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La Propriété intellectuelle et l’Impression 3D : rencontre du 3ème type

Thierry CHARLES / Docteur en droit / Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie / Membre du Cercle Montesquieu / t.charles@allize-plasturgie.com


Thierry Charles
Thierry Charles
La Fédération de la Plasturgie et des Composites considère la « Fabrication Additive » comme un outil qui va révolutionner l’industrie en changeant radicalement nos moyens de productions. Cet essor doit en effet être perçu comme une véritable opportunité pour la Plasturgie, puisque 80% de l’activité d’Impression 3D consiste à transformer de la matière plastique. (1) C’est dire l’importance pour les acteurs de notre filière de maîtriser pleinement les différents aspects de ce mode de fabrication très spécifique, qu’ils soient techniques ou juridiques. (2)

Un grand nombre d’entreprises produisent déjà des biens physiques à la façon dont un logiciel produit de l’information dans les formats vidéo, audio et texte. Cela s’appelle l’Impression 3D et c’est le modèle de « production manufacturière qui accompagne une économie d’Internet des objets », selon Jeremy Rifkin. Le magazine britannique The Economist, la considère comme l'un des catalyseurs d'une « 3ème révolution industrielle ». Elle pourrait avoir un impact considérable sur les entreprises. Pour l’heure, il ressot des différentes enquêtes que les potentialités de la technologie sont loin d'être optimisées, car elle reste essentiellement utilisée pour reproduire des pièces existantes conçues pour la fabrication soustractive, « alors qu'un nouveau design, allant vers des systèmes complets plutôt que des pièces à assembler, permettrait d'en tirer pleinement profit », selon Dominique Pialot

A l’image de ce qu’a connu l’industrie musicale avec la possibilité offerte aux particuliers d’enregistrer sur cassettes, où l’industrie du cinéma avec la numérisation et le partage en ligne de fichiers, la vulgarisation de l’Impression 3D est parfois perçue comme une menace. Car cette technologie est porteuse de risques, notamment la captation de la valeur par des nouveaux entrants [éditeurs de logiciels/plateformes, vendeurs de solutions hardware/software etc.], réduisant à terme le rôle des plasturgistes à de simples « faiseurs ».

La métamorphose actuelle marque le début d’une nouvelle ère, dans tous les domaines, et il n’est pas jusqu’au droit qu’il ne faille reformuler. Car au-delà d’une technique de production, l’Impression 3D est un changement de paradigme, qui impacte la conception des produits, leur création, leur consommation et les modèles d’affaires qui en découlent.

Certes, il s’agit d’un vecteur de création mais c’est également un instrument de contrefaçon qui s’avère être une nouvelle source d’enjeux et de risques juridiques et notamment sur le plan de la propriété intellectuelle et de la sécurité des produits. La propriété intellectuelle [PI] joue un rôle clé dans la capacité à innover d’une entreprise, d’un pays et dans les enjeux de compétitivité. Dans les PME, la PI a une dimension stratégique qui gagne à être mieux prise en compte. En effet, les entreprises « n’engagent un effort d’innovation coûteux et risqué que si elles peuvent raisonnablement escompter s’en approprier les bénéfices, en se préservant des contrefacteurs ».

Or l’Impression 3D et d’une façon plus générale « la contestation numérique » constituent les manifestations les plus visibles des multiples remises en question dont le droit d’auteur et la PI sont désormais la cible. L’Impression 3D est souvent perçue comme une menace pour le portefeuille immatériel des entreprises, c’est-à-dire pour les droits de propriété intellectuelle/industrielle [droits d’auteur, marques, brevets, dessins et modèles, etc.] dont elles seraient titulaires, au prix de lourds investissements, notamment en termes de design ou de recherche et développement.

Des études établissent à cet égard que l’Impression 3D devrait entrainer une perte de l’ordre de 100 milliards de dollars par an pour les titulaires de droits de PI au niveau mondial. L’Impression 3D risque en effet de faciliter une réplication à l’infini d’œuvres protégées. La nature même de cette technologie révolutionnaire, qui permet de créer et de copier des objets tridimensionnels, soulève en effet des questions concernant les éventuelles infractions à des marques déposées, droits de reproduction, brevets, conceptions et droits à l'image.

Car une fois divulgué publiquement, le design 3D d’un produit est certain de perdre l’éligibilité pour une protection en tant que « secret d’entreprise ». Et comme souvent en pareille occasion, la panique se mêle à l’enthousiasme. Les consultants promettent aux acteurs classiques de la Plasturgie une mort d’autant plus rapide que l’essor de l’Impression 3D permet aux yeux de certains de contourner les réglementations, notamment en matière de PI, de garantie ou de risque, dont un risque d' « ubérisation ».

Du reste, un changement de paradigme peut en cacher un autre, et notamment avec l’essor de la « nature distribuée, collaborative et latérale » de l’Internet des objets qui va changer fondamentalement la façon de fabriquer des entreprises. Car cette transformation numérique n’est pas seulement celle du marché, de l’entreprise ou de la société : « Par ses mutations dans les rapports économiques, elle conduit à devoir repenser la pertinence d’objets juridiques aussi fondamentaux que sont la propriété ou la commutativité. Elle interroge par ailleurs des frontières juridiques aussi structurantes que la patrimonialité et l’extrapatrimonialité ou la publicité et l’information », selon l’avocat Luc-Marie Augagneur. Aussi, elle invite à devoir considérer la nature juridique de nouveaux objets.

En effet, si nous apprenons d’abord le sens de la possession avant d’apprendre celui du partage dans les pays occidentaux, il n’en est pas de même partout d’où le nécessaire développement d’une forme de confiance qui est le « ferment irréductible » de toute histoire collaborative [Benoît Heilbrunn évoque les frontières poreuses entre production et consommation, propose l’accès plutôt que la possession, de nouvelles modalités du partage, la confiance et le sens du commun, etc.].

Contrairement au partage, l’accès n’induit pas de transfert de propriété : on accède uniquement à l’usage d’un bien. On achèterait désormais l’idée et plus le prix de fabrication ! En tout état de cause, s’interroger sur la PI à l’ère numérique revient à se demander comment les invariants du droit s’articulent désormais avec l’Impression 3D. Car comme toutes les nouvelles technologies, cette activité n’est pas une zone de non droit. L’absence de cadre légal spécifique laisse ainsi un champ large à la loi du contrat pour protéger la valeur et gérer les risques et l’intégration de la « variable juridique » est un impératif pour les entreprises. (3)


(1) Cf. Livre Blanc sur la propriété industrielle de l'Impression 3D dans la plasturgie et les enjeux réglementaires / www.laplasturgie.fr/livre-blanc-plasturgie-impression-3d/ Voir également le rapport de synthèse « Enquête Fabrication Additive ». Cette étude s’inscrit dans le cadre d’Initiative 3D (In3D), et permet d’identifier les axes de travail du projet STARTER PACK 3D, qui a pour objectif de faire découvrir au plus grand nombre possible de PME les opportunités offertes par l’impression3D / www.laplasturgie.fr/rapport-de-synthese-enquete-fabrication-additive/
(2) A l’occasion du salon 3D PRINT, le 5 octobre 2016 à Lyon, Maître Stéphane Leriche et Mélanie Bercot du cabinet BIRD&BIRD et Thierry Charles, Directeur des affaires juridiques d’Allizé-Plasturgie, sont intervenus sur le thème de l’Impression 3D et la contrefaçon ou comment protéger la propriété intellectuelle / Cf. la conférence sur : 3dprint-exhibition.com/fr/visiter/conferences.html
(3) Lire également « Comment l’impression 3D bouscule le droit ? Thierry Charles témoigne » / www.laplasturgie.fr/comment-limpression-3d-bouscule-le-droit-thierry-charles-temoigne/

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Vendredi 21 Octobre 2016




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