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Projet ACCIS (Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt sur les Sociétés) : la Commission Européenne a publié des projets de Directives

Par Antoine Colonna d’Istria (Partner) & Mathieu Jung (Associate) de Norton Rose Fulbright.


Antoine Colonna d’Istria et Mathieu Jung
Antoine Colonna d’Istria et Mathieu Jung
Introduction

Le 25 octobre 2016, la Commission Européenne a publié des propositions de Directives relatives à la mise en place (i) d’une assiette commune d'imposition des sociétés (i.e., la base taxable) et (ii) d’une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (i.e., les règles de consolidation fiscale).

Déjà proposée en 2011, l’idée serait de donner une définition commune à tous les Etats Membres de l'UE de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et du système de calcul de la base taxable. Dans un second temps, la Commission souhaite également poser les bases d’un système de consolidation fiscale commun à l’ensemble des Etats Membres de l’UE (ce qui implique la mise en place d’un mécanisme de répartition de l'impôt payé par la société de tête du groupe consolidé entre tous les Etats Membres où le groupe est implanté).

Aux termes de la proposition présentée, les deux systèmes seraient obligatoires pour tous les groupes de sociétés ayant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 750 millions d'euros qui exercent leurs activités sur le marché unique par l'intermédiaire d'une filiale ou d’une succursale imposable dans un Etat Membre de l'UE. Par conséquent, cette mesure affecterait non seulement les groupes basés en Europe, mais également les groupes non européens ayant au moins une de leurs filiales ou succursales en France.

Historique

Le présent projet vient à la suite d’une proposition d’établissement d’une ACCIS datant de mars 2011. Cette proposition initiale prévoyait une assiette fiscale facultative pour les multinationales et, notamment, la possibilité de consolider les profits et pertes réalisés par un groupe au sein de l’UE. Depuis 2011, par manque de soutien des Etats Membres, la proposition était restée lettre morte. Il semblerait toutefois que suites aux récents développements sur le projet BEPS mené par l’OCDE et le G 20 et aux initiatives prises par la Commission en matière d'aides d'État, les États Membres soient dorénavant disposés à rediscuter du projet ACCIS. Toutefois, l’adoption des mesures proposées par la Commission serait une avancée majeure vers l’unification des systèmes fiscaux européens dans la mesure où la marge de manœuvre des Etats Membres se réduira à la détermination des taux d'imposition.

Quelle sont les lignes directrices contenues dans ces propositions ?

1. Le régime proposé serait obligatoire pour les multinationales
Les nouvelles règles seraient obligatoires pour toutes les entités des groupes dont le chiffre d'affaires consolidé annuel est supérieur à 750 millions d'euros et qui disposent d’au moins une filiale ou succursale dans l'un des Etats Membres de l'UE. Les groupes qui ne rempliraient pas ces conditions pourraient opter pour une applications volontaire du régime. Dans ce cas, la période d’élection serait de cinq années au moins.

2. Consolidation fiscale
Une consolidation fiscale serait possible entre les entités liées d’un même groupe ou entre des entités qui seraient détenues par les mêmes actionnaires. Pour les besoins de cette consolidation, le contrôle serait défini comme (i) la détention de plus de 50 % des droits de vote ou (ii) la détention de plus de 75 % du capital ou de titres donnant accès à plus de 75 % des profits. L’option pour ce régime permettrait d’agréger les résultats fiscaux de l’ensemble des membres du groupe et d’extourner du résultat imposable les opérations intra-groupe.

3. Base taxable
L'assiette fiscale serait déterminée comme étant égale au chiffre d’affaires diminué de toutes les charges exposées dans l’intérêt de l’entreprise (sous réserve qu’elles ne soient pas explicitement définies comme non déductibles).
Les immobilisations corporelles seraient amortissables linéairement sur leur durée de vie réelle. Les autres immobilisations seraient classées dans différentes catégories qui permettraient un amortissement sur 40, 25, 15 ou 8 ans.

4. Régime mère-fille
Les dividendes et les plus-values issus de titres représentant une participation d'au moins 10% durant une période minimale de conservation de 12 mois seraient totalement exonérés d’impôts. De plus, les bénéfices réalisés par le biais d'établissements stables situés dans un autre Etat Membre ou dans des pays tiers seraient exonérés.

5. Report des déficits
Les déficits pourraient être indéfiniment reportés en avant sans restriction de montant mais aucun mécanisme de report en arrière des déficits ne serait disponible. En cas d’acquisition de plus de 50% des droits de vote ou de 75% du capital d’une société, les déficits reportables seraient perdus si cette acquisition est suivie d’un changement majeur d’activité de la société acquise.

6. Super-déduction pour les coûts de R & D
Les nouvelles règles prévoient la création d’un mécanisme de «super-déduction» (voire de «super-déduction améliorée») pour les charges liées à la recherche et au développement. Les contribuables seraient autorisés à déduire un montant égal à 150% des dépenses de R & D (la déduction des 50 % supplémentaires ne pouvant se faire que dans la limite de 20 millions d'euros par an, au-delà, la déduction supplémentaire s’élèverait à 25%). Les start-up éligibles pourraient quant à elles déduire un montant correspondant à 200% de leurs dépenses de R & D (la déduction des 100 % supplémentaires ne pouvant se faire que dans la limite de 20 millions d'euros par an).

7. Déduction d’un intérêt notionnel
Afin de stimuler l’investissement en capital plutôt que le financement par emprunt, les nouvelles règles permettraient de déduire un intérêt notionnel calculé sur les capitaux propres. Son montant serait égal au taux à 10 ans publié par la Banque Centrale Européenne. Les réductions de capital seraient imposables à hauteur de cet intérêt notionnel.

8. Règles anti-abus
Ces dispositions reprennent pour l’essentiel ce qui avait été prévu en 2011, mises à jour des évolutions apportées par la finalisation du projet BEPS de l'OCDE et du G20 et de la Directive ATAD. Ainsi, on y trouve notamment une limitation de la déduction d'intérêts basée sur l'EBITDA, une forme d’exit tax, une clause anti-abus générale, des règles concernant les CFC, des dispositions concernant les produits hybrides qui ne sont pas sans rappeler les dispositions légales déjà existantes en droit français.

Bien que toutes ces propositions soient issues d’un même projet, la Commission souhaite, en premier lieu, obtenir un accord politique concernant la détermination de la base imposable avant de poursuivre les négociations en vue d’un accord sur les règles de consolidation.

Impact potentiel

Si elles sont adoptées, ces mesures modifieront fondamentalement le traitement fiscal des grands groupes opérant au sein de l'Union Européenne.

Le principal avantage consisterait à introduire un système unique d'imposition des sociétés multinationales, qui remplacerait les 28 systèmes nationaux distincts des États Membres de l'UE.

Néanmoins, pour être applicables les propositions doivent être approuvées à l'unanimité par tous les États membres de l'UE. Ainsi, si les Etats membres parviennent à un accord, les règles de détermination de la base taxable devront être appliquées à compter du 1er janvier 2019 et les règles de consolidation à compter du 1er janvier 2021.

Toutefois, bien que le Royaume-Uni ne prenne pas part aux négociations sur ce projet, un tel accord reste très incertain en raison du changement majeur que cela impliquerait en matière de politique fiscale des Etats Membres. En effet, ces derniers ne disposeraient plus d’aucun moyen pour influer sur leurs recettes fiscales en matière d’impôt sur les sociétés autre que celui consistant à faire varier le taux applicable.

Paris le 17 Novembre 2016.

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