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Et si Trump était le nouveau Reagan ?

Donald Trump est décidément très fort. Régulièrement annoncé au bord de la ruine depuis des années, il a réussi à surmonter sept faillites et dispose toujours d'un patrimoine de plusieurs milliards de dollars. Mais ceci n'est (presque) rien par rapport à ce qu'il vient de réaliser le 8 novembre.


Marc Touati
Marc Touati
Et pour cause : en dépit de plusieurs mois de dénigrement généralisé et aussi de dérapages incontrôlés, le milliardaire extravagant a réussi à se faire élire à la tête de la première puissance mondiale. De quoi faire blêmir tous les soi-disant spécialistes des Etats-Unis qu'on a vu et entendu un peu partout depuis des semaines, tonitruant que Donald Trump n'avait aucune chance de devenir le locataire de la Maison Blanche…

Après la déconvenue similaire du Brexit, cela rappelle combien les différents « establishments », les « élites » en tous genres et certains médias sont déconnectés de la réalité économique, politique et sociétale. En effet, les populations sont de moins en moins dupes et de plus en plus difficilement manipulables. Lorsque la croissance était forte, que le chômage était faible et que les impôts étaient modérés, les erreurs, les mensonges et les dénis de réalité pouvaient à la rigueur se faire oublier. Aujourd'hui, de tels dérapages et autres supercheries ne restent plus impunis.

Mais la réussite de Trump ne s'arrête pas à cette victoire, elle va encore plus loin. Ainsi, alors que son élection faisait craindre le pire et aurait donc dû logiquement engendrer un effondrement des marchés financiers, il n'en a rien été. Bien au contraire, la bourse américaine a même atteint un nouveau sommet historique dès le 10 novembre.

Pourtant, à l'annonce de la victoire de Trump, le scénario du pire commençait à se mettre en place. Mercredi matin, le Nikkei perdait ainsi 5,4 % et à l'ouverture de la bourse de Paris, le Cac 40 chutait de plus de 5%. Puis, l'impensable s'est de nouveau produit. En effet, alors que le candidat Trump avait fait preuve d'une agressivité et d'une arrogance impressionnantes, le Président Trump s'est révélé rassembleur et pacificateur. Ainsi, lors de son discours de victoire, ce dernier n'a absolument pas été vindicatif, ni même revanchard et encore moins arrogant. Pas un seul mot sur le protectionnisme, la guerre économique ou le mur avec le Mexique.

Bien loin de mettre de l'huile sur le feu, le Président Trump a préféré appuyer sur la nécessité de rassembler ses concitoyens, de générer plus de croissance et d'emplois, de baisser les impôts et de permettre aux Etats-Unis de retrouver le chemin du dynamisme économique et de redevenir la locomotive de la planète. Enfin, la victoire de Trump a également apaisé les craintes d'une remontée rapide des taux directeurs de la Réserve fédérale qui attendra certainement le détail des mesures de la nouvelle équipe dirigeante avant de resserrer son étreinte.

Il n'en fallait pas plus pour redonner l'espoir aux investisseurs, déclenchant une remontée massive des indices boursiers et obligataires. Confortant cette espérance, les principaux dirigeants de la planète ont félicité le nouveau Président américain et ont confirmé qu'ils souhaitaient travailler avec lui dans une entente cordiale. Xi Jinping, Angela Merkel, Justin Trudeau et même le président mexicain Peña Nieto ont montré leur assentiment. En fait, seul François Hollande a choisi de faire la moue, mettant d'ores et déjà à mal ses relations avec le dirigeant de l'un des principaux partenaires économiques et politiques de la France. Le déni de réalité a décidément la vie longue chez le Président français.

Mais il y a encore plus fort. En effet, malgré la défaite, Barack Obama et Hillary Clinton ont non seulement souhaité une grande réussite à Donald Trump et ont également annoncé qu'ils lui apporteraient leur aide pour « faire gagner l'Amérique », un soutien accueilli avec chaleur par le nouveau Président. A l'évidence, ça nous change du « Au revoir » de VGE en 1981, du départ hargneux de Lionel Jospin après sa cuisante défaite de 2002 ou encore du serrage de mains expéditif de François Hollande à Nicolas Sarkozy en 2012.

Dans ce contexte d'adoucissement du discours de Trump et de généralisation de ses soutiens, les marchés ont donc très rapidement retrouvé le chemin de l'optimisme, préférant croire que le 45ème Président des Etats-Unis fera certes tout pour la croissance américaine (notamment en termes de baisse d'impôts et de grands travaux), mais édulcorera ses mesures en matière de protectionnisme pour éviter d'entrer dans une guerre commerciale aggravée qui serait dévastatrice pour tous.

Si tel est le cas, Trump pourrait alors devenir le nouveau Reagan. En effet, l'élection de cet ancien acteur de série B à la tête des Etats-Unis en novembre 1980 avait aussi créé la surprise et généré un vent de panique international. A l'époque, la guerre froide et la stagflation (stagnation économique et inflation élevée) faisaient rage et certains annonçaient même que Reagan serait le fossoyeur de l'économie américaine et qu'il finirait par déclencher la troisième guerre mondiale. Et pourtant ! Non seulement ces funestes scénarios furent évités, mais surtout, Reagan sauva l'économie américaine en réussissant à la moderniser et à augmenter, par là même, sa croissance structurelle. Encore plus fort, il « tua » l'URSS et mit fin à la surpuissance du Japon, qui ne s'en est d'ailleurs toujours pas remis.

En conclusion, il faut être réaliste : si Trump tient toutes ses promesses électorales et engage les Etats-Unis et le monde dans une guerre économique destructrice, la récession mondiale est au coin de la rue. Par contre, si, comme dans les années 1980, le pragmatisme l'emporte, et qu'il décide avant tout de relancer la croissance américaine, certes en renégociant certains accords commerciaux mais sans instaurer des droits de douane prohibitifs, alors l'économie mondiale en sortira grandie.

Autrement dit, la victoire de Trump est incontestablement la fin d'un monde (celui du déni de réalité et du dogmatisme), mais pas forcément le début de l'enfer. Gardons l'espoir.

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Mercredi 16 Novembre 2016




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