Le marché des cryptomonnaies connaît d’innombrables sursauts. Chute brutale d’un des plus gros acteurs, faillites en série, correction du marché avec une baisse de 60% de volume et hack d’une multitude de protocoles, l’année 2022 n’est pas la meilleure porte-parole de l’écosystème web3. De ce constat découle la nécessité d’une réglementation de l’écosystème.
Comme souvent, l’Europe affiche une posture plus réservée et plus attentiste que ses voisins US et Asiatiques. L’accord provisoire sur le règlement MiCa, qui encadre le secteur des cryptomonnaies, et évoque des restrictions drastiques sur les stablecoins, le démontre. Si cette prudence et cette volonté d’encadrement législatif ont incontestablement des vertus, il ne faudrait pas que l’Europe – une fois de plus – n’érige des barrières trop contraignantes qui pénalisent sa position sur ce marché, mais aussi son économie et les acteurs européens du Web3.
Quoiqu’il arrive, les usages liés aux cryptomonnaies vont se développer. Le challenge est donc de les favoriser avec un maximum de confiance, challenge auquel les stablecoins peuvent répondre, sous conditions.
Promesse de stabilité
On distingue deux types de stablecoins (STBC), qui comme leur nom l’indique, sont de nature plus stable que les autres crypto-monnaies.
- Le STBC « collatéralisé » est adossé à une monnaie fiduciaire telle que l’euro ou le dollar, ou à une matière première telle que l’or, le blé… réduisant ainsi son risque de volatilité.
- Le STBC « algorithmique » est quant à lui soit adossé à une monnaie ou à d’autres actifs, le plus souvent numériques (crypto actif ou panier de crypto-actifs). Ce sont les algorithmes qui maintiennent son équilibre.
Cet équilibre, également nommé parité, est tout l’enjeu lié au stablecoin. Il doit être en permanence maintenu à un ratio de 1 pour 1. Par exemple, 1 UST = 1 dollar.
La chute récente de Terra USD, le troisième plus gros stablecoin mondial a fait voler en éclat la théorie. Ce stablecoin algorithmique était arrimé à la cryptomonnaie Luna. Après la chute violente de cet actif numérique, l’équilibre (ou parité) de Terra USD vis-à-vis du dollar n’a plus été maintenue, entraînant ainsi sa chute, tout aussi brutale.
A eux seuls, les stablecoins USDT (ou Tether provenant de la blockchain Ethereum), USDC (ou Dollar numérique) et BUSD (ou Binance), tous américains et indexés sur le dollar, représentent près de 75% des volumes d’échanges des stablecoins aujourd’hui.
Des réglementations se dessinent
L’affaire « Terra Luna » a soulevé la nécessité d’un cadre législatif pour encadrer les cryptomonnaies, y compris les stablecoins. Néanmoins, les orientations réglementaires divergent.
Aux États-Unis, le projet de loi Stablecoin TRUST Act, s’il est adopté, ferait des USA le premier pays à reconnaître officiellement les stablecoins comme faisant partie de leur système financier. Définis comme des stablecoins de paiement, ils pourront être convertis en monnaie fiduciaire. Le projet prévoit également des mesures pour protéger les détenteurs et des dispositions pour favoriser plus de transparence de la part des émetteurs.
En Europe, c’est le règlement MiCa qui a obtenu l’accord provisoire du Parlement et du Conseil Européen. Il vise lui aussi à protéger les investisseurs et à mieux contrôler les autorisations d’exercer des émetteurs au travers de multiples obligations.
Mais ce qui a surtout retenu l’attention, c’est la volonté de limiter les échanges de stablecoins adossés à des devises non européennes. Pour celles-ci, le règlement MiCa impose un plafond d’échanges quotidiens à 200 M€ et à 1 million de transactions. A titre de comparaison, le volume d’échanges journaliers de l’USDT a atteint plus de 52Mds$. En ces termes, le risque est donc de voir la circulation des trois plus importants stablecoins mondiaux fortement réduits dans l’UE d’ici 2024 et avec eux une fuite importante des activités de cryptomonnaies en dehors de son marché.
De telles restrictions visent à préserver la souveraineté monétaire européenne, afin de garantir une surveillance et un suivi appropriés des émissions. Elles sont aussi un préalable à l’émission future d’un euro digital, pour lequel de multiples cas d’usage seront pertinents.
Mais l’Europe doit aller plus vite et adopter une posture ouverte. Autrement dit, tester les mécanismes avant de tout verrouiller et éviter les amalgames simplistes liés à une chute d’actif ou un marché baissier. Il faut faciliter l’émergence d’acteurs européens sérieux, qui soient régulés mais pas mis en échec, et éviter de laisser le champ libre aux acteurs US et asiatiques, avec le risque sous-jacent de voir apparaître des « GAFAM crypto ».
Ainsi, les fondations du projet MiCa sont sans doute une première étape dont il faut se réjouir pour apporter de la confiance mais qui, en l’état, ne suffiront pas à faire émerger des acteurs européens de poids. Quant à l’euro digital, son timing (2025) est trop lointain, le rôle de la banque centrale et des banques commerciales n’est pas tranché, une trop grande « centralisation » gouvernementale est sans doute risquée…
Des applications concrètes basées sur les stablecoins
Comme son nom l’indique, l’atout majeur du STBC est sa stabilité. Ainsi, cet actif numérique n’a pas vocation à être utilisé pour de la spéculation. On ne doit pas en attendre une rémunération. En revanche, il peut être utilisé pour protéger son épargne de l’inflation et transférer de l’argent à l’étranger à moindre coût. Ces usages sont notamment très développés dans les pays surendettés ou avec une banque centrale faible.
Surtout, il est voué à être utilisé pour des échanges et dans des applications financières concrètes.
Pour les acteurs de la finance décentralisée, il représente un actif plus sûr et peut permettre la construction de produits financiers aux rendements supérieurs aux produits classiques.
Pour les entreprises, il peut être utilisé dans les transferts d’argent entre les filiales. Les trésoriers des grands comptes se plaignent du temps et du coût des virements transfrontaliers. Utiliser un stablecoin collatéralisé serait une solution disponible 24/7 et sans risque.
Enfin pour l’univers marchand et le grand public, le STBC peut devenir un moyen de paiement. Alors que l’on évoque avec engouement l’arrivée prochaine du paiement en cryptomonnaies dans nos magasins préférés, on en est en réalité encore bien loin.
Les enseignes (et le public) mettent en avant le bitcoin et d’autres cryptomonnaies similaires. Pourtant, elles ne sont pas adaptées au paiement. Il faut en moyenne une heure pour sécuriser et certifier une transaction sur la blockchain Bitcoin. Même si des améliorations sont prévues (grâce au lightning network de Bitcoin par exemple), un acteur tel que Visa/Mastercard sait gérer 30 000 à 50 000 transactions par seconde… De plus, la volatilité du bitcoin pousse davantage à de la spéculation qu'à un usage transactionnel.
Les stablecoins collatéralisés sécurisent quant à eux le retailer et le client et suppriment les intermédiaires pour se prémunir contre les risques. Ils doivent néanmoins reposer sur des blockchains efficaces, capables de gérer un nombre de transactions important pour faire preuve de scalabilité.
Les marchands en retirent d’autres avantages : en s’affranchissant d’intermédiaires, le paiement revient moins cher et les plafonds de cartes disparaissent. Via son inscription dans la blockchain, la sécurité du paiement et son instantanéité sont garanties.
L’adoption d’actifs numériques comme moyen de paiement mainstream prendra certes du temps, mais contribuera sans doute à la création de ponts entre l’économie réelle et la sphère crypto.
Au même titre que les banques et les fintechs, les acteurs crypto doivent répondre à des règles strictes afin de garantir la sécurité des actifs. La capacité de Circle à émettre un stablecoin adossé à l’euro alors que la société ne répond à aucune régulation européenne démontre la nécessité absolue de l’UE à protéger son écosystème. L’arrivée d’un stablecoin européen collatéralisé, et régulé, serait une belle avancée !
La réglementation à venir doit prendre en compte les enjeux de scalabilité, de sécurité et de coût pour que les actifs numériques - que l’on espère européens - soient utilisés avec pertinence. Le développement de stablecoins européens est un excellent moyen d’y parvenir, à la condition que soient réunis une volonté d’ouverture et un équilibre réglementaire fertile pour les acteurs européens.
Source : Blockchain For Europe
Comme souvent, l’Europe affiche une posture plus réservée et plus attentiste que ses voisins US et Asiatiques. L’accord provisoire sur le règlement MiCa, qui encadre le secteur des cryptomonnaies, et évoque des restrictions drastiques sur les stablecoins, le démontre. Si cette prudence et cette volonté d’encadrement législatif ont incontestablement des vertus, il ne faudrait pas que l’Europe – une fois de plus – n’érige des barrières trop contraignantes qui pénalisent sa position sur ce marché, mais aussi son économie et les acteurs européens du Web3.
Quoiqu’il arrive, les usages liés aux cryptomonnaies vont se développer. Le challenge est donc de les favoriser avec un maximum de confiance, challenge auquel les stablecoins peuvent répondre, sous conditions.
Promesse de stabilité
On distingue deux types de stablecoins (STBC), qui comme leur nom l’indique, sont de nature plus stable que les autres crypto-monnaies.
- Le STBC « collatéralisé » est adossé à une monnaie fiduciaire telle que l’euro ou le dollar, ou à une matière première telle que l’or, le blé… réduisant ainsi son risque de volatilité.
- Le STBC « algorithmique » est quant à lui soit adossé à une monnaie ou à d’autres actifs, le plus souvent numériques (crypto actif ou panier de crypto-actifs). Ce sont les algorithmes qui maintiennent son équilibre.
Cet équilibre, également nommé parité, est tout l’enjeu lié au stablecoin. Il doit être en permanence maintenu à un ratio de 1 pour 1. Par exemple, 1 UST = 1 dollar.
La chute récente de Terra USD, le troisième plus gros stablecoin mondial a fait voler en éclat la théorie. Ce stablecoin algorithmique était arrimé à la cryptomonnaie Luna. Après la chute violente de cet actif numérique, l’équilibre (ou parité) de Terra USD vis-à-vis du dollar n’a plus été maintenue, entraînant ainsi sa chute, tout aussi brutale.
A eux seuls, les stablecoins USDT (ou Tether provenant de la blockchain Ethereum), USDC (ou Dollar numérique) et BUSD (ou Binance), tous américains et indexés sur le dollar, représentent près de 75% des volumes d’échanges des stablecoins aujourd’hui.
Des réglementations se dessinent
L’affaire « Terra Luna » a soulevé la nécessité d’un cadre législatif pour encadrer les cryptomonnaies, y compris les stablecoins. Néanmoins, les orientations réglementaires divergent.
Aux États-Unis, le projet de loi Stablecoin TRUST Act, s’il est adopté, ferait des USA le premier pays à reconnaître officiellement les stablecoins comme faisant partie de leur système financier. Définis comme des stablecoins de paiement, ils pourront être convertis en monnaie fiduciaire. Le projet prévoit également des mesures pour protéger les détenteurs et des dispositions pour favoriser plus de transparence de la part des émetteurs.
En Europe, c’est le règlement MiCa qui a obtenu l’accord provisoire du Parlement et du Conseil Européen. Il vise lui aussi à protéger les investisseurs et à mieux contrôler les autorisations d’exercer des émetteurs au travers de multiples obligations.
Mais ce qui a surtout retenu l’attention, c’est la volonté de limiter les échanges de stablecoins adossés à des devises non européennes. Pour celles-ci, le règlement MiCa impose un plafond d’échanges quotidiens à 200 M€ et à 1 million de transactions. A titre de comparaison, le volume d’échanges journaliers de l’USDT a atteint plus de 52Mds$. En ces termes, le risque est donc de voir la circulation des trois plus importants stablecoins mondiaux fortement réduits dans l’UE d’ici 2024 et avec eux une fuite importante des activités de cryptomonnaies en dehors de son marché.
De telles restrictions visent à préserver la souveraineté monétaire européenne, afin de garantir une surveillance et un suivi appropriés des émissions. Elles sont aussi un préalable à l’émission future d’un euro digital, pour lequel de multiples cas d’usage seront pertinents.
Mais l’Europe doit aller plus vite et adopter une posture ouverte. Autrement dit, tester les mécanismes avant de tout verrouiller et éviter les amalgames simplistes liés à une chute d’actif ou un marché baissier. Il faut faciliter l’émergence d’acteurs européens sérieux, qui soient régulés mais pas mis en échec, et éviter de laisser le champ libre aux acteurs US et asiatiques, avec le risque sous-jacent de voir apparaître des « GAFAM crypto ».
Ainsi, les fondations du projet MiCa sont sans doute une première étape dont il faut se réjouir pour apporter de la confiance mais qui, en l’état, ne suffiront pas à faire émerger des acteurs européens de poids. Quant à l’euro digital, son timing (2025) est trop lointain, le rôle de la banque centrale et des banques commerciales n’est pas tranché, une trop grande « centralisation » gouvernementale est sans doute risquée…
Des applications concrètes basées sur les stablecoins
Comme son nom l’indique, l’atout majeur du STBC est sa stabilité. Ainsi, cet actif numérique n’a pas vocation à être utilisé pour de la spéculation. On ne doit pas en attendre une rémunération. En revanche, il peut être utilisé pour protéger son épargne de l’inflation et transférer de l’argent à l’étranger à moindre coût. Ces usages sont notamment très développés dans les pays surendettés ou avec une banque centrale faible.
Surtout, il est voué à être utilisé pour des échanges et dans des applications financières concrètes.
Pour les acteurs de la finance décentralisée, il représente un actif plus sûr et peut permettre la construction de produits financiers aux rendements supérieurs aux produits classiques.
Pour les entreprises, il peut être utilisé dans les transferts d’argent entre les filiales. Les trésoriers des grands comptes se plaignent du temps et du coût des virements transfrontaliers. Utiliser un stablecoin collatéralisé serait une solution disponible 24/7 et sans risque.
Enfin pour l’univers marchand et le grand public, le STBC peut devenir un moyen de paiement. Alors que l’on évoque avec engouement l’arrivée prochaine du paiement en cryptomonnaies dans nos magasins préférés, on en est en réalité encore bien loin.
Les enseignes (et le public) mettent en avant le bitcoin et d’autres cryptomonnaies similaires. Pourtant, elles ne sont pas adaptées au paiement. Il faut en moyenne une heure pour sécuriser et certifier une transaction sur la blockchain Bitcoin. Même si des améliorations sont prévues (grâce au lightning network de Bitcoin par exemple), un acteur tel que Visa/Mastercard sait gérer 30 000 à 50 000 transactions par seconde… De plus, la volatilité du bitcoin pousse davantage à de la spéculation qu'à un usage transactionnel.
Les stablecoins collatéralisés sécurisent quant à eux le retailer et le client et suppriment les intermédiaires pour se prémunir contre les risques. Ils doivent néanmoins reposer sur des blockchains efficaces, capables de gérer un nombre de transactions important pour faire preuve de scalabilité.
Les marchands en retirent d’autres avantages : en s’affranchissant d’intermédiaires, le paiement revient moins cher et les plafonds de cartes disparaissent. Via son inscription dans la blockchain, la sécurité du paiement et son instantanéité sont garanties.
L’adoption d’actifs numériques comme moyen de paiement mainstream prendra certes du temps, mais contribuera sans doute à la création de ponts entre l’économie réelle et la sphère crypto.
Au même titre que les banques et les fintechs, les acteurs crypto doivent répondre à des règles strictes afin de garantir la sécurité des actifs. La capacité de Circle à émettre un stablecoin adossé à l’euro alors que la société ne répond à aucune régulation européenne démontre la nécessité absolue de l’UE à protéger son écosystème. L’arrivée d’un stablecoin européen collatéralisé, et régulé, serait une belle avancée !
La réglementation à venir doit prendre en compte les enjeux de scalabilité, de sécurité et de coût pour que les actifs numériques - que l’on espère européens - soient utilisés avec pertinence. Le développement de stablecoins européens est un excellent moyen d’y parvenir, à la condition que soient réunis une volonté d’ouverture et un équilibre réglementaire fertile pour les acteurs européens.
Source : Blockchain For Europe
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