Toujours est-il que le rachat de ce dernier par BNP Paribas est une surprise. À défaut d'explications, voici les commentaires que l'annonce (1) m'inspire.
En premier lieu, les réactions publiques se répartissent en deux catégories. D'un côté, les félicitations aux fondateurs (pour l'opération financière, qui s'élèverait à 200 millions selon Le Monde, ou pour la stratégie industrielle ? Impossible de le savoir). De l'autre, des clients ou des sympathisants (dont je ne me hasarderai pas à estimer s'ils sont représentatifs d'une quelconque majorité) qui se sentent trahis par l'établissement et sa promesse d'une offre à l'écart du système. Le message était jusqu'alors porté suffisamment haut pour que son reniement manifeste soit maintenant souligné.
Deuxième point, l'acquisition intervient à un moment étonnant, les fondateurs de Compte Nickel ayant déclaré récemment que leur modèle économique atteindrait l'équilibre dans les prochains mois. Si le plan se déroule si bien et que l'ambition est d'accélérer le développement du Compte Nickel, pourquoi ne pas avoir continué à rechercher des investisseurs ? Bien sûr, le président de la startup explique que cela requiert beaucoup d'énergie, mais l'indépendance n'en valait-elle pas la peine ?
Je ne peux m'empêcher de voir là une des caractéristiques (2) de l'entrepreneuriat français, qui conduit nombre de fondateurs et/ou d'investisseurs, même parmi ceux qui affirment vouloir changer le monde, à préférer une belle cession (relativement) rapide à la longue et difficile route vers la construction d'un modèle alternatif. Construire une néo-banque rentable prend au moins 10 à 15 ans : si ceux qui tentent l'aventure n'ont pas l'endurance nécessaire, nous ne verrons pas de sitôt une licorne FinTech dans l'hexagone.
Troisième élément à prendre en considération, la conjoncture ne semble pas favorable à Compte Nickel. Alors que l'équilibre économique du compte courant est déjà très précaire, encore plus dans un établissement de paiement que dans une banque, une vague de nouveaux entrants – Orange Bank, Carrefour C-zam, La Poste… – vient accroître la pression concurrentielle. Or, dans cette compétition, il n'était pas évident pour la startup de diversifier seule sa palette de services (par exemple vers l'épargne et le crédit).
Voilà qui donnerait un argument en faveur de la vente à un grand groupe bancaire, quitte à abandonner un peu de l'idéalisme initial. Cependant, cette hypothèse se heurte à une autre question : si BNP Paribas peut renforcer l'offre, il restera à vérifier que l'extension du catalogue de produits est compatible avec le modèle de distribution du Compte Nickel, dans les bureaux de tabac. Et, dans l'affirmative, le risque est grand de reproduire de la sorte les difficultés auxquelles est confronté aujourd'hui le réseau d'agences.
Enfin, la logique qui conduit BNP Paribas à s'engager dans l'opération soulève également des interrogations. Officiellement, il est justement question de son intérêt pour l'accès à ce réseau de distribution parallèle, mais jusqu'à quel point constitue-t-il un atout ? Où sont les synergies possibles ? Le Compte Nickel aurait-il donc vocation à remplacer ou absorber, à terme, Hello Bank! ? Comment l'institution va-t-elle s'accommoder d'un positionnement anti-banque qui devrait rester en vigueur après le rachat ?
En résumé, il existe une probabilité que l'odyssée du Compte Nickel s'achève dans quelques mois ou années, dissoute dans BNP Paribas. L'avenir nous le dira. En revanche, il faut dorénavant rechercher ailleurs une néo-banque française capable de reprendre le flambeau de la disruption. Car l'épisode confirme que nous sommes actuellement dans le deuxième âge (2) de la FinTech, celui des jeunes pousses qui peinent à rester indépendantes. La troisième génération d'entrepreneurs, qui sera à l'origine de la véritable transformation (destructrice) du secteur financier, reste à venir...
(1) http://www.finyear.com/Compte-Nickel-et-BNP-Paribas-s-allient_a38186.html
(2) http://cestpasmonidee.blogspot.fr/2016/06/french-tech-manque-dambition-ou-de.html
(3) http://cestpasmonidee.blogspot.fr/2017/02/les-3-ages-de-la-fintech.html
En premier lieu, les réactions publiques se répartissent en deux catégories. D'un côté, les félicitations aux fondateurs (pour l'opération financière, qui s'élèverait à 200 millions selon Le Monde, ou pour la stratégie industrielle ? Impossible de le savoir). De l'autre, des clients ou des sympathisants (dont je ne me hasarderai pas à estimer s'ils sont représentatifs d'une quelconque majorité) qui se sentent trahis par l'établissement et sa promesse d'une offre à l'écart du système. Le message était jusqu'alors porté suffisamment haut pour que son reniement manifeste soit maintenant souligné.
Deuxième point, l'acquisition intervient à un moment étonnant, les fondateurs de Compte Nickel ayant déclaré récemment que leur modèle économique atteindrait l'équilibre dans les prochains mois. Si le plan se déroule si bien et que l'ambition est d'accélérer le développement du Compte Nickel, pourquoi ne pas avoir continué à rechercher des investisseurs ? Bien sûr, le président de la startup explique que cela requiert beaucoup d'énergie, mais l'indépendance n'en valait-elle pas la peine ?
Je ne peux m'empêcher de voir là une des caractéristiques (2) de l'entrepreneuriat français, qui conduit nombre de fondateurs et/ou d'investisseurs, même parmi ceux qui affirment vouloir changer le monde, à préférer une belle cession (relativement) rapide à la longue et difficile route vers la construction d'un modèle alternatif. Construire une néo-banque rentable prend au moins 10 à 15 ans : si ceux qui tentent l'aventure n'ont pas l'endurance nécessaire, nous ne verrons pas de sitôt une licorne FinTech dans l'hexagone.
Troisième élément à prendre en considération, la conjoncture ne semble pas favorable à Compte Nickel. Alors que l'équilibre économique du compte courant est déjà très précaire, encore plus dans un établissement de paiement que dans une banque, une vague de nouveaux entrants – Orange Bank, Carrefour C-zam, La Poste… – vient accroître la pression concurrentielle. Or, dans cette compétition, il n'était pas évident pour la startup de diversifier seule sa palette de services (par exemple vers l'épargne et le crédit).
Voilà qui donnerait un argument en faveur de la vente à un grand groupe bancaire, quitte à abandonner un peu de l'idéalisme initial. Cependant, cette hypothèse se heurte à une autre question : si BNP Paribas peut renforcer l'offre, il restera à vérifier que l'extension du catalogue de produits est compatible avec le modèle de distribution du Compte Nickel, dans les bureaux de tabac. Et, dans l'affirmative, le risque est grand de reproduire de la sorte les difficultés auxquelles est confronté aujourd'hui le réseau d'agences.
Enfin, la logique qui conduit BNP Paribas à s'engager dans l'opération soulève également des interrogations. Officiellement, il est justement question de son intérêt pour l'accès à ce réseau de distribution parallèle, mais jusqu'à quel point constitue-t-il un atout ? Où sont les synergies possibles ? Le Compte Nickel aurait-il donc vocation à remplacer ou absorber, à terme, Hello Bank! ? Comment l'institution va-t-elle s'accommoder d'un positionnement anti-banque qui devrait rester en vigueur après le rachat ?
En résumé, il existe une probabilité que l'odyssée du Compte Nickel s'achève dans quelques mois ou années, dissoute dans BNP Paribas. L'avenir nous le dira. En revanche, il faut dorénavant rechercher ailleurs une néo-banque française capable de reprendre le flambeau de la disruption. Car l'épisode confirme que nous sommes actuellement dans le deuxième âge (2) de la FinTech, celui des jeunes pousses qui peinent à rester indépendantes. La troisième génération d'entrepreneurs, qui sera à l'origine de la véritable transformation (destructrice) du secteur financier, reste à venir...
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(2) http://cestpasmonidee.blogspot.fr/2016/06/french-tech-manque-dambition-ou-de.html
(3) http://cestpasmonidee.blogspot.fr/2017/02/les-3-ages-de-la-fintech.html
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