Marc Touati
A ce sujet, il est frappant de voir la différence de discours qui s'impose entre le gouvernement français et son homologue d'outre-Rhin. En effet, alors que l'Allemagne est l'un des rares pays de la zone euro à rester sur le chemin de la croissance annuelle tant en 2012 qu'en 2013, Mme Merkel a d'ores et déjà prévu ses concitoyens et ses partenaires eurolandais que les mois à venir seront difficiles pour l'économie germanique.
A l'inverse, alors que la France plonge de nouveau dans la récession, ses dirigeants ne cessent de dire que la croissance est là et que le chômage va bientôt baisser. Il serait peut-être bon que la transparence et le réalisme reviennent rapidement à l'Elysée et à Matignon.
D'ailleurs, si les Allemands et les Luxembourgeois reconnaissent, eux aussi, la dangerosité d'un euro trop fort et les risques qui pèsent sur leur économie, c'est que la situation est vraiment grave, pour ne pas dire plus.
En effet, cet « l'euro killer » a des conséquences dramatiques pour l'économie et l'emploi dans l'UEM. C'est en partie à cause de lui que les pays eurolandais ont connu leur plus grave récession en 2009. C'est aussi « grâce » à lui que la dépression est en train de s'installer dans de nombreux pays du Sud de l'Europe.
La vraie difficulté n'est effectivement pas de subir une récession, mais de devoir en affronter deux en trois ans. Soyons clairs : la Grèce, le Portugal, l'Espagne, voire l'Italie et la France ne s'en remettront pas.
Ne l'oublions jamais : la dernière fois que la croissance a été forte dans la zone euro c'était en 2000, lorsque l'euro valait moins de 0,90 dollar. A l'inverse, à chaque fois que l'euro a dépassé les 1,20 dollar, la croissance s'est effondrée.
Les vecteurs de transmissions d'un euro trop fort sur l'économie sont triples. Primo, ce dernier renchérit la valeur des exportations, qui deviennent donc trop chères et finissent par reculer. Les entreprises exportatrices sont alors contraintes de réduire leur production, avec souvent destructions d'emplois et de revenus à la clé.
Secundo, un euro trop fort signifie que les prix des produits importés reculent. Si cette évolution peut être perçue comme un avantage, notamment pour les consommateurs nationaux, elle se traduit également par un effet pervers bien plus négatif. En effet, si les produits importés sont moins chers, cela signifie que le producteur national voit sa compétitivité-prix se réduire à vue d'œil. Il perd donc des parts de marchés, réduit la voilure et licencient. Les revenus sont abaissés et la consommation avec.
Tertio, lorsque l'euro est trop cher, investir dans la zone euro depuis l'étranger devient plus onéreux, tandis qu'investir à l'étranger devient de plus en plus bon marché pour un Eurolandais. Dès lors, les flux d'investissements étrangers vers l'UEM se tarissent et les flux d'investissements eurolandais à l'étranger augmentent, réduisant mécaniquement la croissance et l'emploi dans la zone euro, qui voit alors ses déficits publics et sa dette s'accroître…
Pour faire simple, à chaque fois que l'euro s'apprécie de 10 %, la croissance perd environ 0,5 point. Dès que la barre des 1,35 dollar pour un euro est franchie, cette déperdition de croissance pour 10 % d'appréciation est doublée. A l'inverse, lorsque l'euro se déprécie de 10 %, la progression de l'activité gagne 0,5 point. Et lorsque celui-ci passe sous les 1,15 dollar, ce gain de croissance pour 10 % de dépréciation est également doublé.
Que l'on soit également rassuré : l'impact de la baisse de l'euro sur les cours des matières premières, qui deviendraient donc plus chères, sera limité. En effet, lorsque l'euro recule, le dollar s'apprécie et généralement cette appréciation du billet vert se traduit par une désaffection des investisseurs pour les matières premières et notamment le pétrole, qui voient donc leurs cours baisser.
Au total, si l'on veut sortir de la récession et plus globalement de la crise de la dette, l'euro est condamné à repartir à la baisse, soit dans la douceur, via une meilleure gouvernance économique et monétaire, soit dans la douleur avec une aggravation de la récession qui deviendra alors dévastatrice. C'est là tout le paradoxe de l'euro : plus il est cher, plus l'économie eurolandaise souffre et plus l'UEM est menacée d'explosion.
En attendant, il ne faudrait pas trop tarder, car même si par miracle l'euro revenait sous les 1,20 dollar demain, cela prendrait environ six mois avant que cette dépréciation produise ses effets bénéfiques sur l'économie et six mois supplémentaires pour que le chômage commence à reculer. Autrement dit, la récession est déjà acquise au moins jusqu'à l'été prochain et la flambée du chômage jusqu'à la fin 2013. Merci l'euro trop fort…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
A l'inverse, alors que la France plonge de nouveau dans la récession, ses dirigeants ne cessent de dire que la croissance est là et que le chômage va bientôt baisser. Il serait peut-être bon que la transparence et le réalisme reviennent rapidement à l'Elysée et à Matignon.
D'ailleurs, si les Allemands et les Luxembourgeois reconnaissent, eux aussi, la dangerosité d'un euro trop fort et les risques qui pèsent sur leur économie, c'est que la situation est vraiment grave, pour ne pas dire plus.
En effet, cet « l'euro killer » a des conséquences dramatiques pour l'économie et l'emploi dans l'UEM. C'est en partie à cause de lui que les pays eurolandais ont connu leur plus grave récession en 2009. C'est aussi « grâce » à lui que la dépression est en train de s'installer dans de nombreux pays du Sud de l'Europe.
La vraie difficulté n'est effectivement pas de subir une récession, mais de devoir en affronter deux en trois ans. Soyons clairs : la Grèce, le Portugal, l'Espagne, voire l'Italie et la France ne s'en remettront pas.
Ne l'oublions jamais : la dernière fois que la croissance a été forte dans la zone euro c'était en 2000, lorsque l'euro valait moins de 0,90 dollar. A l'inverse, à chaque fois que l'euro a dépassé les 1,20 dollar, la croissance s'est effondrée.
Les vecteurs de transmissions d'un euro trop fort sur l'économie sont triples. Primo, ce dernier renchérit la valeur des exportations, qui deviennent donc trop chères et finissent par reculer. Les entreprises exportatrices sont alors contraintes de réduire leur production, avec souvent destructions d'emplois et de revenus à la clé.
Secundo, un euro trop fort signifie que les prix des produits importés reculent. Si cette évolution peut être perçue comme un avantage, notamment pour les consommateurs nationaux, elle se traduit également par un effet pervers bien plus négatif. En effet, si les produits importés sont moins chers, cela signifie que le producteur national voit sa compétitivité-prix se réduire à vue d'œil. Il perd donc des parts de marchés, réduit la voilure et licencient. Les revenus sont abaissés et la consommation avec.
Tertio, lorsque l'euro est trop cher, investir dans la zone euro depuis l'étranger devient plus onéreux, tandis qu'investir à l'étranger devient de plus en plus bon marché pour un Eurolandais. Dès lors, les flux d'investissements étrangers vers l'UEM se tarissent et les flux d'investissements eurolandais à l'étranger augmentent, réduisant mécaniquement la croissance et l'emploi dans la zone euro, qui voit alors ses déficits publics et sa dette s'accroître…
Pour faire simple, à chaque fois que l'euro s'apprécie de 10 %, la croissance perd environ 0,5 point. Dès que la barre des 1,35 dollar pour un euro est franchie, cette déperdition de croissance pour 10 % d'appréciation est doublée. A l'inverse, lorsque l'euro se déprécie de 10 %, la progression de l'activité gagne 0,5 point. Et lorsque celui-ci passe sous les 1,15 dollar, ce gain de croissance pour 10 % de dépréciation est également doublé.
Que l'on soit également rassuré : l'impact de la baisse de l'euro sur les cours des matières premières, qui deviendraient donc plus chères, sera limité. En effet, lorsque l'euro recule, le dollar s'apprécie et généralement cette appréciation du billet vert se traduit par une désaffection des investisseurs pour les matières premières et notamment le pétrole, qui voient donc leurs cours baisser.
Au total, si l'on veut sortir de la récession et plus globalement de la crise de la dette, l'euro est condamné à repartir à la baisse, soit dans la douceur, via une meilleure gouvernance économique et monétaire, soit dans la douleur avec une aggravation de la récession qui deviendra alors dévastatrice. C'est là tout le paradoxe de l'euro : plus il est cher, plus l'économie eurolandaise souffre et plus l'UEM est menacée d'explosion.
En attendant, il ne faudrait pas trop tarder, car même si par miracle l'euro revenait sous les 1,20 dollar demain, cela prendrait environ six mois avant que cette dépréciation produise ses effets bénéfiques sur l'économie et six mois supplémentaires pour que le chômage commence à reculer. Autrement dit, la récession est déjà acquise au moins jusqu'à l'été prochain et la flambée du chômage jusqu'à la fin 2013. Merci l'euro trop fort…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
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