Corporate Finance, Fintech, DeFi, Blockchain, Web 3 News
Financial Year Financial Year
Corporate Finance News, Hybrid Finance News

The Bridge Between TradFi & DeFi, Traditional Finance and Decentralized Finance





Lundi 15 Février 2016
Finyear, Quotidien Finance d'Entreprise

Obligations d'Etat : la folie des taux négatifs est de retour

Certains appellent cela un « flight to quality ». En fait, il s'agit plutôt d'un « flight to irrationality ». En effet, après avoir touché des plus bas historiques en avril 2015, puis être remonté significativement jusqu'à l'automne dernier, les taux d'intérêt à dix ans des obligations des principaux Etats occidentaux ont ensuite repris le chemin de la baisse. Depuis quelques semaines, ce repli s'est transformé en effondrement, avec souvent le retour de taux d'intérêt négatifs sur des échéances plus courtes.


Marc Touati
Marc Touati
Le taux d'intérêt des bons du Trésor français à dix ans est ainsi passé de 0,25 % le 22 avril 2015 à 1,33 % le 10 juin pour retomber autour de 0,5 % depuis quelques jours. Pour les échéances de deux à six ans, les « bonds » de l'Etat français offrent même des rendements négatifs. En d'autres termes, il faut désormais payer pour avoir le privilège de prêter à l'Etat français. Et ce, en dépit d'une dette publique de près de 100 % du PIB, de l'incapacité de réduire le déficit public sous les 3 % du PIB et des nombreux risques qui pèsent sur l'avenir économique et politique de la France.

Le pire est que cette baisse des taux, qui s'apparente plus à une « descente aux enfers » qu'à un mouvement salutaire, apparaît « normale » pour certains. Selon eux, elle serait liée à un mouvement d'afflux vers la qualité en provenance des marchés boursiers qui chutent fortement vers les marchés des obligations d'Etat a priori « plus sûrs ». Et c'est bien là que le bât blesse, car si la probabilité de défaut d'un Etat occidental dans les dix prochaines années est relativement faible, celle de la remontée des taux longs à ce même horizon est beaucoup plus élevée, rendant donc inévitables des moins-values conséquentes sur les placements obligataires.

Autrement dit, en dépit de l'aveuglement collectif, depuis les investisseurs chevronnés jusqu'aux petits épargnants en passant par la BCE, nous continuons de défendre que des taux d'intérêt des obligations de l'Etat français, mais aussi de l'ensemble des pays de la zone euro, aussi bas ne sont pas normaux.

Pour le comprendre, il suffit simplement de se rappeler le principe de la formation des taux d'intérêt à long terme. Théoriquement, ces derniers correspondent effectivement aux taux d'intérêt à court terme auxquels on ajoute deux types de composants. Primo, le coût d'opportunité du prêt (c'est-à-dire du renoncement de ses liquidités à court terme, ce coût étant positivement corrélé à l'échéance du prêt : plus on prête longtemps, plus ce coût augmente).

Secundo, des primes de risque. Ces dernières sont notamment relatives aux perspectives d'inflation, de croissance, de déficit public et à la crédibilité des Etats. Aujourd'hui, si la prime de risque liée à l'inflation est négative, celle de l'activité économique est neutre et celle des déficits publics est nettement positive. De plus, si la déflation est aujourd'hui la norme, le retour de l'inflation paraît inévitable à moyen terme. Dans ce cadre, le niveau théorique du taux d'intérêt à dix ans des obligations de l'Etat français se situe autour des 2 %. C'est dire l'ampleur de la bulle.

Certes, la faiblesse actuelle des taux longs peut en partie se justifier par les liquidités abondantes et gratuites fournies par la BCE. Mais là aussi, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? En effet, en achetant des obligations d'Etat, les investisseurs prennent des risques élevés mais ne reçoivent que des rendements faibles. Cela affecte d'ailleurs négativement le compte d'exploitation de beaucoup d'institutions financières, et notamment des banques, dont les cours boursiers s'effondrent d'ailleurs. Nous assistons là à la réciproque de la crise des subprimes. En pire, car à l'époque les risques étaient élevés mais les rendements aussi. Aujourd'hui, nous n'avons ni le beurre, ni l'argent du beurre et en plus il faut payer. Encore plus grave, lorsque les taux longs remonteront, les moins-values obligataires grèveront les résultats des banques, compagnies d'assurance et autres caisses de retraite, qui auront alors bien du mal à assainir leurs comptes, voire à éviter la faillite.

« Qu'à cela ne tienne ! » diront les partisans de la bulle, rappelant le fameux adage « les marchés ont toujours raison ». Seulement voilà, ils ont toujours raison à l'instant t, mais ratent souvent le virage du retournement. Cela s'observe malheureusement dans toutes les phases de bulle, expliquant par là même que la majorité des prévisionnistes et des investisseurs ne parvient pas à anticiper l'avènement des crises. Cela s'est observé en 2000-2001, en 2007-2008 et s'observe de nouveau aujourd'hui.

A ce sujet, rappelons d'ailleurs que lorsqu'en avril 2015, nous annoncions la formation d'une bulle boursière qui devait éclater d'ici la fin d'année, on nous riait souvent au nez. Et pourtant ! Aujourd'hui, les mêmes qui défendaient que l'augmentation des cours boursiers début 2015 était normale annoncent la poursuite de leur chute et justifient par là même l'achat d'obligations d'Etat.

C'est surtout ce qu'il ne faut pas faire. Certes, la tendance restera baissière sur les marchés boursiers jusqu'à l'été prochain. Néanmoins, grâce à un excès de liquidités, ces derniers connaîtront également des phases de rebond. Par ailleurs, en plus de permettre de bénéficier de plus-values sur les cours, les actions servent également des dividendes appréciables, consacrant des rendements bien supérieurs au 0,5 % par an offert par les OAT à dix ans.

En conclusion, entre des obligations d'Etat à rendements extrêmement faibles, voire négatifs, présentant, qui plus est, un fort risque de moins-values et des actions, certes très volatiles, mais qui, si elles sont bien choisies, devraient offrir à moyen terme des plus-values et des rendements très appréciables, il n'y a normalement pas photo. Dès lors, si, malgré les évidences, certains préfèrent encore acheter les premières, il ne faudra pas venir se plaindre lorsque le krach obligataire s'installera…

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com;


Les médias du groupe Finyear


Offres d'emploi


Offres de stages


Nominations


Dernières actualités


Populaires