Ivan Tchotourian
Jérôme Kerviel, vingt-huit mois plus tard. Le trader qui a mis la Société Générale à genoux sera demain face à ses juges. L'heure des comptes a sonné pour celui qui avait stupéfait le monde en provoquant la plus importante perte de trading jamais enregistrée par une banque. Le temps des raccourcis et des approximations est terminé. Et « JK » devra se montrer autrement plus convaincant qu'au cours de l'instruction s'il souhaite minorer sa responsabilité.
D'autant que sa victime joue également gros. Pour la Société Générale, il s'agit de tourner la page. De purger un traumatisme majeur qui lui aura coûté rien de moins que son PDG, l'essentiel de son état-major, une partie de son prestige et, accessoirement, 5 milliards d'euros. Et ce alors même que l'établissement, toujours lesté d'un stock d'actifs toxiques très pesant, peine à retrouver son rang. Dans ces conditions, deux semaines de débats ne seront pas de trop pour comprendre comment un trader lambda a pu des mois durant prendre des dizaines de milliards d'euros d'engagements dans le saint des saints d'un des plus grands établissements européens sans que personne ne s'en rende compte. Ni les autorités de tutelle, ni sa hiérarchie, ni même ses collègues.
Mais si cette affaire fascine encore deux ans après les faits c'est que, avec Kerviel, le grand public s'est retrouvé projeté au coeur d'une boîte noire : la finance de marché. Il a découvert, effaré, le monde des « trading floors » et la démesure des sommes qui y sont misées. C'était fin janvier 2008. Depuis, Lehman a périclité, AIG a été nationalisé, Madoff a été démasqué et Goldman Sachs est désormais suspecté d'avoir sciemment floué certains de ses clients. Bref, d'autres cathédrales se sont écroulées. Du coup, ce qui ressemblait à l'époque à un fait divers hors norme, à l'acte isolé d'un jeune homme animé d'une soif inextinguible de reconnaissance, apparaît avec le recul comme le révélateur d'un système. La preuve du vertige qui avait saisi certains, qu'ils soient simples traders ou dirigeants, devant l'ampleur des sommes manipulées et des profits à réaliser.
C'est pourquoi, au moment où s'ouvre ce procès, on se demande si la finance a appris de ses erreurs. Si les conduites qui ont mené l'économie mondiale au bord du chaos risquent de se reproduire. Des mesures ont certes été prises, d'autres sont annoncées. Mais, deux ans après « JK », il faut se rendre à l'évidence, les moeurs de la finance n'ont fondamentalement pas changé. Dans un peu plus de quinze jours, Jérôme Kerviel aura été jugé et, sans doute, condamné. Le procès du « casino banking », lui, reste à faire.
A la prochaine ...
Ivan Tchotourian
Maître de conférences à l'Université de Nantes
Chercheur associé à la Chaire en droit des affaires et du commerce international (Canada)
droit-des-affaires.blogspot.com/
D'autant que sa victime joue également gros. Pour la Société Générale, il s'agit de tourner la page. De purger un traumatisme majeur qui lui aura coûté rien de moins que son PDG, l'essentiel de son état-major, une partie de son prestige et, accessoirement, 5 milliards d'euros. Et ce alors même que l'établissement, toujours lesté d'un stock d'actifs toxiques très pesant, peine à retrouver son rang. Dans ces conditions, deux semaines de débats ne seront pas de trop pour comprendre comment un trader lambda a pu des mois durant prendre des dizaines de milliards d'euros d'engagements dans le saint des saints d'un des plus grands établissements européens sans que personne ne s'en rende compte. Ni les autorités de tutelle, ni sa hiérarchie, ni même ses collègues.
Mais si cette affaire fascine encore deux ans après les faits c'est que, avec Kerviel, le grand public s'est retrouvé projeté au coeur d'une boîte noire : la finance de marché. Il a découvert, effaré, le monde des « trading floors » et la démesure des sommes qui y sont misées. C'était fin janvier 2008. Depuis, Lehman a périclité, AIG a été nationalisé, Madoff a été démasqué et Goldman Sachs est désormais suspecté d'avoir sciemment floué certains de ses clients. Bref, d'autres cathédrales se sont écroulées. Du coup, ce qui ressemblait à l'époque à un fait divers hors norme, à l'acte isolé d'un jeune homme animé d'une soif inextinguible de reconnaissance, apparaît avec le recul comme le révélateur d'un système. La preuve du vertige qui avait saisi certains, qu'ils soient simples traders ou dirigeants, devant l'ampleur des sommes manipulées et des profits à réaliser.
C'est pourquoi, au moment où s'ouvre ce procès, on se demande si la finance a appris de ses erreurs. Si les conduites qui ont mené l'économie mondiale au bord du chaos risquent de se reproduire. Des mesures ont certes été prises, d'autres sont annoncées. Mais, deux ans après « JK », il faut se rendre à l'évidence, les moeurs de la finance n'ont fondamentalement pas changé. Dans un peu plus de quinze jours, Jérôme Kerviel aura été jugé et, sans doute, condamné. Le procès du « casino banking », lui, reste à faire.
A la prochaine ...
Ivan Tchotourian
Maître de conférences à l'Université de Nantes
Chercheur associé à la Chaire en droit des affaires et du commerce international (Canada)
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