Marc Touati
D'ores et déjà, il faut noter qu'en dépit d'une nette baisse, les taux d'intérêt des obligations d'Etat à dix ans demeurent encore beaucoup trop élevés. La raison de cet échec qui ne dit pas son nom est malheureusement simple : au-delà du marketing et des satisfécits de façade, les dirigeants eurolandais n'ont toujours pas résolu le principal dilemme de l'UEM : comment restaurer la croissance tout en réduisant de manière crédible les déficits publics ?
Certes, les Allemands ont apporté un élément de réponse : faire des réformes structurelles. Celles-ci consistent principalement à réduire les dépenses publiques, diminuer la pression fiscale et améliorer le fonctionnement du marché du travail, notamment via une plus grande fluidité de ce dernier et une meilleure adéquation entre l'offre et la demande d'emplois. Le raisonnement sous-jacent de cette stratégie remonte aux années 70 et à la politique d'Helmut Schmitt : les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain.
N'en déplaise à certains, il faut reconnaître que cette recette de bon sens a bien fonctionné : les réformes Schröder, puis Merkel du début des années 2000 ont effectivement redonné de la compétitivité à l'économie et aux entreprises allemandes, ce qui a permis de restaurer la rentabilité de ces dernières à partir de 2005-2006, relançant ensuite l'investissement, la croissance et, bien sûr, l'emploi. En dépit de la crise et de la récession de 2009, il est ainsi éloquent d'observer que le taux de chômage allemand avoisine encore aujourd'hui les 5,5 %, contre plus de 10 % en France.
Cependant, si cette solution a bien apporté les preuves de son efficacité, son délai d'application et de réussite effective est très long. De l'ordre d'une dizaine d'années. Or, compte tenu de la gravité de la crise et des erreurs à répétition des dirigeants eurolandais, le temps imparti pour sauver la zone euro est beaucoup trop court : six mois, un an, peut-être deux. Il faut donc trouver une solution d'urgence pour relancer la croissance. Et ce, d'autant que même l'économie allemande commence, elle aussi, à faiblir et, à ce rythme, finira par sombrer dans la récession avant la fin de l'année 2012.
C'est dans ce cadre qu'à côté des mesures décidées le 29 juin dernier, il faut aller plus loin dans les mesures de soutien à l'activité et notamment dans l'action de la BCE. Mais pour que les Allemands acceptent d'aller dans ce sens, ils veulent des garanties de sérieux des finances publiques et notamment dans l'Hexagone. C'est pourquoi, à peine quelques jours après le sommet européen, le gouvernement français a présenté un programme de réduction des déficits publics.
Il faut reconnaître que le plan médiatique de cette « nouvelle » stratégie a été savamment orchestré : dès la fin juin, révision en baisse des prévisions de croissance de l'INSEE, mais sans catastrophisme ; ensuite, présentation du rapport de la Cour des Comptes, qui demande des efforts conséquents de réduction des déficits ; et, enfin, annonce d'une forte augmentation des impôts censée remettre les pendules à l'heure et restaurer la crédibilité de la France en matière de sérieux budgétaire. A l'évidence, le travail des communicants et des publicitaires a été soigné. Seulement voilà, comme cela s'observe depuis plus de vingt ans, les gouvernements français sont toujours très forts pour le marketing, mais beaucoup moins pour l'application des promesses.
Pis, à force d'avoir été abusés pendant deux décennies, les Français ne croient plus au Père Noël. A la rigueur, même le Premier Ministre semble ne pas y croire non plus. Il faut dire que les mesures annoncées sont loin d'être la panacée. Et pour cause : plutôt que de réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement (qui, rappelons-le, ont augmenté de 100 milliards d'euros au cours des dix dernières années), le gouvernement nous annonce un gel des dépenses.
Conscient évidemment que cette vraie fausse rigueur sera hautement insuffisante, il cherche néanmoins à rassurer en annonçant une nette augmentation des impôts. Et ce, notamment à l'encontre des « méchants riches » et des « vilaines entreprises ». On grappille ainsi deux milliards par-ci, deux milliards par-là, espérant récupérer au total 7 milliards d'euros cette année et près du double l'an prochain. Selon le gouvernement, le poids des prélèvements obligatoires devrait ainsi atteindre 46,2 % du PIB l'an prochain, c'est-à-dire au moins 47 % dans les faits. De quoi encore réduire la compétitivité de l'économie et des entreprises françaises et aggraver la récession qui se dessine.
Quelle erreur de diagnostic ! Quel gâchis ! En effet, il ne faut pas oublier que ces raisonnements ne valent que « toutes choses égales par ailleurs ». Aussi, il suffit que la croissance recule encore pour que tout ce « beau château de sable » s'écroule. Ne l'oublions pas : un point de croissance en moins c'est environ 8 milliards de recettes fiscales qui s'envolent et presque autant de dépenses en plus. Autrement dit, si la crise revient en septembre, adieu veaux, vaches, cochons… Une fois de plus, les déficits risquent donc d'être bien plus forts que prévu. Dans ces conditions, il est clair que la bienveillance des Allemands se transformera rapidement en remontrances et certainement pire.
Pour éviter d'en arriver, il faut donc espérer que la croissance effective ne sera pas plus faible que celle anticipée par M. Ayrault. A cet égard, la baisse du taux refi de la BCE va évidemment dans le bon sens. Elle est néanmoins trop tardive et surtout insuffisante, lorsque l'on voit que l'euro reste trop fort et les taux d'intérêt des obligations d'Etat trop élevés. Si la zone euro est sauvée, ce ne sera donc certainement pas grâce à la politique française, qui sera encore couronnée d'échec, mais à celle de la BCE qui, souhaitons-le, aura bientôt la permission de l'Allemagne d'aller plus loin et notamment d'acheter de la dette publique en direct.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Certes, les Allemands ont apporté un élément de réponse : faire des réformes structurelles. Celles-ci consistent principalement à réduire les dépenses publiques, diminuer la pression fiscale et améliorer le fonctionnement du marché du travail, notamment via une plus grande fluidité de ce dernier et une meilleure adéquation entre l'offre et la demande d'emplois. Le raisonnement sous-jacent de cette stratégie remonte aux années 70 et à la politique d'Helmut Schmitt : les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain.
N'en déplaise à certains, il faut reconnaître que cette recette de bon sens a bien fonctionné : les réformes Schröder, puis Merkel du début des années 2000 ont effectivement redonné de la compétitivité à l'économie et aux entreprises allemandes, ce qui a permis de restaurer la rentabilité de ces dernières à partir de 2005-2006, relançant ensuite l'investissement, la croissance et, bien sûr, l'emploi. En dépit de la crise et de la récession de 2009, il est ainsi éloquent d'observer que le taux de chômage allemand avoisine encore aujourd'hui les 5,5 %, contre plus de 10 % en France.
Cependant, si cette solution a bien apporté les preuves de son efficacité, son délai d'application et de réussite effective est très long. De l'ordre d'une dizaine d'années. Or, compte tenu de la gravité de la crise et des erreurs à répétition des dirigeants eurolandais, le temps imparti pour sauver la zone euro est beaucoup trop court : six mois, un an, peut-être deux. Il faut donc trouver une solution d'urgence pour relancer la croissance. Et ce, d'autant que même l'économie allemande commence, elle aussi, à faiblir et, à ce rythme, finira par sombrer dans la récession avant la fin de l'année 2012.
C'est dans ce cadre qu'à côté des mesures décidées le 29 juin dernier, il faut aller plus loin dans les mesures de soutien à l'activité et notamment dans l'action de la BCE. Mais pour que les Allemands acceptent d'aller dans ce sens, ils veulent des garanties de sérieux des finances publiques et notamment dans l'Hexagone. C'est pourquoi, à peine quelques jours après le sommet européen, le gouvernement français a présenté un programme de réduction des déficits publics.
Il faut reconnaître que le plan médiatique de cette « nouvelle » stratégie a été savamment orchestré : dès la fin juin, révision en baisse des prévisions de croissance de l'INSEE, mais sans catastrophisme ; ensuite, présentation du rapport de la Cour des Comptes, qui demande des efforts conséquents de réduction des déficits ; et, enfin, annonce d'une forte augmentation des impôts censée remettre les pendules à l'heure et restaurer la crédibilité de la France en matière de sérieux budgétaire. A l'évidence, le travail des communicants et des publicitaires a été soigné. Seulement voilà, comme cela s'observe depuis plus de vingt ans, les gouvernements français sont toujours très forts pour le marketing, mais beaucoup moins pour l'application des promesses.
Pis, à force d'avoir été abusés pendant deux décennies, les Français ne croient plus au Père Noël. A la rigueur, même le Premier Ministre semble ne pas y croire non plus. Il faut dire que les mesures annoncées sont loin d'être la panacée. Et pour cause : plutôt que de réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement (qui, rappelons-le, ont augmenté de 100 milliards d'euros au cours des dix dernières années), le gouvernement nous annonce un gel des dépenses.
Conscient évidemment que cette vraie fausse rigueur sera hautement insuffisante, il cherche néanmoins à rassurer en annonçant une nette augmentation des impôts. Et ce, notamment à l'encontre des « méchants riches » et des « vilaines entreprises ». On grappille ainsi deux milliards par-ci, deux milliards par-là, espérant récupérer au total 7 milliards d'euros cette année et près du double l'an prochain. Selon le gouvernement, le poids des prélèvements obligatoires devrait ainsi atteindre 46,2 % du PIB l'an prochain, c'est-à-dire au moins 47 % dans les faits. De quoi encore réduire la compétitivité de l'économie et des entreprises françaises et aggraver la récession qui se dessine.
Quelle erreur de diagnostic ! Quel gâchis ! En effet, il ne faut pas oublier que ces raisonnements ne valent que « toutes choses égales par ailleurs ». Aussi, il suffit que la croissance recule encore pour que tout ce « beau château de sable » s'écroule. Ne l'oublions pas : un point de croissance en moins c'est environ 8 milliards de recettes fiscales qui s'envolent et presque autant de dépenses en plus. Autrement dit, si la crise revient en septembre, adieu veaux, vaches, cochons… Une fois de plus, les déficits risquent donc d'être bien plus forts que prévu. Dans ces conditions, il est clair que la bienveillance des Allemands se transformera rapidement en remontrances et certainement pire.
Pour éviter d'en arriver, il faut donc espérer que la croissance effective ne sera pas plus faible que celle anticipée par M. Ayrault. A cet égard, la baisse du taux refi de la BCE va évidemment dans le bon sens. Elle est néanmoins trop tardive et surtout insuffisante, lorsque l'on voit que l'euro reste trop fort et les taux d'intérêt des obligations d'Etat trop élevés. Si la zone euro est sauvée, ce ne sera donc certainement pas grâce à la politique française, qui sera encore couronnée d'échec, mais à celle de la BCE qui, souhaitons-le, aura bientôt la permission de l'Allemagne d'aller plus loin et notamment d'acheter de la dette publique en direct.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com