Anthony Benhamou
Amélioration des perspectives et retour en fanfare de l’optimisme
Quelque chose se passe, c’est indéniable. Certains parlent d’un vol d’hirondelles tandis que d’autres évoquent un alignement propice (et inespéré) des planètes. Qu’importe la sémantique, la zone euro est bel et bien en train de sortir de l’ornière. En 2015 ainsi, sa croissance économique devrait s’élever au moins à 1,5% (après 0,9% en 2014), avant d’accélérer en 2016 et en 2017 pour atteindre respectivement 1,9% (un plus haut depuis 2010) et 2,1% (un plus haut depuis 2007). Formidable ! D’ores et déjà d’ailleurs, les effets du bazooka monétaire de la BCE, du repli des cours du baril de pétrole et de la dépréciation de l’euro, sur l’activité, sont plus ou moins tangibles.
L’évolution des résultats des enquêtes menées par la société Markit auprès des directeurs d’achat européens permet notamment d’en témoigner. Au mois de mars en effet, l’indice PMI flash composite de la zone euro est ressorti à un plus haut de quasiment quatre ans à 54,1 points (après déjà 53,3 en février et 52,6 en janvier), porté principalement par la robustesse du secteur des services (54,3) et, dans une moindre mesure, par la poursuite du rebond de l’activité manufacturière (51,9, un pic de dix mois). Toutes choses égales par ailleurs, cela rend crédible l’hypothèse d’un taux de croissance trimestrielle du PIB de la zone euro d’au moins 0,3% au premier trimestre. A l’origine de ces bons chiffres, l’on trouve une amélioration significative et tendancielle du moral des agents économiques européens, qui se traduit par une modification des comportements.
Les entreprises semblent par exemple être de plus en plus enclines à investir, en particulier depuis que la BCE a annoncé le 22 janvier dernier le lancement de son programme de rachat d’actifs qui, de par la crédibilité de Mario Draghi, semble constituer une véritable caution quant à l’amélioration des perspectives économiques de la zone euro. La trajectoire et le niveau de l’indice Sentix en dit d’ailleurs long sur le regain de confiance des investisseurs : en mars en effet, celui-ci a enregistré un cinquième mois consécutif de hausse pour s’élever à 18,7, soit un pic depuis août 2007. Un élément à mettre en perspective avec la ruée de quelques 143 banques commerciales vers les guichets de la BCE dans le cadre de la troisième opération de TLTRO (98 milliards d’euros souscrits contre 40 milliards anticipés par les analystes interrogés par Bloomberg) qui semble témoigner d’un rebond de la demande de crédits, augurant ainsi un mouvement de reprise de l’investissement privé.
Le consommateur européen représentatif n’est également pas en reste, même s’il convient toutefois d’admettre que l’amélioration de son moral est relativement bien plus contenue que celle des investisseurs. Mais c’est bien la tendance qui compte. Ainsi au mois de mars, la confiance des consommateurs (première estimation) mesurée par la Commission européenne est ressortie à un plus haut de huit ans à -3,7 (contre -6,7 en février), battant par la même occasion assez nettement le consensus Reuters. Cette orientation encourageante tient principalement à la perspective d’un surplus de pouvoir d’achat lié à la baisse des prix de l’énergie et, plus généralement, aux effets bénéfiques de court terme inhérents à la déflation, en l’absence moyenne d’effets de second tour (les dévaluations salariales intervenues ces dernières années dans certains Etats membres de la zone euro étant liées à l’austérité).
Enfin, si au cours des trois dernières années la valeur de la monnaie unique a été globalement surévaluée par rapport aux fondamentaux des économies de l’Union monétaire, force est de constater que dans son ensemble, cette dernière a régulièrement dégagé des excédents extérieurs. En 2014 par exemple, la zone euro a affiché un excédent du commerce international de biens de 194,8 milliards d’euros, après déjà 153,8 milliards en 2013 et 79,7 milliards en 2012. Dès lors, l’on comprend que le mouvement actuel de dépréciation de l’euro constitue un élément d’autant plus favorable qu’il devrait en théorie consolider le statut d’exportateur de la zone euro : selon les calculs du CEPII, un euro 10% plus faible fait gonfler mécaniquement la valeur des exportations de 7,5% en moyenne. Très bon pour la croissance.
Et pourtant, un retour de bâton semble inéluctable
Le doux refrain de l’optimisme pour permettre l’autoréalisation des prophéties et l’enclenchement d’un cercle vertueux. Fermer les yeux et se laisser emporter par le mouvement : la tentation est irrésistible. Et c’est là justement que le bât blesse. Si effectivement les perspectives s’améliorent et qu’un peu d’optimisme n’a jamais fait de mal à personne, il convient dans le même temps d’être lucide et d’observer la situation telle qu’elle est vraiment pour ne pas être surpris au cas où tout ne se passerait pas comme prévu. Que penser par exemple du niveau actuel de l’euro ? De même, l’assouplissement monétaire de la BCE ne favorise-t-il pas des effets non désirés et non désirables ? En définitive, toujours avoir un coup d’avance pour être capable d’anticiper correctement les risques et agir avant la matérialisation de ces derniers.
Tout d’abord sur la devise européenne. Celle-ci n’a cessé de se déprécier au cours des huit derniers mois et, à en croire les prévisions de Goldman Sachs, pourrait prochainement passer sous la parité avec le dollar pour converger vers les 0,80 cents. Bon, cette dernière prédiction ne doit évidemment pas être prise pour argent comptant en particulier au regard des erreurs de prévisions de la banque d’affaires américaine au cours des dernières années. Mais tout de même, il est impossible de feindre l’existence d’un mouvement violent sur la devise européenne. En effet, si passer d’un état de fièvre à une température de 37,5 degrés Celsius est une chose, passer d’un état de fièvre à une température de 35,0 degrés Celsius en est une tout autre. Ainsi à l’évidence, la dépréciation rapide et forte du niveau de la monnaie unique ne semble plus correspondre à une normalisation du taux de change mais plutôt à une stratégie non coopérative de dévaluation massive de l’euro qui serait orchestrée par les autorités monétaires européennes.
En théorie en effet, le fonctionnement « pur » du système monétaire international implique normalement qu’un pays (ou une zone ici en l’occurrence) disposant d’un excédent extérieur doit voir son taux de change s’apprécier. Dans ces conditions, comment expliquer aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, à la Suisse, à la Suède, au Danemark et aux pays émergents qu’en dépit d’un important excédent extérieur (environ 4,0% du PIB), la zone euro connaît un tel mouvement sur sa devise ? La guerre des monnaies, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, est ainsi susceptible de freiner le commerce mondial, sous l’effet notamment de tensions internationales croissantes, d’une hausse de la spéculation sur le marché des changes et d’un système de prix de plus en plus instable.
Puis la révolution monétaire, le désormais célèbre quantitative easing. L’annonce, puis le rachat effectif, de titres de dette publique par la BCE dans le cadre du Public Sector Purchase Programme a eu pour effet (escompté) de créer une pénurie de rendements sur les obligations souveraines, engendrant de fait une réallocation des portefeuilles financiers vers les marchés actions et les corporate bonds. Objectif : introduire des incitations au financement direct de projets d’investissement d’entreprises européennes pour favoriser l’apparition d’une dynamique positive dans l’économie réelle (croissance et emploi) et ainsi permettre le retour de l’inflation vers son niveau cible. Problème : l’économie européenne a un fonctionnement particulier qui, à la différence des Etats-Unis, repose plus sur l’intermédiation bancaire que sur le financement via l’appel aux marchés financiers (c’est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises).
Cette logique de l’honneur de la plupart des firmes européennes constitue dès lors un frein à l’efficacité de l’action de la BCE. Or, si les effets du QE sur l’économie réelle sont limités, le surcroît de liquidités en circulation ne peut alors qu’alimenter l’inflation actuelle des indices boursiers (en lieu et place de l’inflation dans la sphère réelle), au point de créer une bulle spéculative. Et pour cause, depuis le début de l’année ces derniers sont totalement anesthésiés par la révolution monétaire de Supercopter Mario et ne cessent d’atteindre des sommets en dépit des risques environnants, qu’ils soient géopolitiques (conflit russo-ukrainien et instabilité au Moyen-Orient), de politique intérieure (poussée des populismes et hausse de la menace terroriste) ou encore économiques (Grexit, voire « Grexident »). Le réveil pourrait dès lors s’avérer douloureux.
Il pourrait d’ailleurs être d’autant plus douloureux que le phénomène de bulle est en fait double. Sur les taux souverains en effet, la corrélation entre le risque et le rendement est de moins en moins évidente et tend même à disparaître : un véritable mirage obligataire. C’est par exemple le cas pour les obligations espagnoles et italiennes dont les taux à dix ans oscillent actuellement autour de 1,25%. Idem pour les obligations portugaises avec un taux à dix ans sous 1,80%. Une anomalie qui touche également d’une certaine manière la France dont les taux sont historiquement bas (et même négatifs jusqu’aux maturités cinq ans) alors même qu’aucune réforme de structure n’a réellement été entreprise. Or, lorsque la Fed procédera à une remontée de ses taux (sans doute en septembre), il est fort probable qu’un mouvement de correction plus ou moins brutal des rendements obligataires européens intervienne, menaçant alors la stabilité économique et financière de la zone euro.
Que retenir en conclusion de tout cela ? Tout d’abord, que tout va trop vite : la vitesse de dépréciation de l’euro est impressionnante, les marchés actions crèvent les plafonds et bientôt les taux souverains seront négatifs. Et puis que cette histoire d’hirondelles (ou bien d’alignement des planètes, au choix) est trop belle pour être vraie : soyons clair, si l’amélioration des perspectives économiques est indéniable, il n’y a aucune raison pour que tous les Etats membres de la zone euro ne bénéficient de la même manière des vents actuellement favorables. Ainsi, les pays ayant au préalable entrepris de sérieuses réformes vont bel et bien connaître un effet accélérateur sur leur activité (Allemagne, Irlande et sans doute même Espagne), tandis que les passagers clandestins européens, totalement déresponsabilisés par cette dynamique positive, ne jouiront pour leur part que d’une manne ponctuelle et mince de croissance (France et Italie). Dans ce contexte, à quoi ressemblera la zone euro d’ici deux ans (en admettant qu’elle existe toujours dans sa forme actuelle), quand les vents auront tourné ? Trop effrayant, profitons de l’instant présent...
Achevé de rédiger le 26 mars 2015.
Anthony Benhamou
Anthony Benhamou est un économiste diplômé de l’université de Paris Dauphine. Il a notamment exercé pendant 3 années en tant que consultant auprès de grandes entreprises internationales. Maître de conférences à Sciences-Po Paris et tuteur enseignant à l’université de Paris Dauphine, il rédige par ailleurs avec Marc Touati de nombreuses chroniques économiques et financières pour le cabinet ACDEFI.
Quelque chose se passe, c’est indéniable. Certains parlent d’un vol d’hirondelles tandis que d’autres évoquent un alignement propice (et inespéré) des planètes. Qu’importe la sémantique, la zone euro est bel et bien en train de sortir de l’ornière. En 2015 ainsi, sa croissance économique devrait s’élever au moins à 1,5% (après 0,9% en 2014), avant d’accélérer en 2016 et en 2017 pour atteindre respectivement 1,9% (un plus haut depuis 2010) et 2,1% (un plus haut depuis 2007). Formidable ! D’ores et déjà d’ailleurs, les effets du bazooka monétaire de la BCE, du repli des cours du baril de pétrole et de la dépréciation de l’euro, sur l’activité, sont plus ou moins tangibles.
L’évolution des résultats des enquêtes menées par la société Markit auprès des directeurs d’achat européens permet notamment d’en témoigner. Au mois de mars en effet, l’indice PMI flash composite de la zone euro est ressorti à un plus haut de quasiment quatre ans à 54,1 points (après déjà 53,3 en février et 52,6 en janvier), porté principalement par la robustesse du secteur des services (54,3) et, dans une moindre mesure, par la poursuite du rebond de l’activité manufacturière (51,9, un pic de dix mois). Toutes choses égales par ailleurs, cela rend crédible l’hypothèse d’un taux de croissance trimestrielle du PIB de la zone euro d’au moins 0,3% au premier trimestre. A l’origine de ces bons chiffres, l’on trouve une amélioration significative et tendancielle du moral des agents économiques européens, qui se traduit par une modification des comportements.
Les entreprises semblent par exemple être de plus en plus enclines à investir, en particulier depuis que la BCE a annoncé le 22 janvier dernier le lancement de son programme de rachat d’actifs qui, de par la crédibilité de Mario Draghi, semble constituer une véritable caution quant à l’amélioration des perspectives économiques de la zone euro. La trajectoire et le niveau de l’indice Sentix en dit d’ailleurs long sur le regain de confiance des investisseurs : en mars en effet, celui-ci a enregistré un cinquième mois consécutif de hausse pour s’élever à 18,7, soit un pic depuis août 2007. Un élément à mettre en perspective avec la ruée de quelques 143 banques commerciales vers les guichets de la BCE dans le cadre de la troisième opération de TLTRO (98 milliards d’euros souscrits contre 40 milliards anticipés par les analystes interrogés par Bloomberg) qui semble témoigner d’un rebond de la demande de crédits, augurant ainsi un mouvement de reprise de l’investissement privé.
Le consommateur européen représentatif n’est également pas en reste, même s’il convient toutefois d’admettre que l’amélioration de son moral est relativement bien plus contenue que celle des investisseurs. Mais c’est bien la tendance qui compte. Ainsi au mois de mars, la confiance des consommateurs (première estimation) mesurée par la Commission européenne est ressortie à un plus haut de huit ans à -3,7 (contre -6,7 en février), battant par la même occasion assez nettement le consensus Reuters. Cette orientation encourageante tient principalement à la perspective d’un surplus de pouvoir d’achat lié à la baisse des prix de l’énergie et, plus généralement, aux effets bénéfiques de court terme inhérents à la déflation, en l’absence moyenne d’effets de second tour (les dévaluations salariales intervenues ces dernières années dans certains Etats membres de la zone euro étant liées à l’austérité).
Enfin, si au cours des trois dernières années la valeur de la monnaie unique a été globalement surévaluée par rapport aux fondamentaux des économies de l’Union monétaire, force est de constater que dans son ensemble, cette dernière a régulièrement dégagé des excédents extérieurs. En 2014 par exemple, la zone euro a affiché un excédent du commerce international de biens de 194,8 milliards d’euros, après déjà 153,8 milliards en 2013 et 79,7 milliards en 2012. Dès lors, l’on comprend que le mouvement actuel de dépréciation de l’euro constitue un élément d’autant plus favorable qu’il devrait en théorie consolider le statut d’exportateur de la zone euro : selon les calculs du CEPII, un euro 10% plus faible fait gonfler mécaniquement la valeur des exportations de 7,5% en moyenne. Très bon pour la croissance.
Et pourtant, un retour de bâton semble inéluctable
Le doux refrain de l’optimisme pour permettre l’autoréalisation des prophéties et l’enclenchement d’un cercle vertueux. Fermer les yeux et se laisser emporter par le mouvement : la tentation est irrésistible. Et c’est là justement que le bât blesse. Si effectivement les perspectives s’améliorent et qu’un peu d’optimisme n’a jamais fait de mal à personne, il convient dans le même temps d’être lucide et d’observer la situation telle qu’elle est vraiment pour ne pas être surpris au cas où tout ne se passerait pas comme prévu. Que penser par exemple du niveau actuel de l’euro ? De même, l’assouplissement monétaire de la BCE ne favorise-t-il pas des effets non désirés et non désirables ? En définitive, toujours avoir un coup d’avance pour être capable d’anticiper correctement les risques et agir avant la matérialisation de ces derniers.
Tout d’abord sur la devise européenne. Celle-ci n’a cessé de se déprécier au cours des huit derniers mois et, à en croire les prévisions de Goldman Sachs, pourrait prochainement passer sous la parité avec le dollar pour converger vers les 0,80 cents. Bon, cette dernière prédiction ne doit évidemment pas être prise pour argent comptant en particulier au regard des erreurs de prévisions de la banque d’affaires américaine au cours des dernières années. Mais tout de même, il est impossible de feindre l’existence d’un mouvement violent sur la devise européenne. En effet, si passer d’un état de fièvre à une température de 37,5 degrés Celsius est une chose, passer d’un état de fièvre à une température de 35,0 degrés Celsius en est une tout autre. Ainsi à l’évidence, la dépréciation rapide et forte du niveau de la monnaie unique ne semble plus correspondre à une normalisation du taux de change mais plutôt à une stratégie non coopérative de dévaluation massive de l’euro qui serait orchestrée par les autorités monétaires européennes.
En théorie en effet, le fonctionnement « pur » du système monétaire international implique normalement qu’un pays (ou une zone ici en l’occurrence) disposant d’un excédent extérieur doit voir son taux de change s’apprécier. Dans ces conditions, comment expliquer aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, à la Suisse, à la Suède, au Danemark et aux pays émergents qu’en dépit d’un important excédent extérieur (environ 4,0% du PIB), la zone euro connaît un tel mouvement sur sa devise ? La guerre des monnaies, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, est ainsi susceptible de freiner le commerce mondial, sous l’effet notamment de tensions internationales croissantes, d’une hausse de la spéculation sur le marché des changes et d’un système de prix de plus en plus instable.
Puis la révolution monétaire, le désormais célèbre quantitative easing. L’annonce, puis le rachat effectif, de titres de dette publique par la BCE dans le cadre du Public Sector Purchase Programme a eu pour effet (escompté) de créer une pénurie de rendements sur les obligations souveraines, engendrant de fait une réallocation des portefeuilles financiers vers les marchés actions et les corporate bonds. Objectif : introduire des incitations au financement direct de projets d’investissement d’entreprises européennes pour favoriser l’apparition d’une dynamique positive dans l’économie réelle (croissance et emploi) et ainsi permettre le retour de l’inflation vers son niveau cible. Problème : l’économie européenne a un fonctionnement particulier qui, à la différence des Etats-Unis, repose plus sur l’intermédiation bancaire que sur le financement via l’appel aux marchés financiers (c’est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises).
Cette logique de l’honneur de la plupart des firmes européennes constitue dès lors un frein à l’efficacité de l’action de la BCE. Or, si les effets du QE sur l’économie réelle sont limités, le surcroît de liquidités en circulation ne peut alors qu’alimenter l’inflation actuelle des indices boursiers (en lieu et place de l’inflation dans la sphère réelle), au point de créer une bulle spéculative. Et pour cause, depuis le début de l’année ces derniers sont totalement anesthésiés par la révolution monétaire de Supercopter Mario et ne cessent d’atteindre des sommets en dépit des risques environnants, qu’ils soient géopolitiques (conflit russo-ukrainien et instabilité au Moyen-Orient), de politique intérieure (poussée des populismes et hausse de la menace terroriste) ou encore économiques (Grexit, voire « Grexident »). Le réveil pourrait dès lors s’avérer douloureux.
Il pourrait d’ailleurs être d’autant plus douloureux que le phénomène de bulle est en fait double. Sur les taux souverains en effet, la corrélation entre le risque et le rendement est de moins en moins évidente et tend même à disparaître : un véritable mirage obligataire. C’est par exemple le cas pour les obligations espagnoles et italiennes dont les taux à dix ans oscillent actuellement autour de 1,25%. Idem pour les obligations portugaises avec un taux à dix ans sous 1,80%. Une anomalie qui touche également d’une certaine manière la France dont les taux sont historiquement bas (et même négatifs jusqu’aux maturités cinq ans) alors même qu’aucune réforme de structure n’a réellement été entreprise. Or, lorsque la Fed procédera à une remontée de ses taux (sans doute en septembre), il est fort probable qu’un mouvement de correction plus ou moins brutal des rendements obligataires européens intervienne, menaçant alors la stabilité économique et financière de la zone euro.
Que retenir en conclusion de tout cela ? Tout d’abord, que tout va trop vite : la vitesse de dépréciation de l’euro est impressionnante, les marchés actions crèvent les plafonds et bientôt les taux souverains seront négatifs. Et puis que cette histoire d’hirondelles (ou bien d’alignement des planètes, au choix) est trop belle pour être vraie : soyons clair, si l’amélioration des perspectives économiques est indéniable, il n’y a aucune raison pour que tous les Etats membres de la zone euro ne bénéficient de la même manière des vents actuellement favorables. Ainsi, les pays ayant au préalable entrepris de sérieuses réformes vont bel et bien connaître un effet accélérateur sur leur activité (Allemagne, Irlande et sans doute même Espagne), tandis que les passagers clandestins européens, totalement déresponsabilisés par cette dynamique positive, ne jouiront pour leur part que d’une manne ponctuelle et mince de croissance (France et Italie). Dans ce contexte, à quoi ressemblera la zone euro d’ici deux ans (en admettant qu’elle existe toujours dans sa forme actuelle), quand les vents auront tourné ? Trop effrayant, profitons de l’instant présent...
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