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Mercredi 18 Janvier 2012

TVA sociale, taxe Tobin : Ca suffit !

A l'approche des élections présidentielles, un retour en force de la démagogie et de l'électoralisme est inévitable. En moins d'une semaine, nous pouvons dire que nous avons été particulièrement bien servis, avec l'annonce d'une augmentation du taux de TVA, qualifiée pour l'occasion de TVA sociale, puis la volonté affichée de créer une taxe sur les transactions financières. En d'autres termes, déjà particulièrement mal en point, l'économie française risque de souffrir encore bien davantage au cours des prochains mois. Et tout ça pour de simples motifs électoraux.


Marc Touati
Marc Touati
Débutons ce « petit théâtre des horreurs » par la désormais célèbre TVA sociale. La simple juxtaposition de ces deux notions pose déjà un problème. Et pour cause : comment peut-on qualifier de sociale une taxe qui constitue, par essence, l'un des impôts les plus inégalitaires qui soit ? En effet, la TVA est payée par tous dans les mêmes proportions quel que soit le niveau de revenu du consommateur.

En fait, cette TVA sociale est tout simplement une vraie fausse bonne idée. Certes, il serait tout à fait louable de réduire le coût du travail en France et de redonner ainsi un peu de compétitivité à notre appareil productif tant dans l'industrie que dans les services. De la sorte, il est parfaitement concevable de transférer une partie des charges qui pèsent sur le travail vers la consommation. Cependant, cela ne pourrait se faire qu'à pression fiscale inchangée. Dans la mesure où cette dernière est déjà l'une des plus élevées au monde, une augmentation supplémentaire serait dramatique. Et ce, en particulier sur le front de la TVA, qui, avec un taux de 19,6 %, est déjà prohibitive. Autrement dit, Il est absolument inconcevable que plus de 20 % de la valeur des produits achetés aillent dans les caisses publiques dont l'efficacité est plus qu'aléatoire.

En outre, laisser croire qu'en imposant davantage la consommation, nous allons réduire drastiquement nos importations est illusoire. Cela pour au moins deux raisons. Primo, compte tenu des écarts de coûts de production et de prix de vente entre les produits fabriqués dans le monde, notamment émergent, et ceux usinés dans l'Hexagone, ce n'est pas une augmentation de 3 % à 5 % de la TVA qui va inverser la tendance. Pour redonner de la compétitivité aux produits nationaux, une déprécation de 20 % de l'euro serait beaucoup plus efficace.

Secundo, n'oublions pas que certaines importations sont devenues incontournables et incompressibles. En sus de nombreuses matières premières et notamment pétrolières, il existe de plus en plus de produits qui ont tout simplement disparu du champ productif français, soit par erreur stratégique, soit en raison de coûts trop élevés. Ainsi, avec la meilleure volonté du monde et le plus grand patriotisme possible, il serait, par exemple, impossible d'acheter un ordinateur français.

En résumé, une augmentation du taux de TVA serait non seulement injuste, mais surtout contre-productive, dans la mesure où elle ne garantirait pas de réduction des importations. Pis, dans un contexte où la consommation française est déjà en berne, une hausse du taux de TVA dans les prochains mois serait suicidaire. Elle ne ferait que rogner encore le peu de pouvoir d'achat des ménages, alimenterait la baisse de la consommation et aggraverait la récession (qui a commencé dès le quatrième trimestre 2011 et devrait se poursuivre au moins jusqu'à la fin du printemps). Cette mesure constituerait donc une erreur stratégique particulièrement coûteuse et dangereuse.

Il en serait de même de l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Avant tout chose et comme le soulignait d'ailleurs son concepteur, James Tobin, la taxe sur les transactions financières soulève un sérieux problème de faisabilité. Comment peut-on effectivement distinguer parmi l'ensemble des opérations celles qui relèvent de la spéculation pure et celles qui sont utiles à l'économie ? Cela suppose de mettre en place un système de contrôle aussi complexe que coûteux. Et même si l'on franchissait cet obstacle, il faudrait instituer des mécanismes de collecte et de surveillance, qui alourdiraient encore les coûts organisationnels de l'opération.

De plus, imaginer que la spéculation va disparaître grâce à une nouvelle taxe symbolique relève de la gageure. En effet, la spéculation fait partie de la vie des marchés. Pour la supprimer, il faudrait fermer ces derniers. D'ailleurs, si la France était la seule à appliquer cette mesure, ce serait certainement à terme la fin de la place de Paris. Celle-ci étant déjà très loin de ses homologues internationales, le choix du cavalier seul en matière de taxation aggraverait le déséquilibre concurrentiel et ruinerait notre crédibilité.

D'ores et déjà, compte tenu de la pression fiscale et réglementaire (notamment en matière de fonds propres) qui pèse sur les activités de marchés, les banques françaises sont en train de réduire ces dernières à la portion congrue. Comme nous l'évoquons depuis bientôt trois ans, la finance est devenue la sidérurgie des années 1980, à savoir un secteur sinistré. Alourdir, même symboliquement, cette pression, lui donnerait le coup de grâce. Cela se traduirait notamment par une augmentation des destructions d'emplois dans ce domaine et par l'alourdissement des conditions de financements des entreprises. Dans ce cadre, une nouvelle réduction de l'investissement, donc de la croissance et de l'emploi se produirait à l'échelle du pays. Au-delà du simple secteur financer, c'est toute l'économie nationale qui pâtirait de cette mesure.

En conclusion, si nous comprenons parfaitement la volonté des gouvernants actuels d'être reconduits au pouvoir dans quelques mois, nous estimons que ce serait une grave erreur de prendre des mesures aussi dogmatiques et contre-productives que la TVA sociale et la taxe Tobin pour glaner quelques voix. Malheureusement, une certitude se fait jour : après les élections présidentielles, et quelle que soit leur issue, l'économie française va continuer de souffrir.

Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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