont élevées pour mettre en doute la faisabilité pour la communauté internationale de financer la prévention et les traitements de centaines de millions de personnes partout sur la planète, cela gratuitement. Aujourd’hui, les faits nous ont démontré que cela était possible. Si ces maladies ne sont pas encore éliminées, leur morbidité et leur mortalité ont chuté drastiquement en 20 ans.
Surtout, nous avons appris que, pour éliminer ces maladies, il fallait renforcer les systèmes de santé et la surveillance sanitaire – pas seulement au niveau central mais principalement au niveau communautaire, et, plus encore, travailler de concert au-delà des frontières souveraines.
Bref, nous savions déjà comment affronter une pandémie mondiale mais, à l’heure du revival des patriotismes de tribune, on a fait comme si ces expériences accumulées n’avaient jamais existé autrement que dans la tête de technocrates aux bottes d’un multilatéralisme perverti par la mondialisation. Cette crise sera, espérons-le, le déclic pour que les nations du monde financent la sécurité sanitaire internationale.
L’OMS c’est 194 pays membres et un budget total est de 8,482 milliards (dont 20% seulement en contributions directes et 80% en contributions volontaires pour le période 2020-21) – soit moins 0,008% du PIB mondial. A titre de comparaison, cela équivaut au budget de l’Assistance Publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP) en 2019. Il faudra impérieusement une reforme sérieuse de l’ONU, jusqu’à, pourquoi pas, sa destruction puis reconstruction avec un nouveau mode de gouvernance donnant plus de place aux forces de la société civile. Pour ce faire, les pays membres devront accepter de lui accorder un plus grand rôle et en finir avec le chantage à l’argent. Rappelons que le deuxième contributeur de l’OMS pour la partie volontaire est la Fondation Bill et Melinda Gates et non pas un pays souverain. Si certains s’étouffent, moi je dis : merci Bill.
L’épidémie nous force à regarder le monde comme un ensemble, sans tourner la tête. La survie de l’humanité passe par l’humilité collective.
Les gens qui vont vivre 150 ans sont certainement déjà nés. Aujourd’hui, dans les pays riches au moins, on trouve déjà inacceptable de mourir à 75 – 80 ans. C’est jeune pour mourir, dit-on. Cette donnée a impacté fortement la gestion de la pandémie. Cette nouvelle donne doit être reflétée dans l’offre de santé que l’on propose maintenant. Il y a seulement 50 ans, la grippe de Hong Kong a fait entre 1 et 4 millions de morts pour une population mondiale de moitié de celle d’aujourd’hui. Mais personne ne s’en souvient parce qu’à l’époque c’était acceptable de mourir d’une pandémie grippale.
Elle est aussi passée inaperçue parce que – en plus des progrès scientifiques en matière de découvertes de nouvelles molécules pour des médicaments, moyens de protection, etc. - l’on n’avait pas encore à disposition la puissance du « bigdata » qui, grâce à internet et aux nouveaux algorithmes, améliore aujourd’hui le partage des informations et la transparence que cela génère. Bientôt, la blockchain apportera une dimension « décentralisée » à la gestion des échanges. Cela nous permettra de mieux comprendre les maladies, leur transmission, leur mutation.
Il est possible que compte tenu de la spécificité de ce virus - plus létal pour les personnes âgées et celles ayant des comorbidités - les pays en développement - et notamment l’Afrique - soient, au final, moins affectés. Pour mémoire, notons qu’en Allemagne et en France, respectivement 25% et 20,5% de la population avaient plus de 65 ans n 2020 tandis qu’en Afrique, 60% de la population a moins de 25 ans. Pour mémoire, au Burkina-Faso, seulement 2% de la population a plus de 65 ans, et 5% en Ouganda.
De nouveaux virus ne manqueront pas d’apparaitre et leur impact tant sanitaire que psychologique sera bien différent s’ils touchent d’autres tranches de la population. Par conséquent il n’y a pas d’autre choix que de penser « monde » pour y être prêt. Ne pas penser par pays, ne pas penser par classe d’âge. Penser « monde », penser « humanité ». Au regard de cet enjeu, quoi de plus stupide que de désigner le virus et ses variants comme s’ils étaient le produit d’un pays en particulier. Si l’on peut comprendre que les scientifiques le fassent par commodité, ces dénominations contribuent insidieusement à pousser les opinions publiques dans la direction opposée.
La réponse sera efficace si elle est collective avec des législations harmonisées, une répartition des outils pour toutes et tous quel que soit le niveau économique du pays, des coordinations assumées et une mise en œuvre décentralisée par des unités opérationnelles locales au niveau des villes et régions.
Penser collectivement, agir localement. L’alliance des institutions multilatérales mondiales et des nouveaux outils de gestion des données nous le permet.
Socio-économiste spécialisé dans la santé, Roberto Garcia Saez dirige aujourd’hui une société de conseils stratégiques intervenant auprès d’agences de l’ONU, du Fonds Mondial ou de gouvernements. Son domaine de prédilection : la lutte contre les grandes pandémies, paludisme, tuberculose, sida. Avec 25 ans de missions de terrain il a notamment occupé les postes suivants : au Cambodge comme Co-Directeur du programme de l’Union Européenne contre le paludisme, à Genève comme gestionnaire du portfolio Asie du Sud Est, au Congo à la direction d’un programme de 250 millions de dollars du Programme des Nations Unies contre le sida. Aussi plus d’une cinquantaine de missions d’analyses-évaluation de politiques sanitaires gouvernementales. Son expérience dans plus de 20 pays l’amène à plaider pour un multilatéralisme renouvelé.
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La pandémie encore galopante de Covid-19 nous le rappelle chaque jour : l’immunité globale passe par une humanité solidaire. L’épidémie nous force à regarder le monde dans son ensemble, sans tourner la tête. Il faut arrêter de fustiger le multilatéralisme pour, au contraire, le rendre efficient par des réformes structurelles et, par-dessus tout, un engagement responsable et résolu des états.
Les dysfonctionnements de l’Organisation de Nations unies (ONU) sont connus, raillés à souhait par les démagogues populistes qui y trouvent à satiété matière à alimenter leurs discours simplistes. Mais la pandémie actuelle montre à quel point le multilatéralisme que l’Onu incarne est nécessaire pour faire face à ce genre de pandémie.
Bouc-émissaire facile prétendument inféodé à Pékin, son agence spécialisée, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), n’a pourtant pas failli et a mis face à leurs responsabilités ses pays membres.
Alors que certains pays n’ont eu de cesse de l’attaquer pour « manquements » comme pour mieux se dédouaner de leurs propres insuffisances – tactique classique et pathétique notamment des États-Unis – l’OMS a rappelé à ses membres qu’ils avaient apposé leur signature sur un accord-cadre – le Règlement Sanitaire International (RSI) - élaboré en 1957 et mis à jour en 2005 et qu’ils se devaient de l’honorer.
Que dit ce RSI ? Adopté par 196 états - dont les USA – il enjoint les pays signataires à : détecter, réduire et éliminer les sources de propagation de l’infection ; améliorer la surveillance sanitaire et la réponse aux urgences sanitaires dans les ports et aéroports et autour de ceux-ci ; prévenir la dissémination des vecteurs ; entraver le moins possible les voyages et les échanges internationaux.
Ce règlement comporte entre autres obligations de la part des états signataires de désigner un point focal national chargé 7 jours sur 7 d’assurer les échanges d’informations avec l’OMS, d’évaluer les événements de santé publique susceptibles de constituer une urgence de santé publique de portée internationale et, selon les cas, les notifier à l’OMS. Les états doivent aussi répondre aux sollicitations de l’OMS concernant des évènements sanitaires pouvant constituer un risque pour la santé publique et développer, renforcer puis maintenir les capacités nationales de détection, d’évaluation et de réponse aux événements sanitaires pouvant constituer un tel risque.
Pour mettre en œuvre ce RSI, encore faut-il aller au-delà des textes, coordonner les efforts et le financer. C’est une question de volonté et de priorité. Cela s’est déjà produit au début des années 2000 lorsqu’on a vu l’émergence d’organisations telles que le Fonds Mondial et GAVI, généreusement financées pour faire face à d’autres maladies transmissibles mortelles, notamment le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme, et pour organiser des campagnes massives de vaccination.
A l’époque, certaines voix se sont élevées pour mettre en doute la faisabilité pour la communauté internationale de financer la prévention et les traitements de centaines de millions de personnes partout sur la planète, cela gratuitement. Aujourd’hui, les faits nous ont démontré que cela était possible. Si ces maladies ne sont pas encore éliminées, leur morbidité et leur mortalité ont chuté drastiquement en 20 ans.
Surtout, nous avons appris que, pour éliminer ces maladies, il fallait renforcer les systèmes de santé et la surveillance sanitaire – pas seulement au niveau central mais principalement au niveau communautaire, et, plus encore, travailler de concert au-delà des frontières souveraines.
Bref, nous savions déjà comment affronter une pandémie mondiale mais, à l’heure du revival des patriotismes de tribune, on a fait comme si ces expériences accumulées n’avaient jamais existé autrement que dans la tête de technocrates aux bottes d’un multilatéralisme perverti par la mondialisation. Cette crise sera, espérons-le, le déclic pour que les nations du monde financent la sécurité sanitaire internationale.
L’OMS c’est 194 pays membres et un budget total est de 8,482 milliards (dont 20% seulement en contributions directes et 80% en contributions volontaires pour le période 2020-21) – soit moins 0,008% du PIB mondial. A titre de comparaison, cela équivaut au budget de l’Assistance Publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP) en 2019. Il faudra impérieusement une reforme sérieuse de l’ONU, jusqu’à, pourquoi pas, sa destruction puis reconstruction avec un nouveau mode de gouvernance donnant plus de place aux forces de la société civile. Pour ce faire, les pays membres devront accepter de lui accorder un plus grand rôle et en finir avec le chantage à l’argent. Rappelons que le deuxième contributeur de l’OMS pour la partie volontaire est la Fondation Bill et Melinda Gates et non pas un pays souverain. Si certains s’étouffent, moi je dis : merci Bill.
L’épidémie nous force à regarder le monde comme un ensemble, sans tourner la tête. La survie de l’humanité passe par l’humilité collective.
Les gens qui vont vivre 150 ans sont certainement déjà nés. Aujourd’hui, dans les pays riches au moins, on trouve déjà inacceptable de mourir à 75 – 80 ans. C’est jeune pour mourir, dit-on. Cette donnée a impacté fortement la gestion de la pandémie. Cette nouvelle donne doit être reflétée dans l’offre de santé que l’on propose maintenant. Il y a seulement 50 ans, la grippe de Hong Kong a fait entre 1 et 4 millions de morts pour une population mondiale de moitié de celle d’aujourd’hui. Mais personne ne s’en souvient parce qu’à l’époque c’était acceptable de mourir d’une pandémie grippale.
Elle est aussi passée inaperçue parce que – en plus des progrès scientifiques en matière de découvertes de nouvelles molécules pour des médicaments, moyens de protection, etc. - l’on n’avait pas encore à disposition la puissance du « bigdata » qui, grâce à internet et aux nouveaux algorithmes, améliore aujourd’hui le partage des informations et la transparence que cela génère. Bientôt, la blockchain apportera une dimension « décentralisée » à la gestion des échanges. Cela nous permettra de mieux comprendre les maladies, leur transmission, leur mutation.
Il est possible que compte tenu de la spécificité de ce virus - plus létal pour les personnes âgées et celles ayant des comorbidités - les pays en développement - et notamment l’Afrique - soient, au final, moins affectés. Pour mémoire, notons qu’en Allemagne et en France, respectivement 25% et 20,5% de la population avaient plus de 65 ans n 2020 tandis qu’en Afrique, 60% de la population a moins de 25 ans. Pour mémoire, au Burkina-Faso, seulement 2% de la population a plus de 65 ans, et 5% en Ouganda.
De nouveaux virus ne manqueront pas d’apparaitre et leur impact tant sanitaire que psychologique sera bien différent s’ils touchent d’autres tranches de la population. Par conséquent il n’y a pas d’autre choix que de penser « monde » pour y être prêt. Ne pas penser par pays, ne pas penser par classe d’âge. Penser « monde », penser « humanité ». Au regard de cet enjeu, quoi de plus stupide que de désigner le virus et ses variants comme s’ils étaient le produit d’un pays en particulier. Si l’on peut comprendre que les scientifiques le fassent par commodité, ces dénominations contribuent insidieusement à pousser les opinions publiques dans la direction opposée.
La réponse sera efficace si elle est collective avec des législations harmonisées, une répartition des outils pour toutes et tous quel que soit le niveau économique du pays, des coordinations assumées et une mise en œuvre décentralisée par des unités opérationnelles locales au niveau des villes et régions.
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