Les SPAC ont en effet récemment suscité un véritable engouement de la part des investisseurs américains. Cependant il semblerait que dernièrement les investisseurs se détournent de ces véhicules d’investissement hybrides. Pourquoi cette baisse d’intérêt ? Y a-t-il un risque de déraillement des marchés financiers ?
Les Etats-Unis ont connu un véritable essor des SPAC entre 2020 et le premier trimestre 2021 ou plus de 200 milliards de dollars ont été levés sur les marchés, dont près de 120 milliards en 2021 seulement.
Les SPAC ("Special Purpose Acquisition Company") également appelés "blank checks companies" ne sont pas nouvelles dans le paysage boursier. Les premières sont arrivées dans les années 1980, mais principalement pour financer des sociétés en difficultés financières ("penny stocks companies") à redresser. Un certain nombre de ces sociétés ayant disparu et leurs investisseurs ayant généralement tout perdu, il a fallu attendre 1994 pour que la SEC apporte davantage de protection aux investisseurs et de transparence et que les SPAC réapparaissent.
Mais le boom des années 2020-21 est sans commune mesure avec ce qui avait été connu précédemment. Ainsi, entre 2003 et 2009, 17 SPAC étaient cotées en bourse aux Etats-Unis en moyenne par an. Sur la seule année 2020, 248 SPAC ont été cotées sur les marches américains soit plus que les 12 années précédentes combinées. Et 297 sur les trois premiers mois de 2021.
Alors, oui, à compter d'avril le nombre de SPAC a commencé à décliner, permettant à JPMorgan d'affirmer que le marché des SPAC aux Etats-Unis avait atteint sont pic.
Ceci pour plusieurs raisons :
Tout d'abord, une baisse des liquidités disponibles pour ce type de produits, du fait notamment d'importantes ventes à découvert qui ont fait baisser le cours des SPAC en avril-mai, réduisant ainsi l'appétit des investisseurs, mais aussi un contrôle accru de la SEC sur les SPAC, à travers notamment une nouvelle réglementation imposant aux SPAC de comptabiliser les warrants (BSA) en dette, plutôt qu'en fonds propres et compliquant ainsi la présentation des comptes des SPAC pour leurs sponsors (1).
Ceci ne veut pas dire pour autant que le temps des SPAC est révolu. Aux Etats-Unis, il va falloir attendre de voir si tous les SPAC qui ont été introduits en bourse dans les 18 derniers mois sont capables de trouver les cibles qu'ils se sont engagés à acquérir dans les deux ans de leur première cotation (l"Initial Business Combination" ou le De-SPACing). Et pour celles qui n'auront pas tout investi, il reste les SPARC (voir question ci-après).
En Europe, en revanche où seulement 15 milliards ont été levés depuis 2020, le mouvement ne semble pas s'être arrêté et les français, plus particulièrement, ont démontré un fort appétit pour ce type de véhicule avec trois SPAC introduits en bourse sur Euronext Paris dans les 4 dernières semaines.
L’utilisation d’un véhicule SPAC est-il risqué ? Quels en sont les avantages ?
Cela dépend de quel point de vue on se place.
Pour les sponsors, le risque est la perte de leur mise initiale, mais le gain est démultiplié en cas de succès du placement. Ainsi pour une mise de départ d'environ 15 millions d'euros (hors investissement pari passu avec les autres investisseurs), Accor et les autres fondateurs auront droit à environ 20% du capital et de droits de vote d'Accor Acquisition Company (AAC), le nouveau SPAC de 300 millions d'euros qu'ils ont lancé en mai dernier, alors que pour le même montant les autres investisseurs n'ont eu droit qu'à environ 5% du capital.
Pour les investisseurs, le risque de perte est limité, puisqu'en principe, ils ont droit au remboursement de toutes leurs actions au prix de leur investissement, soit 10 euros par action, s'ils refusent de voter favorablement à la première acquisition. Ils ont néanmoins la possibilité de conserver leurs warrants – il en en faut généralement 2 ou 3 pour souscrire à une action nouvelle du SPAC au prix de 11,50 euros après le De-SPACing, dans le cas d’AAC par exemple. Le risque de marché existe en revanche pour ceux qui préfèrent conserver leurs actions.
Pour les cibles enfin, même si le processus d'introduction en bourse est simplifié et accéléré, la structure complexe du capital des SPAC et l'effet dilutif des actions du sponsor ou de l'exercice des BSA, complexifie leur valorisation. Les coûts cumulés de l'opération d'introduction en bourse cumulés aux dépenses liées au De-SPACing sont également à prendre en compte et à comparer aux coûts d'une simple introduction en bourse de la cible. Ils peuvent être élevés.
Qu’en est-il de l’utilisation des SPAC sur le marché Européen ? Quel avenir pour les SPAC en Europe ?
En France, la semaine dernière, deux SPAC ont fait leur entrée sur Euronext Paris : Transition qui a levé 215 millions d'euros pour investir dans des sociétés de la transition énergétique et Dee Tech qui a levé 165 millions d'euros pour financer des entreprises de la tech. Ces opérations font suite à l'introduction en bourse d'AAC en mai dernier pour une valeur de 300 millions d'euros.
Dans les autres pays d'Europe, le mouvement est tout autant, si ce n'est plus spectaculaire, notamment sur la bourse d'Amsterdam, sensée être plus flexible que les marchés français, anglais ou allemands. Ainsi, Freedom Acquisition I, le véhicule de Tidjane Thiam (ex Credit Suisse) et Jean-Pierre Mustier (ex Unicredit), financé par Bernard Arnault, et EFICI, le SPAC de Martin Blessing, l'ex PDG de Commerzbank ont choisi la Bourse d'Amsterdam pour s'introduire en bourse et acquérir des pépites de la finance.
L'Europe n'a donc pas à rougir face aux Etats-Unis. Le développement y est peut-être plus lent, mais il s'adapte aux demandes du marché également. Ainsi, les deux derniers SPAC introduits en France ont mis en place une structuration innovante de rémunération du sponsor, dite "en escalier". Au lieu de détenir 20% du capital dès la levée, celui-ci perçoit un tiers de ces 20% au De-SPACing, un tiers si le cours dépasse un certain montant et un dernier tiers, si le cours dépasse un montant encore plus élevé.
Quid du nouveau véhicule d’investissement dit SPARC, récemment créé par Bill Ackman ? Quelles différences avec le SPAC ? Peut-il remplacer le SPAC ?
Le "SPARC" ou Special Purpose Acquisition Rights Company est une invention de Bill Ackman, le milliardaire américain fondateur du hedge fund Pershing Square, créée à l'occasion du rachat de 10% d'UMG (Universal Music Group) par son SPAC, Pershing Square Tontine Holdings.
Le SPARC est, comme le SPAC, une société ad hoc constituée dans le but de réaliser une opération d'acquisition à terme, mais à la différence de ce dernier, les investisseurs n'ont rien à débourser à la constitution. Ils bénéficient en revanche d'un droit à souscrire à des actions futures du SPARC au prix de 20$ par action à l'occasion d'une acquisition à venir du SPARC. Celui-ci ne se fixe aucune limite de temps pour investir et ne prévoit de payer aucune commission de placement (underwriter's fees) .
Ce véhicule est-il pour autant le successeur du SPAC ? Nous ne le pensons pas.
Rappelons que le SPARC de Bill Ackman a été créé en opportunité.
Son SPAC n'avait pas trouvé de cible pendant plus d'un an. L'acquisition des 10% d'UMG ne faisait pas partie de sa feuille de route et, alors que l'opération devait avoir lieu sous forme de reverse merger, soit une fusion à l'envers de la cible dans le SPAC, les actionnaires du SPAC deviendront finalement actionnaires minoritaires en direct d'UMG. Enfin le SPAC conservera 1,5 milliard de dollars qui n'auront pas été investis dans UMG, à investir dans d'autres cibles. Autant de raisons qui pourraient pousser les actionnaires à demander le remboursement de leur investissement. C'est pourquoi certains estiment que le droit à souscrire à un SPARC, offert aux actionnaires existants du SPAC, n'était qu'un moyen pour Bill Ackman de fidéliser ces derniers et les inciter à ne pas revendre leurs titres.
Difficile donc de dire que le SPARC est le successeur du SPAC.
En revanche, l'inventivité des américains, et aujourd'hui des européens, autour de ce type d'instruments est sans limite. Le paysage des SPAC pourrait donc encore sensiblement évoluer dans les mois ou les années à venir.
(1) Staff Statement on Accounting and Reporting Considerations for Warrants Issued by Special Purpose Acquisition Companies (“SPACs”) April 12, 2021
Les Etats-Unis ont connu un véritable essor des SPAC entre 2020 et le premier trimestre 2021 ou plus de 200 milliards de dollars ont été levés sur les marchés, dont près de 120 milliards en 2021 seulement.
Les SPAC ("Special Purpose Acquisition Company") également appelés "blank checks companies" ne sont pas nouvelles dans le paysage boursier. Les premières sont arrivées dans les années 1980, mais principalement pour financer des sociétés en difficultés financières ("penny stocks companies") à redresser. Un certain nombre de ces sociétés ayant disparu et leurs investisseurs ayant généralement tout perdu, il a fallu attendre 1994 pour que la SEC apporte davantage de protection aux investisseurs et de transparence et que les SPAC réapparaissent.
Mais le boom des années 2020-21 est sans commune mesure avec ce qui avait été connu précédemment. Ainsi, entre 2003 et 2009, 17 SPAC étaient cotées en bourse aux Etats-Unis en moyenne par an. Sur la seule année 2020, 248 SPAC ont été cotées sur les marches américains soit plus que les 12 années précédentes combinées. Et 297 sur les trois premiers mois de 2021.
Alors, oui, à compter d'avril le nombre de SPAC a commencé à décliner, permettant à JPMorgan d'affirmer que le marché des SPAC aux Etats-Unis avait atteint sont pic.
Ceci pour plusieurs raisons :
Tout d'abord, une baisse des liquidités disponibles pour ce type de produits, du fait notamment d'importantes ventes à découvert qui ont fait baisser le cours des SPAC en avril-mai, réduisant ainsi l'appétit des investisseurs, mais aussi un contrôle accru de la SEC sur les SPAC, à travers notamment une nouvelle réglementation imposant aux SPAC de comptabiliser les warrants (BSA) en dette, plutôt qu'en fonds propres et compliquant ainsi la présentation des comptes des SPAC pour leurs sponsors (1).
Ceci ne veut pas dire pour autant que le temps des SPAC est révolu. Aux Etats-Unis, il va falloir attendre de voir si tous les SPAC qui ont été introduits en bourse dans les 18 derniers mois sont capables de trouver les cibles qu'ils se sont engagés à acquérir dans les deux ans de leur première cotation (l"Initial Business Combination" ou le De-SPACing). Et pour celles qui n'auront pas tout investi, il reste les SPARC (voir question ci-après).
En Europe, en revanche où seulement 15 milliards ont été levés depuis 2020, le mouvement ne semble pas s'être arrêté et les français, plus particulièrement, ont démontré un fort appétit pour ce type de véhicule avec trois SPAC introduits en bourse sur Euronext Paris dans les 4 dernières semaines.
L’utilisation d’un véhicule SPAC est-il risqué ? Quels en sont les avantages ?
Cela dépend de quel point de vue on se place.
Pour les sponsors, le risque est la perte de leur mise initiale, mais le gain est démultiplié en cas de succès du placement. Ainsi pour une mise de départ d'environ 15 millions d'euros (hors investissement pari passu avec les autres investisseurs), Accor et les autres fondateurs auront droit à environ 20% du capital et de droits de vote d'Accor Acquisition Company (AAC), le nouveau SPAC de 300 millions d'euros qu'ils ont lancé en mai dernier, alors que pour le même montant les autres investisseurs n'ont eu droit qu'à environ 5% du capital.
Pour les investisseurs, le risque de perte est limité, puisqu'en principe, ils ont droit au remboursement de toutes leurs actions au prix de leur investissement, soit 10 euros par action, s'ils refusent de voter favorablement à la première acquisition. Ils ont néanmoins la possibilité de conserver leurs warrants – il en en faut généralement 2 ou 3 pour souscrire à une action nouvelle du SPAC au prix de 11,50 euros après le De-SPACing, dans le cas d’AAC par exemple. Le risque de marché existe en revanche pour ceux qui préfèrent conserver leurs actions.
Pour les cibles enfin, même si le processus d'introduction en bourse est simplifié et accéléré, la structure complexe du capital des SPAC et l'effet dilutif des actions du sponsor ou de l'exercice des BSA, complexifie leur valorisation. Les coûts cumulés de l'opération d'introduction en bourse cumulés aux dépenses liées au De-SPACing sont également à prendre en compte et à comparer aux coûts d'une simple introduction en bourse de la cible. Ils peuvent être élevés.
Qu’en est-il de l’utilisation des SPAC sur le marché Européen ? Quel avenir pour les SPAC en Europe ?
En France, la semaine dernière, deux SPAC ont fait leur entrée sur Euronext Paris : Transition qui a levé 215 millions d'euros pour investir dans des sociétés de la transition énergétique et Dee Tech qui a levé 165 millions d'euros pour financer des entreprises de la tech. Ces opérations font suite à l'introduction en bourse d'AAC en mai dernier pour une valeur de 300 millions d'euros.
Dans les autres pays d'Europe, le mouvement est tout autant, si ce n'est plus spectaculaire, notamment sur la bourse d'Amsterdam, sensée être plus flexible que les marchés français, anglais ou allemands. Ainsi, Freedom Acquisition I, le véhicule de Tidjane Thiam (ex Credit Suisse) et Jean-Pierre Mustier (ex Unicredit), financé par Bernard Arnault, et EFICI, le SPAC de Martin Blessing, l'ex PDG de Commerzbank ont choisi la Bourse d'Amsterdam pour s'introduire en bourse et acquérir des pépites de la finance.
L'Europe n'a donc pas à rougir face aux Etats-Unis. Le développement y est peut-être plus lent, mais il s'adapte aux demandes du marché également. Ainsi, les deux derniers SPAC introduits en France ont mis en place une structuration innovante de rémunération du sponsor, dite "en escalier". Au lieu de détenir 20% du capital dès la levée, celui-ci perçoit un tiers de ces 20% au De-SPACing, un tiers si le cours dépasse un certain montant et un dernier tiers, si le cours dépasse un montant encore plus élevé.
Quid du nouveau véhicule d’investissement dit SPARC, récemment créé par Bill Ackman ? Quelles différences avec le SPAC ? Peut-il remplacer le SPAC ?
Le "SPARC" ou Special Purpose Acquisition Rights Company est une invention de Bill Ackman, le milliardaire américain fondateur du hedge fund Pershing Square, créée à l'occasion du rachat de 10% d'UMG (Universal Music Group) par son SPAC, Pershing Square Tontine Holdings.
Le SPARC est, comme le SPAC, une société ad hoc constituée dans le but de réaliser une opération d'acquisition à terme, mais à la différence de ce dernier, les investisseurs n'ont rien à débourser à la constitution. Ils bénéficient en revanche d'un droit à souscrire à des actions futures du SPARC au prix de 20$ par action à l'occasion d'une acquisition à venir du SPARC. Celui-ci ne se fixe aucune limite de temps pour investir et ne prévoit de payer aucune commission de placement (underwriter's fees) .
Ce véhicule est-il pour autant le successeur du SPAC ? Nous ne le pensons pas.
Rappelons que le SPARC de Bill Ackman a été créé en opportunité.
Son SPAC n'avait pas trouvé de cible pendant plus d'un an. L'acquisition des 10% d'UMG ne faisait pas partie de sa feuille de route et, alors que l'opération devait avoir lieu sous forme de reverse merger, soit une fusion à l'envers de la cible dans le SPAC, les actionnaires du SPAC deviendront finalement actionnaires minoritaires en direct d'UMG. Enfin le SPAC conservera 1,5 milliard de dollars qui n'auront pas été investis dans UMG, à investir dans d'autres cibles. Autant de raisons qui pourraient pousser les actionnaires à demander le remboursement de leur investissement. C'est pourquoi certains estiment que le droit à souscrire à un SPARC, offert aux actionnaires existants du SPAC, n'était qu'un moyen pour Bill Ackman de fidéliser ces derniers et les inciter à ne pas revendre leurs titres.
Difficile donc de dire que le SPARC est le successeur du SPAC.
En revanche, l'inventivité des américains, et aujourd'hui des européens, autour de ce type d'instruments est sans limite. Le paysage des SPAC pourrait donc encore sensiblement évoluer dans les mois ou les années à venir.
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