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Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

Par Joachim Treyer, DG du cabinet CostHouse.


Introduction

Le pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance est un enjeu majeur pour l’ensemble des assureurs et des acteurs de la protection sociale.

Cette rentabilité se mesure à l’aide d’un indicateur clé : le ratio combiné ou « combined ratio » (COR).
Si le calcul de ce ratio à un niveau macro ne pose pas de difficulté particulière, il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de calculer le ratio d’une offre ou d’un segment en particulier. Pourtant, pour que le pilotage du COR puisse se traduire par des actions concrètes, il est nécessaire de le décliner par offre.

La mise en place d’un modèle d’analyse des frais généraux aide précisément à disposer d’une évaluation du COR déclinée par offre ou segment, comme nous allons le présenter dans cet article.

COR, Sinistralité et taux de chargement

Le ratio combiné mesure la rentabilité en comparant ce qui est décaissé par l’assureur avec ce qu’il encaisse :

Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

Le ratio de sinistralité, quant à lui, compare les coûts des sinistres aux primes versées :
Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

Le ratio combiné (COR) peut ainsi s’exprimer par :
Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

La seconde composante du COR « (commissions versées aux distributeurs + frais généraux) / primes versées par les assurés » est aussi appelée le « taux de chargement ».
Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

La rentabilité au niveau des offres

Pour que l’activité soit techniquement rentable, il faut que le COR soit inférieur à 100%.
On sait que les ratios sont très différents entre la santé et la prévoyance par exemple. Par ailleurs, les offres collectives sont en général sensiblement moins rentables que les offres individuelles, notamment depuis la généralisation de la complémentaire santé dans le cadre de l’ANI et la fin des clauses de désignation.

Pour être en mesure de piloter la rentabilité au niveau des offres, il est nécessaire de décliner les deux composantes (ratio de sinistralité et taux de chargement) à cette maille.

C’est précisément le taux de chargement qui pose problème en l’absence d’un modèle d’analyse des frais généraux : comment allouer de façon pertinente les frais généraux sur les offres ?

Ces frais généraux recouvrent des dépenses de différentes natures :
- Les coûts de commissions versées à des distributeurs (agents, courtiers),
- Les frais de gestion des sinistres
- Les coûts de gestion des contrats
- Les coûts marketing
- Les coûts de l’ensemble des fonctions support qui contribuent au fonctionnement global de l’entreprise dont certaines, à l’instar de l’IT, représentent des poids très significatifs.

L’application de clés de répartition « globales » pour l’affectation de ces frais généraux aux offres ne permet pas considérer les spécificités de celles-ci. Cela conduit mécaniquement à une vision erronée de la rentabilité de chaque offre : certaines offres portent plus de frais généraux qu’elles n’en utilisent réellement, d’autres moins, ainsi les premières « financent » artificiellement les secondes.

Le rôle d’un « modèle d’analyse des frais généraux »

Un « modèle d’analyse des frais généraux » a justement pour objectif d’offrir une transparence sur ces coûts et d’en permettre une allocation sur les offres qui soit la plus proche possible de la réalité.
Le fonctionnement d’un tel « modèle d’analyse des frais généraux » part du constat que de nombreuses dépenses sont « indirectes » : on ne sait pas à quelle(s) offre(s) elles sont associées au moment où on les constate.

C’est le cas, par exemple, des salaires des équipes en charge du marketing des offres, ou, dans une certaine mesure, des salaires des équipes en charge de la gestion des sinistres.

C’est surtout le cas des coûts des fonctions support, comme l’IT (Information Technology, SI en Français) par exemple.

Pour allouer de façon pertinente les frais généraux aux offres, un modèle d’analyse de coûts s’appuie sur un étage intermédiaire « d’activités » entre les « ressources » (les frais) constituant les dépenses et les offres, dans une logique de « consommation » (selon l’approche « Activity Based Costing ») présentée sur le schéma suivant :
Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

Les offres consomment les activités de distribution, de gestion de sinistres, de gestion de contrats et des fonctions support. La mesure de cette consommation des activités par les offres s’effectue à l’aide « d’inducteurs » qui représentent autant que possible une réalité opérationnelle liée aux activités.
Ces activités consomment elles-mêmes les différents postes de frais généraux (salaires, prestations, commissions, …).

Notion de « prestations de base »

Certaines activités, comme celles relatives à la gestion des contrats par exemple, peuvent être allouées directement sur des offres particulières.

En revanche, d’autres activités seront plutôt réparties sur des « prestations de base » (exemple, dans le domaine « Santé », d’un « soin dentaire » intervenant dans plusieurs offres différentes). C’est notamment le cas de certaines activités de gestion des sinistres.

Les « prestations de base » seront-elles-mêmes ensuite réparties sur les offres afin de déterminer le coût complet de ces dernières.

Activités récurrentes vs activités projets

La vie d’une entreprise peut être décomposée en une part « opérations » et une part « transformation ». La part « opérations », parfois définie par le terme anglophone « Run », est constituée de l’ensemble des activités nécessaires au fonctionnement courant de l’entreprise.

La part « transformation » vise à adapter l’entreprise au mieux par rapport à son contexte et à la rendre plus performante. Cela se traduit par des projets qui concernent les différentes directions de l’entreprise. Cette part est parfois définie par le terme anglophone « Build ».

On distingue ainsi deux types d’activités - « récurrentes » et « projets » - permettant, in fine, de connaître la quote-part de coûts récurrents et de coûts projets au sein des offres, comme l’illustre le schéma ci-dessous :
Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

L’analyse de l’évolution des coûts unitaires des offres (en termes de frais généraux) doit ainsi s’effectuer au niveau des coûts récurrents pour ne pas être « perturbée » par les variations liées aux projets dont le caractère est variable par essence.

Le cas particulier des coûts IT

Les coûts IT représentent une part (très) significative des frais généraux ; ils peuvent dépasser 20% du total.

Par ailleurs, la nature du métier IT et des technologies associées nécessite d’appliquer un traitement particulier aux dépenses correspondantes.

De façon à allouer de façon pertinente les coûts IT aux offres, il convient de calculer au préalable les coûts complets des services IT mis à disposition des métiers de l’entreprise : les environnements de travail utilisateurs et surtout les services applicatifs ou produits IT utilisés à la fois pour la gestion des sinistres et par l’ensemble des fonctions support.

Ce calcul préalable du coût complet des services IT s’appuie sur la mise en œuvre d’un modèle de coûts IT dédié qui s’intègre au modèle de coûts global dans une logique de « poupées russes » comme présenté sur le schéma suivant :
Pilotage de la rentabilité technique des offres d’assurance par la mise en place d’un modèle d'analyse des frais généraux

L’utilisation de référentiel métiers

Autant les activités liées à la gestion des sinistres, à la gestion des contrats ou au marketing sont spécifiques aux métiers de la prévoyance ou de la santé par exemple, autant les activités des fonctions support sont génériques.

Dans la structuration d’un « modèle d’analyse des frais généraux », il est ainsi pertinent de s’appuyer sur des référentiels ouverts pour la définition des activités correspondantes :
- Le « modèle de coûts et de benchmark des fonctions transverses » de la DFCG pour l’ensemble des fonctions support ;
- Le « modèle d’analyse et de benchmarking des coûts informatiques » du CIGREF pour les coûts IT spécifiquement.
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Du calcul des coûts à la simulation

Un modèle d’analyse des frais généraux permet de comprendre l’allocation de ces frais sur les offres ou sur les segments.

L’industrialisation d’un tel modèle à l’aide d’une solution de « costing » moderne permet aussi d’étendre son usage à la simulation.

La simulation consiste à pouvoir identifier l’impact d’hypothèses business sur la structure de coûts :
- Que se passerait-il si telle ou telle offre connaissait une croissance de X% ou un repli de Y% ?
- Quel serait l’impact d’actions d’optimisation au niveau des activités ?
- Comment se traduiraient des augmentations de salaires ou des évolutions tarifaires de sous-traitance sur le coût des offres ?

L’impact de ces hypothèses sur la structure de coûts nécessite de prendre en compte des règles de comportement des activités ou des ressources, certaines évoluant de façon linéaire, d’autres par paliers, d’autres encore pouvant être considérées comme fixes.

L’implémentation d’un module de simulation au sein d’une solution de costing permet d’enrichir le modèle d’analyse des frais généraux en lui apportant la capacité de proposer des scenarii de prévision simulant différents contextes d’évolution de l’activité de l’entreprise.

Conclusion

La mise en place d’un « modèle d’analyse des frais généraux » est une démarche vertueuse permettant de disposer d’une bonne compréhension de ces frais et de leur allocation aux offres.

Cette allocation fine des frais généraux permet de décliner de façon aussi réaliste que possible le taux de chargement selon les offres. Cette déclinaison du taux de chargement selon les offres permet finalement de calculer un ratio COR par offre et par segment suffisamment représentatif pour appréhender la réelle rentabilité d’une offre ou d’un segment et de prendre les bonnes décisions stratégiques.

Jeudi 6 Mai 2021




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