On a l’impression que les banques centrales se sont donné le mot. Il y a encore un mois, la visibilité sur la liquidité était très forte : les Quantitative Easing des grandes banques centrales devaient continuer jusque la mi -2022. Or, voilà que coup sur coup la Fed annonce son « tapering », et que la Banque du Japon envisage la fin de son propre Quantitative Easing pour mars. Comme le PEPP de la BCE se termine à cette même date, on peut dire que l’arrivée du printemps risque d’être compliquée pour la liquidité des marchés. La volteface de Jérôme Powell est impressionnante et étonnante. Impressionnante parce qu’en une semaine son discours a totalement changé. Étonnante parce qu’on s’attend à plus de stabilité dans l’analyse des faiseurs de monnaie. Les esprits chagrins diront que M. Powell a attendu sa nomination pour un second mandat la semaine dernière, avant de changer de ton. Évidemment, le président de la Fed est au-dessus de cela, et sa mission systémique est bien plus importante que son propre sort. Pourtant, la coïncidence est forte et contribue à semer le doute dans l’esprit des investisseurs. Nous voyions dans cet épisode un élément qui pourrait contribuer à une crise de confiance vis-à-vis des banques centrales. Car au moment ou la liquidité se tarira un tant soit peu, nul doute que les marchés accuseront les banques centrales et douteront d’elles, uniquement parce qu’elles ne leur apporteront plus leurs 120 Mds mensuels des deux côtés de l’Atlantique. Sur le fond, il faut reprendre les arguments de M. Hitoshi Suzuki, membre du conseil des gouverneurs de la Banque du Japon : « Les programmes doivent être interrompus à un moment donné dans l'avenir, car ils ont été introduits comme une mesure temporaire pour faire face à l'impact initial de la pandémie … Les banques disposent de liquidités abondantes et peuvent aider les emprunteurs par le biais d'opérations régulières. En tant que tel, mettre fin aux programmes de la BoJ serait une option », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. La BoJ doit débattre lors de sa prochaine réunion de politique monétaire de la prolongation éventuelle des mesures mises en place l'an dernier au-delà de la date-limite de mars. M. Suzuki rappelle à juste titre que les banques n’ont absolument pas besoin de liquidités ; elles en ont même trop pour remplir leur mission de financement de l’économie. Notre sentiment est que les dispositifs mis en œuvre par les banques centrales ont été trop loin et ont duré trop longtemps, qu’en fait ils sont inappropriés et ont créé une forme d’accoutumance. En gros, ils auraient dû être levés dès que les PIB des pays concernés ont retrouvé leurs niveaux d’avant crise, c’est-à-dire au cours du second semestre 2021. Il est vrai, et M. Suzuki l’a rappelé, que le variant Omicron crée une nouvelle incertitude sur la situation sanitaire et économique. De ce point de vue, les toutes dernières nouvelles sont plutôt rassurantes : Omicron peut freiner la croissance, mais pas la remettre en cause totalement. En tous cas, cela ne justifie pas le maintien des mesures monétaires exceptionnelles, sauf à considérer que les banques centrales doivent stimuler en permanence les économies, dès que la conjoncture se dégrade un peu…ce qui n’est pas leur rôle. Le resserrement monétaire est donc en cours, et en mars prochain l’ensemble du système ne bénéficiera plus du Quantitative Easing. Le marché sera seul et retrouvera une forme de liberté. Il se retrouvera face à l’inflation, qui tout d’un coup n’est plus transitoire, d’après M. Powell. Il faut rappeler que l’inflation réduit la croissance en volume et pompe la liquidité. En effet, les ménages, à budget inchangé, doivent réduire leurs dépenses en volume en raison de la hausse des prix. Cela est d’autant plus vrai que les salaires progressent moins que la hausse des prix. L’effet récessif de l’inflation est évident. Mais, par ailleurs, l’inflation crée une demande de monnaie. Comme elle atteint 4,9% en octobre en Zone €, si on suppose qu’elle reste à ce niveau pendant un an, cela induit une demande de monnaie significative, de l’ordre de 600Mds€ en rythme annuel, toutes choses égales par ailleurs (5% d’un PIB total de la zone € de 12 000Mds€ environ). Bien sûr, les banques centrales ne sont pas les seuls faiseurs de monnaie : ce sont les banques commerciales qui crée la monnaie via le crédit. La hausse du crédit va elle aussi intégrer naturellement l’inflation. Pourtant, le principe d’une demande de monnaie supplémentaire, toutes choses égales par ailleurs, pour financer l’inflation est bien réel. Il pourrait même causer un « squeeze de la liquidité » au moment où les banques centrales arrêteront simultanément leurs Quantitative Easings en mars prochain. L’état d’hyperliquidité devrait être partiellement remis en cause en 2022… C’est en tous cas l’hypothèse d’un scénario noir de « squeeze de la liquidité » associé à une crise de confiance, que nous présentons mardi dans notre point mensuel. Il n’est pas le plus probable mais il faut le prendre en compte dans l’allocation d’actif.
Investisseurs : Nous sommes sous pondérés au maximum pour un CAC 40 supérieur à 6 540 points.
Tendance sur les marchés de taux et de devises : Le taux des obligations a fortement baissé : le taux de l’OAT France est proche de 0 et le 10 ans américain est revenu à 1,4%
Tendances récentes sur les matières premières : Le cours du pétrole a perdu plus de 10$ le baril.
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Eric GALIEGUE
Analyste financier indépendant,
Président de VALQUANT EXPERTYSE SAS
Membre de l'AFITE
Enregistré à l' ORIAS sous le N° 11059738
7 rue Greffulhe
75 008 PARIS
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