Marc Touati
Bien sûr, les risques d'inflation existent et tant mieux d'ailleurs. Car la reprise de l'inflation confirmera que la croissance est bien repartie. D'ores et déjà, on peut ainsi identifier trois facteurs « facilitateurs » d'inflation. Le premier réside dans l'assouplissement historique de la politique monétaire qui accroîtra mécaniquement la monnaie en circulation au-delà de la réalité économique actuelle. Et ce, en particulier aux Etats-Unis où la Réserve fédérale, non contente d'avoir déjà abaissé son taux objectif des federal funds à quasiment 0 %, a « ressorti » la planche à billets qui n'avait plus été utilisée depuis la guerre du Vietnam. Celle-ci consiste simplement en la monétisation de la dette publique américaine, c'est-à-dire au financement direct par la Réserve fédérale d'une large partie de la relance budgétaire. Cette dernière constitue d'ailleurs le deuxième facteur d'augmentation des pressions inflationnistes. En effet, avec un niveau mondial de 5 000 milliards, la relance par la dépense publique va automatiquement accroître la demande au-delà de l'offre, accroissant par là même les tensions sur l'appareil de production et in fine sur les prix.
Enfin, si ces deux premiers éléments mettront du temps à se mettre en place, le troisième va agir très rapidement, puisqu'il s'agit de la remontée des prix des matières premières et notamment du pétrole. En fait, l'impact de cette dernière sur l'inflation ne se verra pas avant juillet prochain. Et pour cause : de l'automne 2007 à juin 2008, les prix des matières premières n'ont cessé de flamber, générant des variations mensuelles moyennes des prix de 0,5 % aux Etats-Unis. Dès lors, la baisse de ces mêmes prix de juillet 2008 à mars 2009 a mécaniquement réduit les glissements annuels des prix à la consommation. Cette tendance se prolongera de mai à juillet 2009, car au cours de ces deux derniers mois, les prix devraient certes augmenter de l'ordre de 0,3 %, ce qui restera néanmoins inférieur aux + 0,7 % enregistrés chaque mois de mai à juillet 2008.
En revanche, à partir de juillet 2009, cet effet de base favorable s'inversera. Ainsi, même si les prix à la consommation n'augmentent que de 0,2 % par mois de juillet à décembre 2009, ce sera toujours plus que les - 0,7 % observé de juillet à décembre 2008 aux Etats-Unis et même des - 0,1 % enregistré dans la zone euro. Dans ce cadre, le glissement annuel des prix à la consommation devrait mécaniquement atteindre les 2 % d'ici la fin 2009 et se stabiliser entre 2 % et 2,5 % pour 2010 tant aux Etats-Unis que dans la zone euro. Autrement dit, nous resterons très loin de l'hyperinflation. Selon nous, les risques d'avènement de cette dernière sont extrêmement faibles pour au moins sept raisons.
Un. En dépit d'une inévitable augmentation liée à l'amélioration de la croissance mondiale, les prix des matières premières ne devraient pas flamber comme l'an passé. En effet, en 2008, cette tension excessive était avant tout due à un mouvement spéculatif, lui-même lié à une réallocation d'actifs massive des placements boursiers vers les marchés des matières premières. Cette année, la reprise économique ira de pair avec une embellie boursière qui limitera les investissements vers les « commodities » et par là même l'augmentation de leurs cours. En outre, pour ne parler que du pétrole, l'offre mondiale d'or noir reste encore largement supérieure à la demande, réduisant par là même les risques de pénuries à venir. Autrement dit, si un baril à 70 dollars nous paraît fort probable, un baril à 150 dollars semble exclu.
Deux. La reprise qui se dessine à l'échelle de la planète restera molle, en particulier en Europe et au Japon, où après une lente sortie de récession à partir du troisième trimestre 2009, la croissance devrait atteindre respectivement 0,8 % et 0,5 % en 2010. Quant aux Etats-Unis, la croissance devrait avoisiner les 2,5 % en 2010, ce qui restera néanmoins très loin de la surchauffe.
Trois. Cette croissance modérée ne permettra aucunement de tendre les taux d'utilisation des capacités de production sur des niveaux élevés. Et ce d'autant que ces derniers connaissent actuellement des planchers historiques. Autrement dit, de nombreux mois s'écouleront encore avant que les capacités de production soient utilisées à plein.
Quatre. Dans le prolongement de la faiblesse des tensions exercées sur l'appareil productif, le chômage demeure élevé et ne repartira à la baisse qu'à partir du printemps 2010 (au plus tôt), une fois la reprise économique confirmée. Autant dire que la flambée des salaires qui pourrait être un prélude à une forte hausse des prix n'est ni pour demain, ni pour après-demain.
Cinq. N'oublions pas que même si la reprise est plus vigoureuse que prévu (espérons-le d'ailleurs), le fort degré de concurrence internationale empêchera les entreprises d'augmenter leurs prix de façon excessive. Et même si les coûts de production progressent et progresseront encore dans les pays émergents, les marges de gains de productivité et de réduction de coûts restent encore très élevées à travers la planète.
Six. A supposer que l'inflation par la demande refasse surface, les banques centrales auront toute latitude pour remonter leurs taux directeurs et contrecarrer par là même tour dérapage inflationniste
Sept. L'appréciation du dollar en 2009-2010 devrait apporter son lot de désinflation importée aux Etats-Unis. Et si la dépréciation de l'euro pourrait jouer un rôle inverse de ce côté-ci de l'Atlantique, son ampleur limitée ne permettra pas de compenser les six autres éléments militant pour une limitation de l'inflation.
En conclusion, le risque d'hyperinflation apparaît hautement contenu. Quant au retour d'une inflation entre 2% et 3 % dès 2010, il est non seulement très probable mais surtout souhaitable car il confirmera que la crise est bien derrière nous. Et ne l'oublions pas : mieux vaut une inflation à 2 %, avec une croissance à 2,5 %, qu'une inflation de 0 %, avec un PIB en baisse de 3 % !
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Enfin, si ces deux premiers éléments mettront du temps à se mettre en place, le troisième va agir très rapidement, puisqu'il s'agit de la remontée des prix des matières premières et notamment du pétrole. En fait, l'impact de cette dernière sur l'inflation ne se verra pas avant juillet prochain. Et pour cause : de l'automne 2007 à juin 2008, les prix des matières premières n'ont cessé de flamber, générant des variations mensuelles moyennes des prix de 0,5 % aux Etats-Unis. Dès lors, la baisse de ces mêmes prix de juillet 2008 à mars 2009 a mécaniquement réduit les glissements annuels des prix à la consommation. Cette tendance se prolongera de mai à juillet 2009, car au cours de ces deux derniers mois, les prix devraient certes augmenter de l'ordre de 0,3 %, ce qui restera néanmoins inférieur aux + 0,7 % enregistrés chaque mois de mai à juillet 2008.
En revanche, à partir de juillet 2009, cet effet de base favorable s'inversera. Ainsi, même si les prix à la consommation n'augmentent que de 0,2 % par mois de juillet à décembre 2009, ce sera toujours plus que les - 0,7 % observé de juillet à décembre 2008 aux Etats-Unis et même des - 0,1 % enregistré dans la zone euro. Dans ce cadre, le glissement annuel des prix à la consommation devrait mécaniquement atteindre les 2 % d'ici la fin 2009 et se stabiliser entre 2 % et 2,5 % pour 2010 tant aux Etats-Unis que dans la zone euro. Autrement dit, nous resterons très loin de l'hyperinflation. Selon nous, les risques d'avènement de cette dernière sont extrêmement faibles pour au moins sept raisons.
Un. En dépit d'une inévitable augmentation liée à l'amélioration de la croissance mondiale, les prix des matières premières ne devraient pas flamber comme l'an passé. En effet, en 2008, cette tension excessive était avant tout due à un mouvement spéculatif, lui-même lié à une réallocation d'actifs massive des placements boursiers vers les marchés des matières premières. Cette année, la reprise économique ira de pair avec une embellie boursière qui limitera les investissements vers les « commodities » et par là même l'augmentation de leurs cours. En outre, pour ne parler que du pétrole, l'offre mondiale d'or noir reste encore largement supérieure à la demande, réduisant par là même les risques de pénuries à venir. Autrement dit, si un baril à 70 dollars nous paraît fort probable, un baril à 150 dollars semble exclu.
Deux. La reprise qui se dessine à l'échelle de la planète restera molle, en particulier en Europe et au Japon, où après une lente sortie de récession à partir du troisième trimestre 2009, la croissance devrait atteindre respectivement 0,8 % et 0,5 % en 2010. Quant aux Etats-Unis, la croissance devrait avoisiner les 2,5 % en 2010, ce qui restera néanmoins très loin de la surchauffe.
Trois. Cette croissance modérée ne permettra aucunement de tendre les taux d'utilisation des capacités de production sur des niveaux élevés. Et ce d'autant que ces derniers connaissent actuellement des planchers historiques. Autrement dit, de nombreux mois s'écouleront encore avant que les capacités de production soient utilisées à plein.
Quatre. Dans le prolongement de la faiblesse des tensions exercées sur l'appareil productif, le chômage demeure élevé et ne repartira à la baisse qu'à partir du printemps 2010 (au plus tôt), une fois la reprise économique confirmée. Autant dire que la flambée des salaires qui pourrait être un prélude à une forte hausse des prix n'est ni pour demain, ni pour après-demain.
Cinq. N'oublions pas que même si la reprise est plus vigoureuse que prévu (espérons-le d'ailleurs), le fort degré de concurrence internationale empêchera les entreprises d'augmenter leurs prix de façon excessive. Et même si les coûts de production progressent et progresseront encore dans les pays émergents, les marges de gains de productivité et de réduction de coûts restent encore très élevées à travers la planète.
Six. A supposer que l'inflation par la demande refasse surface, les banques centrales auront toute latitude pour remonter leurs taux directeurs et contrecarrer par là même tour dérapage inflationniste
Sept. L'appréciation du dollar en 2009-2010 devrait apporter son lot de désinflation importée aux Etats-Unis. Et si la dépréciation de l'euro pourrait jouer un rôle inverse de ce côté-ci de l'Atlantique, son ampleur limitée ne permettra pas de compenser les six autres éléments militant pour une limitation de l'inflation.
En conclusion, le risque d'hyperinflation apparaît hautement contenu. Quant au retour d'une inflation entre 2% et 3 % dès 2010, il est non seulement très probable mais surtout souhaitable car il confirmera que la crise est bien derrière nous. Et ne l'oublions pas : mieux vaut une inflation à 2 %, avec une croissance à 2,5 %, qu'une inflation de 0 %, avec un PIB en baisse de 3 % !
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com