Marc Touati
Leur raisonnement est simple : compte tenu de l'incertitude et des risques qui pèsent sur la planète tant d'un point de vue économico-financier que géopolitique, il serait grand temps de se focaliser sur les valeurs refuges. La première d'entre elles serait la pierre, qui constituerait un placement de choix, en particulier en France et plus précisément à Paris où les prix restent encore relativement modérés comparativement aux grandes capitales mondiales. Ainsi, compte tenu de l'ampleur de la crise et des vicissitudes des marchés boursiers, de plus en plus d'investisseurs, notamment français, préfèrent se réfugier sur l'immobilier qui présente notamment l'avantage d'être concret, donc rassurant… Il faudra certainement rappeler cet argument à ceux qui ont acheté des biens immobiliers aux Etats-Unis de 2004 à 2007 ou en France au début des années 90…
Malheureusement, l'homme a souvent la mémoire courte et préfère suivre le consensus plutôt que de prendre des risques tout seul. Un comportement similaire s'observe d'ailleurs sur les marchés obligataires. En effet, en dépit de l'explosion des dettes publiques un peu partout à travers le monde développé, les investisseurs continuent de gonfler la part des obligations d'Etat dans leur portefeuille. Cette stratégie est d'autant plus étonnante que de plus en plus de pays, notamment en Europe, ne réussissent même plus à générer une croissance économique en valeur supérieure à la charge d'intérêts de leur dette publique. Cette situation s'observe même pour la troisième année consécutive dans de nombreux pays, comme par exemple en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal et en France. Mais rien n'y fait : quand on ne veut voir la vie que dans un sens, il devient difficile de se raisonner.
Et cela est bien dommage, car, compte tenu du laxisme budgétaire prolongé et de la faible capacité de ces pays à moderniser leur économie (l'exemple actuel de la France avec la réforme des retraites en est la parfaite illustration), sans oublier le fort risque d'augmentation rapide du taux refi en 2011, la hausse des taux d'intérêt obligataires devient inévitable. Dès lors, les « adeptes » des « fonds euros » et les « adorateurs » des obligations du Trésor risquent de déchanter fortement dans les prochains mois.
Pour se consoler, ils pourront se dire qu'ils ne sont pas les seuls. Car, à côté du dégonflement de la bulle immobilière qui s'accélérera d'ailleurs forcément avec l'augmentation des taux d'intérêt obligataires, les cours des matières premières devraient aussi connaître de fortes secousses. Pourtant, à l'instar de la pierre et des obligations souveraines, les matières premières sont aujourd'hui sur un nuage… spéculatif. Certes, il est clair que la forte croissance des pays émergents alimente la demande de « commodities » et soutient par là même les cours de ces dernières.
Cependant, cette flambée apparaît excessive au regard des fondamentaux économiques. L'exemple du sucre est particulièrement illustratif : début 2010, tous les éminents spécialistes du sucre ou du moins présentés comme tels annoncent que les récoltes vont être mauvaises et qu'en dépit des sommets historiques atteints, les cours du sucre vont encore flamber. Malheureusement pour eux et surtout pour ceux qui les ont écoutés, ces récoltes ne sont pas si mauvaises que prévu, si bien que les cours se sont effondrés de 50 % en deux mois. Bien sûr, toutes les matières premières « ne sont pas en sucre ». Pour autant, leurs cours actuels appellent à la prudence. Selon nous, avec une croissance mondiale d'environ 4%, l'indice CRB des matières premières devrait croître d'environ 10 % cette année et l'an prochain. Dès que ce niveau est dépassé, il est donc conseillé d'éviter de spéculer à la hausse sur ces marchés. Sauf à aimer les montagnes russes et à accepter de perdre gros.
Enfin, au sommet des bulles actuelles se trouve évidemment l'or. Là aussi, tout semble militer pour la poursuite de l'appréciation du métal jaune : craintes géopolitiques, forte demande en provenance du monde émergent, risque de W… D'aucuns de rappeler les pics de 2 000 dollars l'once (à dollars d'aujourd'hui) atteints en 1980. Ceux-ci oublient simplement qu'à l'époque, la flambée de l'or était justifiée par le trio infernal : récession mondiale, krach boursier international et hyper-inflation. Aujourd'hui, il n'en est rien puisque la planète est plutôt mue par un trio bien plus favorable, en l'occurrence : une croissance mondiale de 4 %, des marchés boursiers résistants et une faible inflation. Or, lorsque ces trois évolutions se sont mises en place à partir de 1982, les cours de l'or se sont littéralement effondrés. Même si l'histoire ne se répète jamais à l'identique et si la demande d'or des pays émergents limitera la chute des cours, il est, là aussi, de notre devoir, de souligner le risque actuel de l'achat massif d'or.
En conclusion, les placements qui ont aujourd'hui le vent en poupe présentent tous les symptômes de la bulle, c'est-à-dire d'un décalage cumulatif et auto-entretenu par rapport à leur valeur réelle. Le seul qui en est pour le moment exclu reste les actions, en particulier dans l'Occident. En d'autres termes, qu'il s'agisse de l'immobilier dans l'Hexagone, des obligations d'Etat (en particulier en Europe), des matières premières et de l'or, la cherté est constamment au rendez-vous. A l'inverse, les seuls qui restent encore abordables, sont les marchés boursiers.
Dès lors, avec une croissance mondiale de plus de 4 %, des profits très appréciables, une inflation limitée, des taux monétaires durablement bas et le retour massif des fusions-acquisitions, les grands indices boursiers internationaux devraient aisément s'apprécier d'environ 20 % d'ici un an. Ce qui se traduira notamment par un Dow Jones à 13 000 points et un Cac 40 à 4 500. Aussi bizarre que cela puisse paraître et bien loin des discours consensuels habituels, les actions pourraient donc bien constituer la véritable valeur refuge. Avouons qu'il serait dommage de s'en priver.
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Malheureusement, l'homme a souvent la mémoire courte et préfère suivre le consensus plutôt que de prendre des risques tout seul. Un comportement similaire s'observe d'ailleurs sur les marchés obligataires. En effet, en dépit de l'explosion des dettes publiques un peu partout à travers le monde développé, les investisseurs continuent de gonfler la part des obligations d'Etat dans leur portefeuille. Cette stratégie est d'autant plus étonnante que de plus en plus de pays, notamment en Europe, ne réussissent même plus à générer une croissance économique en valeur supérieure à la charge d'intérêts de leur dette publique. Cette situation s'observe même pour la troisième année consécutive dans de nombreux pays, comme par exemple en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal et en France. Mais rien n'y fait : quand on ne veut voir la vie que dans un sens, il devient difficile de se raisonner.
Et cela est bien dommage, car, compte tenu du laxisme budgétaire prolongé et de la faible capacité de ces pays à moderniser leur économie (l'exemple actuel de la France avec la réforme des retraites en est la parfaite illustration), sans oublier le fort risque d'augmentation rapide du taux refi en 2011, la hausse des taux d'intérêt obligataires devient inévitable. Dès lors, les « adeptes » des « fonds euros » et les « adorateurs » des obligations du Trésor risquent de déchanter fortement dans les prochains mois.
Pour se consoler, ils pourront se dire qu'ils ne sont pas les seuls. Car, à côté du dégonflement de la bulle immobilière qui s'accélérera d'ailleurs forcément avec l'augmentation des taux d'intérêt obligataires, les cours des matières premières devraient aussi connaître de fortes secousses. Pourtant, à l'instar de la pierre et des obligations souveraines, les matières premières sont aujourd'hui sur un nuage… spéculatif. Certes, il est clair que la forte croissance des pays émergents alimente la demande de « commodities » et soutient par là même les cours de ces dernières.
Cependant, cette flambée apparaît excessive au regard des fondamentaux économiques. L'exemple du sucre est particulièrement illustratif : début 2010, tous les éminents spécialistes du sucre ou du moins présentés comme tels annoncent que les récoltes vont être mauvaises et qu'en dépit des sommets historiques atteints, les cours du sucre vont encore flamber. Malheureusement pour eux et surtout pour ceux qui les ont écoutés, ces récoltes ne sont pas si mauvaises que prévu, si bien que les cours se sont effondrés de 50 % en deux mois. Bien sûr, toutes les matières premières « ne sont pas en sucre ». Pour autant, leurs cours actuels appellent à la prudence. Selon nous, avec une croissance mondiale d'environ 4%, l'indice CRB des matières premières devrait croître d'environ 10 % cette année et l'an prochain. Dès que ce niveau est dépassé, il est donc conseillé d'éviter de spéculer à la hausse sur ces marchés. Sauf à aimer les montagnes russes et à accepter de perdre gros.
Enfin, au sommet des bulles actuelles se trouve évidemment l'or. Là aussi, tout semble militer pour la poursuite de l'appréciation du métal jaune : craintes géopolitiques, forte demande en provenance du monde émergent, risque de W… D'aucuns de rappeler les pics de 2 000 dollars l'once (à dollars d'aujourd'hui) atteints en 1980. Ceux-ci oublient simplement qu'à l'époque, la flambée de l'or était justifiée par le trio infernal : récession mondiale, krach boursier international et hyper-inflation. Aujourd'hui, il n'en est rien puisque la planète est plutôt mue par un trio bien plus favorable, en l'occurrence : une croissance mondiale de 4 %, des marchés boursiers résistants et une faible inflation. Or, lorsque ces trois évolutions se sont mises en place à partir de 1982, les cours de l'or se sont littéralement effondrés. Même si l'histoire ne se répète jamais à l'identique et si la demande d'or des pays émergents limitera la chute des cours, il est, là aussi, de notre devoir, de souligner le risque actuel de l'achat massif d'or.
En conclusion, les placements qui ont aujourd'hui le vent en poupe présentent tous les symptômes de la bulle, c'est-à-dire d'un décalage cumulatif et auto-entretenu par rapport à leur valeur réelle. Le seul qui en est pour le moment exclu reste les actions, en particulier dans l'Occident. En d'autres termes, qu'il s'agisse de l'immobilier dans l'Hexagone, des obligations d'Etat (en particulier en Europe), des matières premières et de l'or, la cherté est constamment au rendez-vous. A l'inverse, les seuls qui restent encore abordables, sont les marchés boursiers.
Dès lors, avec une croissance mondiale de plus de 4 %, des profits très appréciables, une inflation limitée, des taux monétaires durablement bas et le retour massif des fusions-acquisitions, les grands indices boursiers internationaux devraient aisément s'apprécier d'environ 20 % d'ici un an. Ce qui se traduira notamment par un Dow Jones à 13 000 points et un Cac 40 à 4 500. Aussi bizarre que cela puisse paraître et bien loin des discours consensuels habituels, les actions pourraient donc bien constituer la véritable valeur refuge. Avouons qu'il serait dommage de s'en priver.
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
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