En effet, bien plus que la difficulté de la situation ambiante, ce qu'abhorrent le plus les agents économiques (entreprises, ménages, investisseurs, marchés) c'est la déception. En particulier lorsque cette dernière est récurrente. Et c'est bien là le plus troublant dans le timing de la nouvelle sortie marketing du Président Hollande : elle intervient juste après la publication de toute une série de statistiques montrant que la conjoncture française est précisément en train de se détériorer.
En voici la liste non-exhaustive : chute de 1,2 % de la consommation au premier trimestre 2014 ; recul de trois points de la confiance des ménages en avril (soit 15 points en-deçà de son niveau moyen de longue période), annonçant par là même la poursuite de la faiblesse des dépenses des ménages pour les mois à venir ; baisse d'un point du climat des affaires des enquêtes INSEE auprès des chefs d'entreprise, et ce, à un niveau qui indique que la croissance du PIB devrait se stabiliser autour des 0,5 % pour les trimestres à venir ; repli de 2,4 % de l'emploi intérimaire au premier trimestre, lui-même indicateur avancé de l'emploi global et in fine du nombre de chômeurs, qui n'est donc malheureusement pas près de diminuer. En d'autres termes, annoncer que la croissance va s'intensifier après de tels indicateurs relève de la gageure, pour ne pas dire de la supercherie. Il est vrai que dans le terme « retournement », il y a « retourne » et « ment »…
Blague à part et au-delà des statistiques, il est essentiel de comprendre que pour pouvoir établir des prévisions d'accélération de l'activité, il faut aussi des arguments économiques concrets, par exemple une devise moins forte, une politique fiscale plus accommodante, voire une relance par l'investissement. Or, c'est exactement la situation inverse qui prévaut depuis plus deux ans et qui ne paraît malheureusement pas sur le point d'évoluer dans le bon sens. Et pour cause : la dépense publique n'a jamais été aussi forte (57,1 % du PIB) et surtout aussi inefficace (c'est-à-dire aussi pauvre en termes d'activité et d'emplois) ; la pression fiscale n'a jamais été aussi élevée ; et l'euro se maintient autour des 1,38 dollar, alors que son niveau d'équilibre (dit Natrex) est de 1,15 pour l'UEM, mais de 1,05 pour l'Hexagone. Pour être clair : tant que ces trois éléments seront présents, le retournement vers une croissance durablement forte en France sera tout simplement impossible.
Quant au fameux « pacte de responsabilité » censé tout changer, son application apparaît peu crédible et surtout trop lointaine. Avant de penser à 2015 et 2016, il faudrait déjà éteindre l'incendie en 2014, d'autant qu'il sévit depuis 2008. Il ne faut effectivement pas oublier qu'avant de créer des emplois, les entreprises ont besoin d'au moins six à neuf mois d'activité soutenue, c'est-à-dire avec une croissance économique de 1,5 % à 2 %. Et cela, même le gouvernement reconnait que ce n'est pas demain la veille.
Mais ce n'est pas tout, car si la France est très loin du « retournement » positif, le reste du monde et les marchés financiers pourraient bien connaître, eux-aussi, un retournement, mais dans le mauvais sens du terme. Certes, pour le moment, la situation paraît idyllique sur les bourses internationales. Pourtant, même si de trop nombreux investisseurs refusent de l'admettre, les nuages ne cessent de s'accumuler.
Au-delà du ralentissement en marche dans les pays émergents, les ingrédients d'une prochaine décélération mondiale ne manquent effectivement pas. A commencer par la fin programmée de la planche à billets américaine pour l'automne prochain. En outre, en dépit d'indicateurs avancés relativement appréciables, la zone euro, à l'exception notable de l'Allemagne, n'arrive pas à dépasser le stade de la croissance molle. Il faut dire qu'avec un euro à plus de 1,38 dollar, l'UEM est automatiquement fragilisée et peut, à tout moment replonger dans la récession. Certes, Mario Draghi a promis que la BCE allait agir en juin ou juillet. Pour autant, il pourrait être déjà trop tard. En effet, toute inflexion de politique monétaire prend de six à neuf mois avant d'agir sur l'activité. Autrement dit, beaucoup trop longtemps pour éviter le retour de la déflation.
De plus, à la différence des mois précédents, la BCE se veut désormais beaucoup moins entreprenante et indique qu'elle n'ira pas trop loin dans l'originalité des moyens mis en place. En d'autres termes, un taux refi à 0 % oui, une phase de planche à billets, non. Dans ce cadre, l'euro restera trop fort et la croissance eurolandaise trop faible. De quoi empêcher la réduction des déficits publics et de la dette dans de nombreux pays de l'UEM, et en particulier en France.
Face à ces nouvelles déceptions, la crise de la dette pourrait être rapidement réactivée, avec remontée des taux longs à la clé et surtout rechute des marchés boursiers. Après avoir profité à plein des excès de liquidités pour atteindre de nouveaux sommets, les indices actions devraient donc sortir de leur « bulle » et baisser de 5 à 10 % d'ici la fin 2014. Une nouvelle phase de ralentissement international pourrait alors s'engager, alimentant une spirale durablement baissière tant sur l'économie que sur les marchés boursiers. Dans ce contexte, il sera donc possible de dire que François Hollande avait raison : oui le retournement aura bien eu lieu, mais dans le sens inverse de celui annoncé. On fait ce qu'on peut…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
En voici la liste non-exhaustive : chute de 1,2 % de la consommation au premier trimestre 2014 ; recul de trois points de la confiance des ménages en avril (soit 15 points en-deçà de son niveau moyen de longue période), annonçant par là même la poursuite de la faiblesse des dépenses des ménages pour les mois à venir ; baisse d'un point du climat des affaires des enquêtes INSEE auprès des chefs d'entreprise, et ce, à un niveau qui indique que la croissance du PIB devrait se stabiliser autour des 0,5 % pour les trimestres à venir ; repli de 2,4 % de l'emploi intérimaire au premier trimestre, lui-même indicateur avancé de l'emploi global et in fine du nombre de chômeurs, qui n'est donc malheureusement pas près de diminuer. En d'autres termes, annoncer que la croissance va s'intensifier après de tels indicateurs relève de la gageure, pour ne pas dire de la supercherie. Il est vrai que dans le terme « retournement », il y a « retourne » et « ment »…
Blague à part et au-delà des statistiques, il est essentiel de comprendre que pour pouvoir établir des prévisions d'accélération de l'activité, il faut aussi des arguments économiques concrets, par exemple une devise moins forte, une politique fiscale plus accommodante, voire une relance par l'investissement. Or, c'est exactement la situation inverse qui prévaut depuis plus deux ans et qui ne paraît malheureusement pas sur le point d'évoluer dans le bon sens. Et pour cause : la dépense publique n'a jamais été aussi forte (57,1 % du PIB) et surtout aussi inefficace (c'est-à-dire aussi pauvre en termes d'activité et d'emplois) ; la pression fiscale n'a jamais été aussi élevée ; et l'euro se maintient autour des 1,38 dollar, alors que son niveau d'équilibre (dit Natrex) est de 1,15 pour l'UEM, mais de 1,05 pour l'Hexagone. Pour être clair : tant que ces trois éléments seront présents, le retournement vers une croissance durablement forte en France sera tout simplement impossible.
Quant au fameux « pacte de responsabilité » censé tout changer, son application apparaît peu crédible et surtout trop lointaine. Avant de penser à 2015 et 2016, il faudrait déjà éteindre l'incendie en 2014, d'autant qu'il sévit depuis 2008. Il ne faut effectivement pas oublier qu'avant de créer des emplois, les entreprises ont besoin d'au moins six à neuf mois d'activité soutenue, c'est-à-dire avec une croissance économique de 1,5 % à 2 %. Et cela, même le gouvernement reconnait que ce n'est pas demain la veille.
Mais ce n'est pas tout, car si la France est très loin du « retournement » positif, le reste du monde et les marchés financiers pourraient bien connaître, eux-aussi, un retournement, mais dans le mauvais sens du terme. Certes, pour le moment, la situation paraît idyllique sur les bourses internationales. Pourtant, même si de trop nombreux investisseurs refusent de l'admettre, les nuages ne cessent de s'accumuler.
Au-delà du ralentissement en marche dans les pays émergents, les ingrédients d'une prochaine décélération mondiale ne manquent effectivement pas. A commencer par la fin programmée de la planche à billets américaine pour l'automne prochain. En outre, en dépit d'indicateurs avancés relativement appréciables, la zone euro, à l'exception notable de l'Allemagne, n'arrive pas à dépasser le stade de la croissance molle. Il faut dire qu'avec un euro à plus de 1,38 dollar, l'UEM est automatiquement fragilisée et peut, à tout moment replonger dans la récession. Certes, Mario Draghi a promis que la BCE allait agir en juin ou juillet. Pour autant, il pourrait être déjà trop tard. En effet, toute inflexion de politique monétaire prend de six à neuf mois avant d'agir sur l'activité. Autrement dit, beaucoup trop longtemps pour éviter le retour de la déflation.
De plus, à la différence des mois précédents, la BCE se veut désormais beaucoup moins entreprenante et indique qu'elle n'ira pas trop loin dans l'originalité des moyens mis en place. En d'autres termes, un taux refi à 0 % oui, une phase de planche à billets, non. Dans ce cadre, l'euro restera trop fort et la croissance eurolandaise trop faible. De quoi empêcher la réduction des déficits publics et de la dette dans de nombreux pays de l'UEM, et en particulier en France.
Face à ces nouvelles déceptions, la crise de la dette pourrait être rapidement réactivée, avec remontée des taux longs à la clé et surtout rechute des marchés boursiers. Après avoir profité à plein des excès de liquidités pour atteindre de nouveaux sommets, les indices actions devraient donc sortir de leur « bulle » et baisser de 5 à 10 % d'ici la fin 2014. Une nouvelle phase de ralentissement international pourrait alors s'engager, alimentant une spirale durablement baissière tant sur l'économie que sur les marchés boursiers. Dans ce contexte, il sera donc possible de dire que François Hollande avait raison : oui le retournement aura bien eu lieu, mais dans le sens inverse de celui annoncé. On fait ce qu'on peut…
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