Mesdames, Messieurs,
Si l’on peut reconnaitre une grande qualité aux journées organisées par l’ACPR, c’est le sens du timing : elles interviennent toujours au cœur de débats animés. C’est encore le cas aujourd’hui avec la question de l’assurance-vie face aux taux bas. Je veux en introduction rejoindre et résumer les propos de B. Delas ce matin : les assureurs français sont solides et ont donc la capacité de conduire la double adaptation nécessaire. Tout d'abord, les taux servis sur l’assurance-vie doivent baisser cette année, par rapport aux 1,8 % en moyenne de l’an dernier. Et ensuite, les assureurs doivent, tout en restant très attentifs à la qualité du conseil, activement réorienter et diversifier leur offre aux épargnants. Si en complément – et en complément seulement – il est nécessaire de procéder à des ajustements réglementaires pour faciliter cette mutation de l’assurance vie, nous sommes prêts à les soutenir.
J’en viens maintenant au sujet de cet après-midi dédié à l’innovation. Vous me permettrez à la fois de restreindre le champ et de l’élargir : limitation aux paiements où les innovations ont été particulièrement foisonnantes ces dernières années. Et élargissement au-delà du seul domaine de l’ACPR et du superviseur : je parlerai aussi comme banquier central, y compris de la monnaie digitale de banque centrale (MDBC). La révolution numérique, portée par de nouveaux acteurs, est riche de progrès dont nous bénéficions chaque jour ; mais cette révolution pose également des questions importantes sur l’intermédiation bancaire, voire sur notre souveraineté monétaire. Je vous propose aujourd’hui de regarder en face ces questionnements (I), et d’y répondre en rappelant les deux arc-boutants de notre stratégie : garantir la confiance et soutenir l’innovation (II).
I/ Les avancées et défis associés au foisonnement d’initiatives privées dans le domaine des paiements
Rappelons tout d’abord les grandes tendances qui caractérisent le marché des paiements en Europe. La digitalisation croissante des paiements scripturaux – qui a pour corollaire une diminution significative de la demande d’espèces dans certains pays, de la Suède à la Chine – a été favorisée par la montée en puissance d’acteurs non bancaires. Et il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, le « centre de gravité » des paiements se déplace vers ces nouveaux acteurs, notamment les BigTechs. Ce basculement constitue à la fois un défi pour le modèle économique des banques et un enjeu de souveraineté pour l’Europe, dès lors que les infrastructures, le savoir-faire et la technologie qui les sous-tendent, seraient pour l’essentiel détenus par des entreprises non européennes.
L’émergence parallèle d’une nouvelle génération de crypto-actifs amplifie ces ruptures. Ainsi, aux premiers crypto-actifs spéculatifs tels que les bitcoins, – très volatils, sans réel sous-jacent économique et peut-être sans grande perspective –, a succédé une seconde génération d’actifs, fondés sur la même technologie blockchain prometteuse, mais assortis désormais de mécanismes destinés à stabiliser leur valeur, les stablecoins. Ces stablecoins, grâce aux effets de réseau, pourraient apporter une solution concrète en matière de paiements transfrontières qui sont – et c’est incontestable – encore trop chers et trop lents. Mais – et c’est l’autre face de la médaille – ces projets de crypto-actifs, qui auraient une vocation mondiale, sont également générateurs de risques de conformité, financiers et politiques très importants. Je pense notamment au blanchiment d’argent et au terrorisme qui pourraient ainsi trouver de nouveaux canaux de financement, ou à ceux – plus systémiques – qui pèsent sur la stabilité financière.
II/ Notre réponse : Accélérer sur les solutions de paiement, et envisager une MDBC
Il est bien sûr exclu, pour nous, banquiers centraux et superviseurs, de subir ce changement. Nous devons assumer pleinement l’exercice de notre double objectif – garantir la confiance / soutenir l’innovation – qui est inscrit dans l’ADN même de notre institution.
Nous nous engageons d’abord à garantir la confiance – cela au niveau mondial – par une action forte et coordonnée. La Présidence française du G7 avait réagi vite et fort en juin dernier : nous avions avec Bruno Le Maire confié un mandat à Benoît Cœuré dès le lendemain de l’annonce du projet Libra. Son rapport – établi en quatre mois et publié en octobre – procède à une évaluation complète des risques associés aux stablecoins, à la fois sous l’angle micro-économique en matière de lutte anti-blanchiment et de protection du consommateur mais aussi macro-économique pour la stabilité financière. Nous préparons désormais, dans le cadre du Conseil de stabilité financière (FSB) d’ici l’été prochain, une réponse réglementaire coordonnée à ces différents enjeux.
J’en viens maintenant au deuxième pilier de notre réponse : le soutien à l’innovation pour améliorer les systèmes de paiement, et répondre aux attentes croissantes des consommateurs. Nous devons d’abord saisir les opportunités offertes par la révolution digitale pour développer une véritable solution paneuropéenne des paiements. Comme le disait Steve Jobs, « innover, c’est savoir abandonner des milliers de bonnes idées ». Cette réflexion éclaire le défi que s’apprêtent à relever les banques européennes dans le cadre du projet PEPS-I [Pan European Payment Solution Initiative]. Je veux dire tout mon espoir dans leur capacité à fédérer – en dépassant les « bonnes idées » nationales – pour proposer rapidement une solution de paiement paneuropéenne unique et éviter ainsi la fragmentation du marché et la prédominance de solutions non européennes. L’Eurosystème saura apporter tout le soutien nécessaire le moment venu, à l’instar de ce que nous faisons pour promouvoir l’usage de TIPS [Target Instant Payment Settlement]. Infrastructure de marché capable de traiter les paiements instantanés sur une base paneuropéenne, TIPS pourrait assurer le règlement interbancaire des opérations initiées par l’intermédiaire de PEPS-I. Cette solution pan-européenne serait une avancée majeure pour aider les banques européennes à relever les défis posés par les BigTechs.
Un autre chantier de taille est devant nous : réduire le coût et accroitre la rapidité d’exécution des paiements transfrontaliers en identifiant des solutions concrètes et utiles. Il faut viser notamment l’harmonisation des standards techniques utilisés pour les transferts de fonds mais aussi une meilleure interopérabilité entre les différents systèmes et solutions de paiements. Le FSB, sous l’égide du G20, proposera d’ici l’automne prochain des mesures concrètes pour que les paiements transfrontières, hors d’Europe, soient significativement moins chers et plus rapides.
J’aborde maintenant un sujet qui est un enjeu majeur pour le futur du système monétaire et financier international : la création éventuelle d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC). La création d’une nouvelle forme de monnaie par les banques centrales dépasse les enjeux que nous venons d’évoquer : elle n’est pas une condition – ni préalable ni suffisante – à des paiements plus efficaces. Mais nous, banques centrales, devons et voulons saisir cette injonction à l’innovation alors que les initiatives privées – notamment dans les paiements entre acteurs financiers – et la technologie accélèrent, et que la demande publique et politique s’amplifie. D’autres pays ont ouvert la voie ; à nous désormais d’apporter notre pierre à l’édifice de façon ambitieuse et méthodique.
Pour ce faire, l’organisation de la Banque de France sera prochainement modifiée. L’actuelle DSPM (Direction de la surveillance des paiements et des infrastructures de marché) deviendra la Direction des infrastructures, de l’innovation et des paiements (DIIP), élargie à toutes les innovations sur les paiements, les infrastructures et à la monnaie digitale de Banque centrale. Son expertise sera encore renforcée par des recrutements de compétences additionnelles, et la DIIP, appuyée sur notre Lab, travaillera avec des innovateurs privés de la place : nous entendons commencer des expérimentations rapidement et lancer un appel à projets d’ici la fin du premier trimestre 2020. Nous sommes particulièrement intéressés à participer à des expérimentations d’intégration d’une MDBC « de gros » dans des procédures innovantes d’échange et de règlement d’actifs financiers tokenisés. Nathalie Aufauvre, Directrice générale de la Stabilité financière et des Opérations, coordonnera l’ensemble de cette accélération de la Banque de France. Notre action contribuera naturellement à celle de l’Eurosystème dont l’étude d’un éventuel « e-euro » » devrait être un des prochains sujets : Christine Lagarde l’a évoqué lundi devant le Parlement européen. Au-delà, nous entendons participer aux travaux menés au sein de l’« innovation hub » de la BRI récemment mis en place.
Sur le fond, je souhaite partager avec vous des premières réflexions – encore ouvertes bien sûr – sur trois dimensions : les finalités, les externalités, et les modalités possibles d’une telle monnaie digitale de Banque centrale.
1/ Je vois, à ce stade, trois finalités différentes – mais non exclusives les unes des autres – à la digitalisation de la monnaie de banque centrale. La première tient à la volonté, dans les pays comme la Suède où l’utilisation des espèces est en fort déclin, de garantir l’accès des citoyens à la monnaie de banque centrale. Disposer d’une MDBC permettrait alors de préserver la confiance dans le système financier qui résulte en partie de la possibilité d’échanger ses avoirs contre de la monnaie légale. Le deuxième argument porte sur les gains d’efficacité, la réduction des coûts d’intermédiation et la robustesse potentiellement générés par la « tokénisation » de la monnaie centrale notamment dans les activités de règlement et de post-marché (objectif également visé par le projet JPM Coin de la banque JP Morgan). Enfin, troisième finalité – la plus importante pour les autorités politiques, y compris en France et en Europe – la mise en place d’une MDBC nous permettrait de disposer d’un puissant levier d’affirmation de notre souveraineté face aux initiatives privées du type Libra. C’est d’ailleurs l’une des préoccupations mises en avant par la Banque centrale chinoise dans son projet de Digital Currency Electronic Payment (DCEP).
Dans un tel contexte, quelle forme donner à notre MDBC ? En la matière, les attentes du grand public diffèrent sensiblement de celles des institutions financières. Deux usages différents de MDBC pourraient donc à terme se côtoyer, l’un destiné aux paiements entre acteurs du secteur financier (monnaie dite de « gros ») utilisant la blockchain et toutes ses possibilités, notamment la disponibilité de « smart contracts », l’autre destiné au public (monnaie dite de « détail »), plus simple et mieux à même de traiter des opérations de masse. À cet égard, les institutions financières disposent d’un niveau de maturité digitale plus élevé que les particuliers puisqu’elles accèdent déjà à la monnaie centrale sous forme numérique grâce à leurs comptes à la banque centrale. Par ailleurs, dans le prolongement des interrogations du Gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, sur l’opportunité de créer une monnaie digitale internationale en réponse à la position dominante du dollar, je vois un intérêt certain à avancer rapidement sur l’émission au moins d’une MDBC de gros afin d’être le premier émetteur au niveau international et tirer ainsi les bénéfices réservés à une MDBC de référence.
2/ L’émission d’une MDBC peut générer des externalités positives significatives en accroissant la productivité du secteur financier et au-delà de l’économie, et en soutenant la confiance dans la monnaie et le système financier. Mais parallèlement, il nous faut absolument étudier les externalités potentiellement négatives qu’une MDBC pourrait avoir sur la liquidité, la rentabilité et l’intermédiation bancaires. Les risques associés aux conversions importantes et/ou soudaines de dépôts bancaires vers la monnaie centrale devront, à ce titre, être strictement étudiés.
3/ La troisième dimension tient aux modalités de diffusion de la MDBC, notamment « de détail », qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière. Je pense à la question de son statut légal – qui n’est pas indispensable mais probable – ; aux conditions de sa détention – sous forme de comptes plutôt que de jetons – ; et, enfin, à la possibilité d’y accéder pour les non-résidents, ce qui favoriserait incontestablement son internationalisation. Par ailleurs, grâce à un savoir-faire éprouvé en matière d’instruments de paiement, de connaissance de la clientèle et de suivi des transactions, les intermédiaires financiers pourront jouer un rôle de vigie aux avant-postes de la distribution de la MDBC. Une réflexion parallèle devra nécessairement être engagée pour définir les possibilités d’anonymat lorsque la MDBC circule « de personne à personne ». Des seuils sur les montants de transactions anonymes, comme cela se fait déjà en France pour les paiements en monnaie électronique ou en cash, pourraient être instaurés dans ce but.
L’innovation aujourd’hui, sans doute plus que dans d’autres périodes de l’histoire, est de nature à modifier en profondeur les activités bancaires. Il ne s’agit plus simplement de transformer les paiements, c’est la monnaie elle-même qui est mise en cause. La Banque de France, comme elle le fait depuis plus de deux cents ans, entend accompagner ces évolutions et adapter son propre fonctionnement à ce changement de paradigme. Mais elle le fera en veillant à ce que la confiance, qui est essentielle à l’innovation, soit doublement préservée. Confiance vis-à-vis de la monnaie d’abord : chacun sera libre de choisir son support, y compris encore des espèces. Confiance également dans la capacité des institutions financières à financer l’économie. Et l’ACPR poursuivra et intensifiera – avec son pôle FINTECH-Innovation notamment –, le suivi de toutes les innovations qui ont et auront un impact sur ces modes de financement. Je vous remercie de votre attention.
Si l’on peut reconnaitre une grande qualité aux journées organisées par l’ACPR, c’est le sens du timing : elles interviennent toujours au cœur de débats animés. C’est encore le cas aujourd’hui avec la question de l’assurance-vie face aux taux bas. Je veux en introduction rejoindre et résumer les propos de B. Delas ce matin : les assureurs français sont solides et ont donc la capacité de conduire la double adaptation nécessaire. Tout d'abord, les taux servis sur l’assurance-vie doivent baisser cette année, par rapport aux 1,8 % en moyenne de l’an dernier. Et ensuite, les assureurs doivent, tout en restant très attentifs à la qualité du conseil, activement réorienter et diversifier leur offre aux épargnants. Si en complément – et en complément seulement – il est nécessaire de procéder à des ajustements réglementaires pour faciliter cette mutation de l’assurance vie, nous sommes prêts à les soutenir.
J’en viens maintenant au sujet de cet après-midi dédié à l’innovation. Vous me permettrez à la fois de restreindre le champ et de l’élargir : limitation aux paiements où les innovations ont été particulièrement foisonnantes ces dernières années. Et élargissement au-delà du seul domaine de l’ACPR et du superviseur : je parlerai aussi comme banquier central, y compris de la monnaie digitale de banque centrale (MDBC). La révolution numérique, portée par de nouveaux acteurs, est riche de progrès dont nous bénéficions chaque jour ; mais cette révolution pose également des questions importantes sur l’intermédiation bancaire, voire sur notre souveraineté monétaire. Je vous propose aujourd’hui de regarder en face ces questionnements (I), et d’y répondre en rappelant les deux arc-boutants de notre stratégie : garantir la confiance et soutenir l’innovation (II).
I/ Les avancées et défis associés au foisonnement d’initiatives privées dans le domaine des paiements
Rappelons tout d’abord les grandes tendances qui caractérisent le marché des paiements en Europe. La digitalisation croissante des paiements scripturaux – qui a pour corollaire une diminution significative de la demande d’espèces dans certains pays, de la Suède à la Chine – a été favorisée par la montée en puissance d’acteurs non bancaires. Et il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, le « centre de gravité » des paiements se déplace vers ces nouveaux acteurs, notamment les BigTechs. Ce basculement constitue à la fois un défi pour le modèle économique des banques et un enjeu de souveraineté pour l’Europe, dès lors que les infrastructures, le savoir-faire et la technologie qui les sous-tendent, seraient pour l’essentiel détenus par des entreprises non européennes.
L’émergence parallèle d’une nouvelle génération de crypto-actifs amplifie ces ruptures. Ainsi, aux premiers crypto-actifs spéculatifs tels que les bitcoins, – très volatils, sans réel sous-jacent économique et peut-être sans grande perspective –, a succédé une seconde génération d’actifs, fondés sur la même technologie blockchain prometteuse, mais assortis désormais de mécanismes destinés à stabiliser leur valeur, les stablecoins. Ces stablecoins, grâce aux effets de réseau, pourraient apporter une solution concrète en matière de paiements transfrontières qui sont – et c’est incontestable – encore trop chers et trop lents. Mais – et c’est l’autre face de la médaille – ces projets de crypto-actifs, qui auraient une vocation mondiale, sont également générateurs de risques de conformité, financiers et politiques très importants. Je pense notamment au blanchiment d’argent et au terrorisme qui pourraient ainsi trouver de nouveaux canaux de financement, ou à ceux – plus systémiques – qui pèsent sur la stabilité financière.
II/ Notre réponse : Accélérer sur les solutions de paiement, et envisager une MDBC
Il est bien sûr exclu, pour nous, banquiers centraux et superviseurs, de subir ce changement. Nous devons assumer pleinement l’exercice de notre double objectif – garantir la confiance / soutenir l’innovation – qui est inscrit dans l’ADN même de notre institution.
Nous nous engageons d’abord à garantir la confiance – cela au niveau mondial – par une action forte et coordonnée. La Présidence française du G7 avait réagi vite et fort en juin dernier : nous avions avec Bruno Le Maire confié un mandat à Benoît Cœuré dès le lendemain de l’annonce du projet Libra. Son rapport – établi en quatre mois et publié en octobre – procède à une évaluation complète des risques associés aux stablecoins, à la fois sous l’angle micro-économique en matière de lutte anti-blanchiment et de protection du consommateur mais aussi macro-économique pour la stabilité financière. Nous préparons désormais, dans le cadre du Conseil de stabilité financière (FSB) d’ici l’été prochain, une réponse réglementaire coordonnée à ces différents enjeux.
J’en viens maintenant au deuxième pilier de notre réponse : le soutien à l’innovation pour améliorer les systèmes de paiement, et répondre aux attentes croissantes des consommateurs. Nous devons d’abord saisir les opportunités offertes par la révolution digitale pour développer une véritable solution paneuropéenne des paiements. Comme le disait Steve Jobs, « innover, c’est savoir abandonner des milliers de bonnes idées ». Cette réflexion éclaire le défi que s’apprêtent à relever les banques européennes dans le cadre du projet PEPS-I [Pan European Payment Solution Initiative]. Je veux dire tout mon espoir dans leur capacité à fédérer – en dépassant les « bonnes idées » nationales – pour proposer rapidement une solution de paiement paneuropéenne unique et éviter ainsi la fragmentation du marché et la prédominance de solutions non européennes. L’Eurosystème saura apporter tout le soutien nécessaire le moment venu, à l’instar de ce que nous faisons pour promouvoir l’usage de TIPS [Target Instant Payment Settlement]. Infrastructure de marché capable de traiter les paiements instantanés sur une base paneuropéenne, TIPS pourrait assurer le règlement interbancaire des opérations initiées par l’intermédiaire de PEPS-I. Cette solution pan-européenne serait une avancée majeure pour aider les banques européennes à relever les défis posés par les BigTechs.
Un autre chantier de taille est devant nous : réduire le coût et accroitre la rapidité d’exécution des paiements transfrontaliers en identifiant des solutions concrètes et utiles. Il faut viser notamment l’harmonisation des standards techniques utilisés pour les transferts de fonds mais aussi une meilleure interopérabilité entre les différents systèmes et solutions de paiements. Le FSB, sous l’égide du G20, proposera d’ici l’automne prochain des mesures concrètes pour que les paiements transfrontières, hors d’Europe, soient significativement moins chers et plus rapides.
J’aborde maintenant un sujet qui est un enjeu majeur pour le futur du système monétaire et financier international : la création éventuelle d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC). La création d’une nouvelle forme de monnaie par les banques centrales dépasse les enjeux que nous venons d’évoquer : elle n’est pas une condition – ni préalable ni suffisante – à des paiements plus efficaces. Mais nous, banques centrales, devons et voulons saisir cette injonction à l’innovation alors que les initiatives privées – notamment dans les paiements entre acteurs financiers – et la technologie accélèrent, et que la demande publique et politique s’amplifie. D’autres pays ont ouvert la voie ; à nous désormais d’apporter notre pierre à l’édifice de façon ambitieuse et méthodique.
Pour ce faire, l’organisation de la Banque de France sera prochainement modifiée. L’actuelle DSPM (Direction de la surveillance des paiements et des infrastructures de marché) deviendra la Direction des infrastructures, de l’innovation et des paiements (DIIP), élargie à toutes les innovations sur les paiements, les infrastructures et à la monnaie digitale de Banque centrale. Son expertise sera encore renforcée par des recrutements de compétences additionnelles, et la DIIP, appuyée sur notre Lab, travaillera avec des innovateurs privés de la place : nous entendons commencer des expérimentations rapidement et lancer un appel à projets d’ici la fin du premier trimestre 2020. Nous sommes particulièrement intéressés à participer à des expérimentations d’intégration d’une MDBC « de gros » dans des procédures innovantes d’échange et de règlement d’actifs financiers tokenisés. Nathalie Aufauvre, Directrice générale de la Stabilité financière et des Opérations, coordonnera l’ensemble de cette accélération de la Banque de France. Notre action contribuera naturellement à celle de l’Eurosystème dont l’étude d’un éventuel « e-euro » » devrait être un des prochains sujets : Christine Lagarde l’a évoqué lundi devant le Parlement européen. Au-delà, nous entendons participer aux travaux menés au sein de l’« innovation hub » de la BRI récemment mis en place.
Sur le fond, je souhaite partager avec vous des premières réflexions – encore ouvertes bien sûr – sur trois dimensions : les finalités, les externalités, et les modalités possibles d’une telle monnaie digitale de Banque centrale.
1/ Je vois, à ce stade, trois finalités différentes – mais non exclusives les unes des autres – à la digitalisation de la monnaie de banque centrale. La première tient à la volonté, dans les pays comme la Suède où l’utilisation des espèces est en fort déclin, de garantir l’accès des citoyens à la monnaie de banque centrale. Disposer d’une MDBC permettrait alors de préserver la confiance dans le système financier qui résulte en partie de la possibilité d’échanger ses avoirs contre de la monnaie légale. Le deuxième argument porte sur les gains d’efficacité, la réduction des coûts d’intermédiation et la robustesse potentiellement générés par la « tokénisation » de la monnaie centrale notamment dans les activités de règlement et de post-marché (objectif également visé par le projet JPM Coin de la banque JP Morgan). Enfin, troisième finalité – la plus importante pour les autorités politiques, y compris en France et en Europe – la mise en place d’une MDBC nous permettrait de disposer d’un puissant levier d’affirmation de notre souveraineté face aux initiatives privées du type Libra. C’est d’ailleurs l’une des préoccupations mises en avant par la Banque centrale chinoise dans son projet de Digital Currency Electronic Payment (DCEP).
Dans un tel contexte, quelle forme donner à notre MDBC ? En la matière, les attentes du grand public diffèrent sensiblement de celles des institutions financières. Deux usages différents de MDBC pourraient donc à terme se côtoyer, l’un destiné aux paiements entre acteurs du secteur financier (monnaie dite de « gros ») utilisant la blockchain et toutes ses possibilités, notamment la disponibilité de « smart contracts », l’autre destiné au public (monnaie dite de « détail »), plus simple et mieux à même de traiter des opérations de masse. À cet égard, les institutions financières disposent d’un niveau de maturité digitale plus élevé que les particuliers puisqu’elles accèdent déjà à la monnaie centrale sous forme numérique grâce à leurs comptes à la banque centrale. Par ailleurs, dans le prolongement des interrogations du Gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, sur l’opportunité de créer une monnaie digitale internationale en réponse à la position dominante du dollar, je vois un intérêt certain à avancer rapidement sur l’émission au moins d’une MDBC de gros afin d’être le premier émetteur au niveau international et tirer ainsi les bénéfices réservés à une MDBC de référence.
2/ L’émission d’une MDBC peut générer des externalités positives significatives en accroissant la productivité du secteur financier et au-delà de l’économie, et en soutenant la confiance dans la monnaie et le système financier. Mais parallèlement, il nous faut absolument étudier les externalités potentiellement négatives qu’une MDBC pourrait avoir sur la liquidité, la rentabilité et l’intermédiation bancaires. Les risques associés aux conversions importantes et/ou soudaines de dépôts bancaires vers la monnaie centrale devront, à ce titre, être strictement étudiés.
3/ La troisième dimension tient aux modalités de diffusion de la MDBC, notamment « de détail », qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière. Je pense à la question de son statut légal – qui n’est pas indispensable mais probable – ; aux conditions de sa détention – sous forme de comptes plutôt que de jetons – ; et, enfin, à la possibilité d’y accéder pour les non-résidents, ce qui favoriserait incontestablement son internationalisation. Par ailleurs, grâce à un savoir-faire éprouvé en matière d’instruments de paiement, de connaissance de la clientèle et de suivi des transactions, les intermédiaires financiers pourront jouer un rôle de vigie aux avant-postes de la distribution de la MDBC. Une réflexion parallèle devra nécessairement être engagée pour définir les possibilités d’anonymat lorsque la MDBC circule « de personne à personne ». Des seuils sur les montants de transactions anonymes, comme cela se fait déjà en France pour les paiements en monnaie électronique ou en cash, pourraient être instaurés dans ce but.
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