En fait, depuis la crise de 2008-2009, et en dépit de la forte reprise de l'année 2010, la question revient très régulièrement : et si la croissance mondiale finissait par rechuter fortement ? A l'appui de ce sombre scénario, les arguments sont pléthore : risques géopolitiques, rechute de l'économie américaine, effondrement de la croissance chinoise, nouvelle crise du monde émergent ou encore retour de la récession dans la zone euro.
Jusqu'à présent seule cette dernière a vraiment « tenu ses promesses ». Et pour cause : elle a non seulement rechuté vers la récession en 2012-2013, mais a aussi été incapable de dépasser durablement les 1 % de croissance. Pire, depuis quelques mois, son retour dans la récession et son enlisement dans la déflation deviennent de plus en plus inévitables. Finalement, depuis 2010 et comme cela s'est encore observé cette semaine, seules la résistance de la Chine et celle des Etats-Unis ont permis à la marche mondiale des affaires d'éviter le repli et aux marchés boursiers de limiter les dégâts.
Il faut dire que les politiques monétaires de ces deux locomotives de l'économie planétaire ont été sans faille et ont tout fait pour éviter le retour de la récession et a fortiori de la déflation. Certes, depuis deux ans, la BCE a également apporté sa pierre à l'édifice. Pour autant, la zone euro reste toujours menacée par la baisse des prix et ses corollaires, à savoir le recul de la production et l'augmentation du chômage.
Et si la baisse de l'euro/dollar des dernières semaines pourrait inverser cette spirale dévastatrice, cette dépréciation reste encore insuffisante. En effet, tant que l'euro ne retrouve pas son niveau d'équilibre d'environ 1,15 dollar, l'UEM demeure incapable de retrouver le chemin de la croissance forte. D'ores et déjà, il paraît inévitable que l'économie eurolandaise continuera au mieux de stagner jusqu'au printemps 2015. Sur cette faiblesse chronique viennent s'ajouter de nombreux risques géopolitiques (Ukraine, Russie, EI…) ou sanitaires (Ebola) qui ne manqueront pas d'affecter négativement la confiance des investisseurs et de limiter par là même le niveau de la croissance économique.
De plus, même s'ils sont en sommeil, les risques financiers restent majeurs : Argentine, Brésil, Thaïlande et, plus proche de nous, Portugal, Grèce, Italie et surtout France. Effectivement, si les agences de notation ont dernièrement refusé de dégrader la note de la dette publique française, grâce à on ne sait quel miracle, elles ont toutes mis cette dernière sous surveillance négative, préparant l'opinion à une prochaine dégradation. Celle-ci devrait intervenir début 2015 au plus tard.
Certes, la faiblesse des taux longs français semble pouvoir contrecarrer tout impact fortement négatif de cette dégradation sur le niveau des taux d'intérêt à venir, donc sur la croissance. Cependant, méfions-nous de l'eau qui dort et surtout n'oublions jamais que l'on ne prend conscience de l'ampleur des bulles financières que lorsque celles-ci ont explosé. Autrement dit, même si la déflation limitera de facto l'augmentation des taux longs, ce n'est pas parce que ces derniers sont actuellement bas qu'ils le resteront éternellement.
Dans ce cadre, il est donc bien possible de dire que la croissance eurolandaise reste menacée, et par là même que celle de l'économie mondiale l'est également. Pour autant, il ne faudrait pas minorer une réalité structurelle : depuis dix ans, la contribution annuelle moyenne de la zone euro à la croissance mondiale est inférieure à 0,1 point. Mieux, ou plutôt pire pour nous : au cours de cette dernière décennie, la progression annuelle moyenne du PIB planétaire a été de 4 %, contre 0,8 % pour la zone euro. En d'autres termes, que l'UEM soit en croissance ou pas, l'économie mondiale avance sans complexe. Cela signifie que la première a beaucoup plus besoin de la seconde que l'inverse. Et cela n'est pas près de changer…
Voilà pourquoi, nous estimons qu'en dépit des risques qui pèsent sur la zone euro, mais aussi sur la géopolitique internationale, la croissance mondiale restera soutenue par ses deux locomotives habituelles que sont les Etats-Unis et la Chine. Bien entendu, elles-aussi connaîtront des difficultés et des phases de ralentissement. Néanmoins, elles seront suffisamment puissantes pour permettre à la croissance mondiale de se stabiliser durablement autour de son niveau structurel, en l'occurrence entre 3,5 % et 4 %.
Dans ce cadre, nos prévisions boursières restent haussières à l'horizon d'un an mais avec une forte volatilité. Nos objectifs annuels sont ainsi de 4 600 pour le Cac 40 et de 18 000 pour le Dow Jones. Cela signifie que dès qu'ils seront atteints, il ne faudra pas tarder à s'alléger, quitte à réinvestir ensuite, une fois la ou les tempêtes passées. Gardons en tête que, lors de ces phases de correction, le Cac 40 pourrait baisser vers les 3 600. Dès cet automne, les marchés boursiers internationaux pourraient d'ailleurs tester des planchers temporaires, dans le sillage de mauvaises nouvelles géopolitiques et/ou statistiques. Une baisse automnale de l'ordre de 8 % du Dow Jones et du Cac 40 pourrait ainsi être enregistrée.
Il sera donc indispensable de naviguer à vue, de faire des allers retours réguliers et de favoriser un stock picking sur des secteurs défensifs ou dans les domaines de la « high tech », mais aussi sur les entreprises qui ont su faire les bons choix stratégiques, tant sur le front de l'innovation que sur les terres de forte croissance, notamment asiatiques. En conclusion, si les années 2014 et 2015 devraient être des bons crus, il faudra s'armer de prudence et prendre très régulièrement ses bénéfices. Bonnes montagnes russes à toutes et à tous !
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Jusqu'à présent seule cette dernière a vraiment « tenu ses promesses ». Et pour cause : elle a non seulement rechuté vers la récession en 2012-2013, mais a aussi été incapable de dépasser durablement les 1 % de croissance. Pire, depuis quelques mois, son retour dans la récession et son enlisement dans la déflation deviennent de plus en plus inévitables. Finalement, depuis 2010 et comme cela s'est encore observé cette semaine, seules la résistance de la Chine et celle des Etats-Unis ont permis à la marche mondiale des affaires d'éviter le repli et aux marchés boursiers de limiter les dégâts.
Il faut dire que les politiques monétaires de ces deux locomotives de l'économie planétaire ont été sans faille et ont tout fait pour éviter le retour de la récession et a fortiori de la déflation. Certes, depuis deux ans, la BCE a également apporté sa pierre à l'édifice. Pour autant, la zone euro reste toujours menacée par la baisse des prix et ses corollaires, à savoir le recul de la production et l'augmentation du chômage.
Et si la baisse de l'euro/dollar des dernières semaines pourrait inverser cette spirale dévastatrice, cette dépréciation reste encore insuffisante. En effet, tant que l'euro ne retrouve pas son niveau d'équilibre d'environ 1,15 dollar, l'UEM demeure incapable de retrouver le chemin de la croissance forte. D'ores et déjà, il paraît inévitable que l'économie eurolandaise continuera au mieux de stagner jusqu'au printemps 2015. Sur cette faiblesse chronique viennent s'ajouter de nombreux risques géopolitiques (Ukraine, Russie, EI…) ou sanitaires (Ebola) qui ne manqueront pas d'affecter négativement la confiance des investisseurs et de limiter par là même le niveau de la croissance économique.
De plus, même s'ils sont en sommeil, les risques financiers restent majeurs : Argentine, Brésil, Thaïlande et, plus proche de nous, Portugal, Grèce, Italie et surtout France. Effectivement, si les agences de notation ont dernièrement refusé de dégrader la note de la dette publique française, grâce à on ne sait quel miracle, elles ont toutes mis cette dernière sous surveillance négative, préparant l'opinion à une prochaine dégradation. Celle-ci devrait intervenir début 2015 au plus tard.
Certes, la faiblesse des taux longs français semble pouvoir contrecarrer tout impact fortement négatif de cette dégradation sur le niveau des taux d'intérêt à venir, donc sur la croissance. Cependant, méfions-nous de l'eau qui dort et surtout n'oublions jamais que l'on ne prend conscience de l'ampleur des bulles financières que lorsque celles-ci ont explosé. Autrement dit, même si la déflation limitera de facto l'augmentation des taux longs, ce n'est pas parce que ces derniers sont actuellement bas qu'ils le resteront éternellement.
Dans ce cadre, il est donc bien possible de dire que la croissance eurolandaise reste menacée, et par là même que celle de l'économie mondiale l'est également. Pour autant, il ne faudrait pas minorer une réalité structurelle : depuis dix ans, la contribution annuelle moyenne de la zone euro à la croissance mondiale est inférieure à 0,1 point. Mieux, ou plutôt pire pour nous : au cours de cette dernière décennie, la progression annuelle moyenne du PIB planétaire a été de 4 %, contre 0,8 % pour la zone euro. En d'autres termes, que l'UEM soit en croissance ou pas, l'économie mondiale avance sans complexe. Cela signifie que la première a beaucoup plus besoin de la seconde que l'inverse. Et cela n'est pas près de changer…
Voilà pourquoi, nous estimons qu'en dépit des risques qui pèsent sur la zone euro, mais aussi sur la géopolitique internationale, la croissance mondiale restera soutenue par ses deux locomotives habituelles que sont les Etats-Unis et la Chine. Bien entendu, elles-aussi connaîtront des difficultés et des phases de ralentissement. Néanmoins, elles seront suffisamment puissantes pour permettre à la croissance mondiale de se stabiliser durablement autour de son niveau structurel, en l'occurrence entre 3,5 % et 4 %.
Dans ce cadre, nos prévisions boursières restent haussières à l'horizon d'un an mais avec une forte volatilité. Nos objectifs annuels sont ainsi de 4 600 pour le Cac 40 et de 18 000 pour le Dow Jones. Cela signifie que dès qu'ils seront atteints, il ne faudra pas tarder à s'alléger, quitte à réinvestir ensuite, une fois la ou les tempêtes passées. Gardons en tête que, lors de ces phases de correction, le Cac 40 pourrait baisser vers les 3 600. Dès cet automne, les marchés boursiers internationaux pourraient d'ailleurs tester des planchers temporaires, dans le sillage de mauvaises nouvelles géopolitiques et/ou statistiques. Une baisse automnale de l'ordre de 8 % du Dow Jones et du Cac 40 pourrait ainsi être enregistrée.
Il sera donc indispensable de naviguer à vue, de faire des allers retours réguliers et de favoriser un stock picking sur des secteurs défensifs ou dans les domaines de la « high tech », mais aussi sur les entreprises qui ont su faire les bons choix stratégiques, tant sur le front de l'innovation que sur les terres de forte croissance, notamment asiatiques. En conclusion, si les années 2014 et 2015 devraient être des bons crus, il faudra s'armer de prudence et prendre très régulièrement ses bénéfices. Bonnes montagnes russes à toutes et à tous !
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