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A quand une « note RSE » grand public pour chaque entreprise ?

Une révolution se prépare dans l’univers du rating extra-financier.


Patrick d’Humières
Patrick d’Humières
Pour la deviner, il suffit d’écouter aujourd’hui les entreprises parler de la pression qu’elles subissent : les directions financières se plaignent d’avoir à répondre à trop de questionnaires extra-financiers, de plus en plus lourds et spécifiques dont ils ne connaissent pas l’usage précis qui en est fait. Les directions développement durable doivent assumer la note carbone, la note eau, la note forêt etc.. mais elles n’ont pas la main sur les référentiels complexes qui s’accumulent. Les directions d’achats notent et sont notées de mieux en mieux sur toute une chaîne de valeur qui concerne des milliers d’entreprises au bout du monde. Les directions RH ont aussi leur palmarès des entreprises où il fait bon travailler. Sans compter les notes de transparence, les notes d’éthique et d’intégration territoriale, les notes de gouvernance et les notes de management qu’il faut renseigner, la dernière en date étant celle de la Banque de France… Conséquence : une « bureaucratie du reporting » et surtout une confusion de la part de l’opinion, des journalistes, des salariés qui ne sait plus qui croire, tellement il y a de notes et de « noteurs » !

Et pourtant, on a un besoin irrépressible de notes pour savoir si une entreprise est « responsable », un peu, beaucoup, pas du tout… Des salariés actionnaires de Carrefour n’ont-ils pas réclamé récemment une note sociale qui dit ce qu’il faut penser de leur groupe entre l’évaluation DJSI et les indices Vigeo ! France Stratégie avait reconnu dans son étude remarquable sur la performance RSE qu’il faudrait passer un jour par des indicateurs agrégés pour rendre les évaluations utilisables. Et les grandes revues américaines (HBR, Fortune) ont commencé à construire des classements qui associent les divers résultats pour classer les entreprises les plus utiles ou les plus performantes « globalement ». Le mouvement est parti : on doit simplifier, faire converger et unifier les évaluations pour y voir plus clair.

Mais pourra-t’on jamais faire tenir une démarche RSE, par nature multi-factiorielle et composite, dans un calcul unique ?


Une méthode peut-elle s’imposer, aux yeux des marchés s’entend car la norme obligatoire est impensable, à ce stade. La communauté économique réclame en vain une convergence des acteurs de la notation extra-financière mais elle n’avance pas : il y a une dispersion des agences et peu de concentration. On notera néanmoins l’intérêt de S&P pour le sujet, le travail de fond de Bloomberg et Reuters, le rapprochement important entre l’américain SASB et la GRI, bien utilisée en Europe ; tandis que la note qu’on croyait réservée aux achats uniquement, Ecovadis, d’origine française, fait aujourd’hui un chemin remarquable dans le monde, au point de devenir peut- être, la note la plus utilisée. Il y a comme un air de compétition accélérée dans le monde de la RSE.

La leçon de cette situation perturbante et confuse est que si la recherche progresse, comme l’utilisation des notes RSE dans les relations économiques internationales, rien n’est encore joué ; « la guerre de la data rse » est devant nous. Qui saura relier la production standardisée des entreprises avec l’utilisation multi-acteurs des marchés, disposera de la martingale. Pour l’instant, le marché des notes intéresse essentiellement un segment identifié de l’investissement, parfois de façon très sophistiquée (ISR), parfois seulement sur quelques grands agrégats qui deviennent incontournables : carbone bien sûr, accidentologie, produits labellisés… Mais l’accélération se fait vite autour de 3 tendances à suivre. La première est l’utilisation grandissante de la note dans les politiques inter-entreprises pour servir de garantie ; c’est ce qu’Ecovadis a su faire et que n’ont pas fait les assureurs crédit ; on est qu’au début d’une demande mondiale, car ce contrôle participe de la valeur de toute offre désormais. Le second phénomène est l’accès de la notation à des cibles grand public, type clients ou associations diverses et medias, qui se fera autour d’un référentiel et d’un outil qui s’imposera par sa praticité, sa crédibilité, dans le marché mondial, pas d’en haut. Dans cinq ans, ce sujet sera réglé car les pièces du puzzle sont en place. Le troisième phénomène est la rationalisation de la production de ces data rse autour de dispositifs automatisés, contrôlés et audités dans leur process et capables de court-circuiter toutes les médiations complexes. La technique numérique viendra accélérer le point précédent, de même que les auditeurs s’en empareront clairement au travers de l’intégration des data corporate, de résultat et de pilotage.

L’attente d’une « Ebitda durable » se résoudra d’elle même, tant il devient indispensable DE disposer d’une métrique de la responsabilité pour « civiliser la mondialisation ». Il est seulement dommage que les entreprises, les premières concernées, assistent passivement à cette construction et ne se soucient pas de l’organiser dans l’intérêt commun. Ce défi n’attendra pas la certification de l’Iso 26000 en 2025. En 2020, la note RSE » sera construite !

Patrick d'Humières
Consultant, expert dans les relations entreprises et Société depuis le début de sa carrière ; spécialiste du management de la RSE et du développement durable, engagé dans les grandes initiatives depuis leur origine (Global Compact, IIRC, Iso 26000….).
Actuellement Senior advisor chez EY Fondateur de l’INSTITUT RSE management, société de conseil en reporting extra-financier, en formation et conseil en organisation des politiques RSE des entreprises, qui assiste des entreprises françaises, européennes et internationales, avec une activité en Suisse et en Afrique, aujourd’hui intégré au réseau EY
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Mardi 16 Mai 2017




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