Comment en-est-on arrivé là et surtout, comment allons-nous en sortir ? Car, ne nous leurrons, si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne à l'issue du référendum du 23 juin et/ou si Donald Trump est élu Président des Etats-Unis en novembre prochain, en appliquant son programme à la lettre, la planète connaîtra un chamboulement majeur, tant d'un point de vue géopolitique qu'économique ou encore financier.
Autrement dit, si, pour le moment, les marchés, investisseurs et entreprises sont, à juste titre, inquiétés par le ralentissement de la croissance mondiale, l'évolution des cours pétroliers et les risques d'attentats, l'occurrence de ces deux évènements pourrait bien constituer le danger principal de l'année 2016.
Et une fois encore l'origine première de cette menace réside dans la faiblesse de l'Europe qui, après avoir été la réalisation phare de la seconde partie du vingtième siècle, est redevenue le parent pauvre de la planète, à la fois sur le front de la création de richesses, mais aussi sur celui de la stabilité politico-sociétale et de la lutte contre les extrémismes.
A la pointe de cette déception, la zone euro est ainsi devenue la lanterne rouge de la croissance mondiale depuis quinze ans. De 2002 à 2015, la croissance annuelle moyenne de l'UEM n'a ainsi été que de 0,9 %, contre 1,7 % pour le Royaume-Uni et 1,8 % pour les Etats-Unis. Sur la même période, son poids dans le PIB mondial (en parités de pouvoir d'achat) est passé de 17,3 % à 11,5 %. Rappelons qu'il était de 21 % en 1991. A titre de comparaison, le poids du PIB américain a lui aussi reculé, mais en passant de 21,8 % en 1991 à 20,5 % en 2002 et 16,0 % aujourd'hui. Autrement dit, alors qu'au début des années 1990, le poids de la zone euro et celui des Etats-Unis dans le PIB mondial étaient identiques, aujourd'hui, le second dépasse le premier de 4,5 points.
Pour information, soulignons que dans le même temps, le poids du PIB chinois est passé de 4,3 % à 17,2 %. Celui de l'Inde de 3,7 % à 7,1 %. A ce rythme-là (c'est-à-dire avec des croissances structurelles de 6,5 % pour l'Inde et de 0,8 % pour la zone euro), le poids de l'Inde dans le PIB mondial dépassera celui de la zone euro à l'horizon 2022. En d'autres termes, non seulement la zone euro a été incapable de concurrencer les Etats-Unis, mais elle s'avère également impuissante face à la domination grandissante des pays dits « émergents ».
Pire, alors que les taux de chômage restent relativement faibles outre-Atlantique (4,9 % aux Etats-Unis, 7,2 % au Canada), dans de nombreux pays développés hors UEM (5,1 % au Royaume-Uni, 3,3 % au Japon et 3,8 % en Suisse) et bien sûr en Chine (4,1 %) et en Inde (5 %), celui de la zone euro reste proche des 11 %.
Enfin, par manque de courage politique et souvent par dogmatisme idéologique, l'UEM a préféré augmenter le nombre de ses membres plutôt que de créer une vraie « zone monétaire optimale » avec une harmonisation des conditions fiscales, réglementaires, un marché du travail unifié et un budget fédéral. Bien loin de cet aboutissement, la zone euro a, au contraire, accumulé les échecs et a été la zone de la planète qui a le plus souffert lors des dernières crises. Celle de 2001-2002 et celle de 2008, qui n'est d'ailleurs toujours pas terminée pour elle, puisque le niveau actuel du PIB eurolandais est encore inférieur de 0,2 % à celui qui prévalait avant la crise (c'est-à-dire au premier trimestre 2008).
Face à l'ensemble de ces échecs, on comprend pourquoi le Royaume-Uni a définitivement fermé la porte à une entrée dans l'UEM. Dire qu'en 1999, Tony Blair claironnait que la participation de son pays à l'euro n'était qu'une question d'années… Aujourd'hui, non seulement il n'en est plus question, mais, au surplus, nos voisins d'outre-Manche sont également tentés par le « Brexit », c'est-à-dire la sortie pure et simple de l'Union européenne. Une telle issue serait évidemment dramatique pour l'ensemble de l'Europe dans la mesure où elle viendrait casser plus de soixante ans de paix et de construction européenne, ce qui pourrait malheureusement attiser à moyen terme les risques de conflits, sinon guerriers, du moins économiques et financiers.
Des risques qui seraient évidemment attisés par une radicalisation et un repli isolationniste des Etats-Unis tels que prônés par Donald Trump. Gardons-nous de tout anti-américanisme primaire. Car, face aux résultats du Front national au premier tour des dernières élections régionales et au score de Marine Le Pen dans les sondages pour la présidentielle de 2017, les Français n'ont aucune leçon à donner aux Américains.
Aussi, ne nous voilons pas la face : si de plus en plus de Britanniques, d'Américains, de Français et d'Européens sont tentés par les discours protectionnistes, voire extrémistes et simplificateurs, c'est pour deux raisons principales. Primo, parce qu'ils n'ont plus confiance dans leurs institutions, incapables de générer de la croissance forte et de faire baisser significativement le chômage. Secundo, c'est parce qu'à cause de ces manquements, ils ont peur de l'avenir.
Pour éviter le pire, il est donc urgent de réformer en profondeur l'Europe et la zone euro pour en faire des machines à croissance et à emplois. C'est seulement à ce moment-là qu'elles pourront chasser les peurs et redevenir des terres d'immigration fertile. De même, en augmentant la pression fiscale et en accroissant des dépenses publiques inefficaces, Obama a en partie cassé le rêve américain, ouvrant la porte aux tentations protectionnistes et au repli sur soi. Comme dit le proverbe chinois : « Lorsque souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d'autres des moulins. » Espérons que, des deux côtés de l'Atlantique, les dirigeants et les peuples sauront faire le bon choix. Sinon, il faut se préparer à des lendemains bien plus difficiles que ceux que l'on peut imaginer aujourd'hui.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com;
Autrement dit, si, pour le moment, les marchés, investisseurs et entreprises sont, à juste titre, inquiétés par le ralentissement de la croissance mondiale, l'évolution des cours pétroliers et les risques d'attentats, l'occurrence de ces deux évènements pourrait bien constituer le danger principal de l'année 2016.
Et une fois encore l'origine première de cette menace réside dans la faiblesse de l'Europe qui, après avoir été la réalisation phare de la seconde partie du vingtième siècle, est redevenue le parent pauvre de la planète, à la fois sur le front de la création de richesses, mais aussi sur celui de la stabilité politico-sociétale et de la lutte contre les extrémismes.
A la pointe de cette déception, la zone euro est ainsi devenue la lanterne rouge de la croissance mondiale depuis quinze ans. De 2002 à 2015, la croissance annuelle moyenne de l'UEM n'a ainsi été que de 0,9 %, contre 1,7 % pour le Royaume-Uni et 1,8 % pour les Etats-Unis. Sur la même période, son poids dans le PIB mondial (en parités de pouvoir d'achat) est passé de 17,3 % à 11,5 %. Rappelons qu'il était de 21 % en 1991. A titre de comparaison, le poids du PIB américain a lui aussi reculé, mais en passant de 21,8 % en 1991 à 20,5 % en 2002 et 16,0 % aujourd'hui. Autrement dit, alors qu'au début des années 1990, le poids de la zone euro et celui des Etats-Unis dans le PIB mondial étaient identiques, aujourd'hui, le second dépasse le premier de 4,5 points.
Pour information, soulignons que dans le même temps, le poids du PIB chinois est passé de 4,3 % à 17,2 %. Celui de l'Inde de 3,7 % à 7,1 %. A ce rythme-là (c'est-à-dire avec des croissances structurelles de 6,5 % pour l'Inde et de 0,8 % pour la zone euro), le poids de l'Inde dans le PIB mondial dépassera celui de la zone euro à l'horizon 2022. En d'autres termes, non seulement la zone euro a été incapable de concurrencer les Etats-Unis, mais elle s'avère également impuissante face à la domination grandissante des pays dits « émergents ».
Pire, alors que les taux de chômage restent relativement faibles outre-Atlantique (4,9 % aux Etats-Unis, 7,2 % au Canada), dans de nombreux pays développés hors UEM (5,1 % au Royaume-Uni, 3,3 % au Japon et 3,8 % en Suisse) et bien sûr en Chine (4,1 %) et en Inde (5 %), celui de la zone euro reste proche des 11 %.
Enfin, par manque de courage politique et souvent par dogmatisme idéologique, l'UEM a préféré augmenter le nombre de ses membres plutôt que de créer une vraie « zone monétaire optimale » avec une harmonisation des conditions fiscales, réglementaires, un marché du travail unifié et un budget fédéral. Bien loin de cet aboutissement, la zone euro a, au contraire, accumulé les échecs et a été la zone de la planète qui a le plus souffert lors des dernières crises. Celle de 2001-2002 et celle de 2008, qui n'est d'ailleurs toujours pas terminée pour elle, puisque le niveau actuel du PIB eurolandais est encore inférieur de 0,2 % à celui qui prévalait avant la crise (c'est-à-dire au premier trimestre 2008).
Face à l'ensemble de ces échecs, on comprend pourquoi le Royaume-Uni a définitivement fermé la porte à une entrée dans l'UEM. Dire qu'en 1999, Tony Blair claironnait que la participation de son pays à l'euro n'était qu'une question d'années… Aujourd'hui, non seulement il n'en est plus question, mais, au surplus, nos voisins d'outre-Manche sont également tentés par le « Brexit », c'est-à-dire la sortie pure et simple de l'Union européenne. Une telle issue serait évidemment dramatique pour l'ensemble de l'Europe dans la mesure où elle viendrait casser plus de soixante ans de paix et de construction européenne, ce qui pourrait malheureusement attiser à moyen terme les risques de conflits, sinon guerriers, du moins économiques et financiers.
Des risques qui seraient évidemment attisés par une radicalisation et un repli isolationniste des Etats-Unis tels que prônés par Donald Trump. Gardons-nous de tout anti-américanisme primaire. Car, face aux résultats du Front national au premier tour des dernières élections régionales et au score de Marine Le Pen dans les sondages pour la présidentielle de 2017, les Français n'ont aucune leçon à donner aux Américains.
Aussi, ne nous voilons pas la face : si de plus en plus de Britanniques, d'Américains, de Français et d'Européens sont tentés par les discours protectionnistes, voire extrémistes et simplificateurs, c'est pour deux raisons principales. Primo, parce qu'ils n'ont plus confiance dans leurs institutions, incapables de générer de la croissance forte et de faire baisser significativement le chômage. Secundo, c'est parce qu'à cause de ces manquements, ils ont peur de l'avenir.
Pour éviter le pire, il est donc urgent de réformer en profondeur l'Europe et la zone euro pour en faire des machines à croissance et à emplois. C'est seulement à ce moment-là qu'elles pourront chasser les peurs et redevenir des terres d'immigration fertile. De même, en augmentant la pression fiscale et en accroissant des dépenses publiques inefficaces, Obama a en partie cassé le rêve américain, ouvrant la porte aux tentations protectionnistes et au repli sur soi. Comme dit le proverbe chinois : « Lorsque souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d'autres des moulins. » Espérons que, des deux côtés de l'Atlantique, les dirigeants et les peuples sauront faire le bon choix. Sinon, il faut se préparer à des lendemains bien plus difficiles que ceux que l'on peut imaginer aujourd'hui.
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