UNE IBR, POUR QUI ET POUR QUOI FAIRE ?
L'IBR a pour but de donner un éclairage sur la situation financière réelle de l'entreprise, lorsqu'il existe un doute sur la capacité de celle-ci à faire face à ses échéances ou à respecter ses covenants, et que des négociations sont à prévoir. Elle s'adresse à toutes les parties prenantes à ces négociations, à savoir : les actionnaires (et en particulier les fonds de private equity dans le cas de LBO), les créanciers (mezzaneurs, banquiers senior, banquiers d'exploitation), les mandataires de justice (mandataires ad hoc, conciliateurs), qui, le cas échéant, pourront être appelés à conduire des négociations amiables, et enfin le management.
Tous ces acteurs, quelque soit leur position dans le cadre des négociations, on en effet absolument besoin d'avoir une réponse fiable aux questions suivantes, qui conditionnent leur appréciation de la situation et leur prise de décision :
S'agit-il d'un « simple » problème de covenants, faut-il réaménager les échéances de la dette, faut-il injecter de la new money ?
En cas de besoin de financements complémentaires, s'agit-il d'un problème de BFR, d'un problème d'exploitation passager, d'un problème d'exploitation structurel ?
Existe-t-il des leviers permettant de réduire le besoin de trésorerie de l'entreprise et donc de limiter les efforts à consentir (amélioration du cash management, réduction du BFR, obtention de financements sur actifs, cession d'actifs non stratégiques…)
En cas de problème d'exploitation structurel, quelles mesures de restructuration peuvent-elles être envisagées, à quel coût, et dans quel calendrier ?
Quelles sont les perspectives de " retour sur investissement " en cas de nécessité de new money (c'est-à-dire quelles sont les perspectives de rentabilité et de cash flow, à terme, de l'entreprise, une fois restructurée le cas échéant).
Quelles sont les capacités internes de l'entreprise à assurer le suivi et l'optimisation de la trésorerie, et à mettre en œuvre les éventuelles mesures de restructuration nécessaires ?
AU CŒUR DE LA PROBLEMATIQUE : LE CASH
Ainsi, la valeur ajoutée d'une IBR repose sur sa capacité à donner un éclairage exact sur la situation de trésorerie de l'entreprise, actuelle et prévisionnelle. Or cela n'a rien d'évident, pour les raisons suivantes : il ne faut pas sous-estimer le degré d'expertise nécessaire à la bonne compréhension de la situation de cash d'une entreprise, en particulier en période de crise.
L'analyse pertinente de la trésorerie d'une entreprise nécessite un niveau technique élevé, dans la mesure où elle s'appuie sur les expertises suivantes : (1) une parfaite compréhension de l'exploitation de l'entreprise, de son compte de résultat et de son bilan (on peut maîtriser le compte de résultat de l'entreprise sans comprendre son cash flow, mais l'inverse n'est pas vrai), (2) un maîtrise des problématiques liées au besoin en fonds de roulement (saisonnalité, cas particulier des contrats à long terme, évolution des conditions de règlement, remises de fin d'année, etc…), (3) une maîtrise des financements sur actifs d'exploitation (factoring, dailly…) et (4) des capacités de modélisation élevées.
En période de crise, la difficulté technique est encore augmentée, dans la mesure où les paramètres ont tendance à sortir du cadre de la « normativité », voire à s'affoler complètement.
Les entreprises sont souvent sous-équipées en terme de cash management, y compris les entreprises sous LBO.
Il ressort de notre expérience que la grande majorité des entreprises sont difficilement capables aujourd'hui d'exercer un suivi précis de leurs besoins de trésorerie lorsque l'horizon dépasse 2 ou 3 mois.
C'est particulièrement vrai des entreprises sous LBO. Cela peut paraître contre-intuitif au premier abord, dans la mesure où la structure même du LBO doit mettre la trésorerie de l'entreprise « sous tension », et donc inciter à optimiser le cash management. Mais cela s'explique lorsque l'on se replace dans le contexte des années ayant précédé la crise de 2008, au cours desquelles l'accès à l'endettement était très facile : les entreprises sous LBO disposaient alors souvent de lignes de dette confortables, qui fournissaient une marge de manœuvre suffisante pour ne pas rendre nécessaire un suivi précis de la trésorerie (d'autant plus qu'un tel suivi nécessite des profils très expérimentés, comme expliqué plus haut, et donc rares sur le marché du travail).
Le problème, c'est qu'avec la crise l'accès à l'endettement s'est brutalement fermé, et qu'il est devenu nécessaire de naviguer au plus près. Or beaucoup d'entreprises n'ont pas pu s'adapter à temps.
UNE IBR DOIT ÊTRE PLUS QU'UNE DUE DILIGENCE
Si le terme « due diligence » recouvre en fait des réalités très différentes en fonction des contextes et des équipes de conseil impliquées, nous faisons ici référence aux due diligences d'acquisition telles qu'elles s'étaient généralisées dans le cadre de LBO dans les années précédant la crise de 2008.
Ces due diligences avaient les caractéristiques suivantes : (1) le travail était réalisé largement « en chambre », c'est-à-dire en dehors de l'entreprise, (2) le travail consistait de fait en une compilation et une analyse de données financières transmises par le management de l'entreprise, (3) les analyses se concentraient essentiellement sur l'EBITDA, le cash flow faisant l'objet de travaux très généraux centrés sur une approche du BFR normatif et sur les CAPEX.
Or notre expérience nous indique clairement qu'une « bonne » IBR nécessite des méthodes de travail très différentes :
Intervention des équipes de conseil au sein de l'entreprise
Les équipes de conseil doivent être au contact non seulement du management, mais aussi des opérationnels détenteurs de l'information. Elles doivent pouvoir réaliser elles-mêmes les analyses que l'entreprise n'est pas en mesure de faire, ce qui nécessite un accès direct à toutes les informations opérationnelles ou de gestion.
Travaux centrés sur le cash
Comme indiqué précédemment, le cash doit être au cœur de la problématique de l'IBR. Cela ne veut pas dire qu'il faille se désintéresser de l'EBITDA et de la rentabilité, bien au contraire. Mais « qui peut le plus peut le moins » : la compréhension de la trésorerie nécessite la compréhension de l'EBITDA, ce qui n'est pas vrai en sens inverse. Il faut également garder à l'esprit qu'en période de crise, la « normativité » du BFR devient une notion toute relative.
Valeur ajoutée opérationnelle pour l'entreprise
Si une IBR est avant tout destinée à éclairer les actionnaires et les partenaires financiers de l'entreprise, une « bonne » IBR doit également déboucher sur des recommandations ou des plans d'actions fournissant une valeur ajoutée significative pour permettre à l'entreprise de s'améliorer en terme de cash management.
Par Fabrice Keller, Managing Director, Département Restructuring, DUFF & PHELPS
Retrouvez toute l'actualité du cash management dans notre magazine en ligne Global Treasury News
www.globaltreasurynews.com
L'IBR a pour but de donner un éclairage sur la situation financière réelle de l'entreprise, lorsqu'il existe un doute sur la capacité de celle-ci à faire face à ses échéances ou à respecter ses covenants, et que des négociations sont à prévoir. Elle s'adresse à toutes les parties prenantes à ces négociations, à savoir : les actionnaires (et en particulier les fonds de private equity dans le cas de LBO), les créanciers (mezzaneurs, banquiers senior, banquiers d'exploitation), les mandataires de justice (mandataires ad hoc, conciliateurs), qui, le cas échéant, pourront être appelés à conduire des négociations amiables, et enfin le management.
Tous ces acteurs, quelque soit leur position dans le cadre des négociations, on en effet absolument besoin d'avoir une réponse fiable aux questions suivantes, qui conditionnent leur appréciation de la situation et leur prise de décision :
S'agit-il d'un « simple » problème de covenants, faut-il réaménager les échéances de la dette, faut-il injecter de la new money ?
En cas de besoin de financements complémentaires, s'agit-il d'un problème de BFR, d'un problème d'exploitation passager, d'un problème d'exploitation structurel ?
Existe-t-il des leviers permettant de réduire le besoin de trésorerie de l'entreprise et donc de limiter les efforts à consentir (amélioration du cash management, réduction du BFR, obtention de financements sur actifs, cession d'actifs non stratégiques…)
En cas de problème d'exploitation structurel, quelles mesures de restructuration peuvent-elles être envisagées, à quel coût, et dans quel calendrier ?
Quelles sont les perspectives de " retour sur investissement " en cas de nécessité de new money (c'est-à-dire quelles sont les perspectives de rentabilité et de cash flow, à terme, de l'entreprise, une fois restructurée le cas échéant).
Quelles sont les capacités internes de l'entreprise à assurer le suivi et l'optimisation de la trésorerie, et à mettre en œuvre les éventuelles mesures de restructuration nécessaires ?
AU CŒUR DE LA PROBLEMATIQUE : LE CASH
Ainsi, la valeur ajoutée d'une IBR repose sur sa capacité à donner un éclairage exact sur la situation de trésorerie de l'entreprise, actuelle et prévisionnelle. Or cela n'a rien d'évident, pour les raisons suivantes : il ne faut pas sous-estimer le degré d'expertise nécessaire à la bonne compréhension de la situation de cash d'une entreprise, en particulier en période de crise.
L'analyse pertinente de la trésorerie d'une entreprise nécessite un niveau technique élevé, dans la mesure où elle s'appuie sur les expertises suivantes : (1) une parfaite compréhension de l'exploitation de l'entreprise, de son compte de résultat et de son bilan (on peut maîtriser le compte de résultat de l'entreprise sans comprendre son cash flow, mais l'inverse n'est pas vrai), (2) un maîtrise des problématiques liées au besoin en fonds de roulement (saisonnalité, cas particulier des contrats à long terme, évolution des conditions de règlement, remises de fin d'année, etc…), (3) une maîtrise des financements sur actifs d'exploitation (factoring, dailly…) et (4) des capacités de modélisation élevées.
En période de crise, la difficulté technique est encore augmentée, dans la mesure où les paramètres ont tendance à sortir du cadre de la « normativité », voire à s'affoler complètement.
Les entreprises sont souvent sous-équipées en terme de cash management, y compris les entreprises sous LBO.
Il ressort de notre expérience que la grande majorité des entreprises sont difficilement capables aujourd'hui d'exercer un suivi précis de leurs besoins de trésorerie lorsque l'horizon dépasse 2 ou 3 mois.
C'est particulièrement vrai des entreprises sous LBO. Cela peut paraître contre-intuitif au premier abord, dans la mesure où la structure même du LBO doit mettre la trésorerie de l'entreprise « sous tension », et donc inciter à optimiser le cash management. Mais cela s'explique lorsque l'on se replace dans le contexte des années ayant précédé la crise de 2008, au cours desquelles l'accès à l'endettement était très facile : les entreprises sous LBO disposaient alors souvent de lignes de dette confortables, qui fournissaient une marge de manœuvre suffisante pour ne pas rendre nécessaire un suivi précis de la trésorerie (d'autant plus qu'un tel suivi nécessite des profils très expérimentés, comme expliqué plus haut, et donc rares sur le marché du travail).
Le problème, c'est qu'avec la crise l'accès à l'endettement s'est brutalement fermé, et qu'il est devenu nécessaire de naviguer au plus près. Or beaucoup d'entreprises n'ont pas pu s'adapter à temps.
UNE IBR DOIT ÊTRE PLUS QU'UNE DUE DILIGENCE
Si le terme « due diligence » recouvre en fait des réalités très différentes en fonction des contextes et des équipes de conseil impliquées, nous faisons ici référence aux due diligences d'acquisition telles qu'elles s'étaient généralisées dans le cadre de LBO dans les années précédant la crise de 2008.
Ces due diligences avaient les caractéristiques suivantes : (1) le travail était réalisé largement « en chambre », c'est-à-dire en dehors de l'entreprise, (2) le travail consistait de fait en une compilation et une analyse de données financières transmises par le management de l'entreprise, (3) les analyses se concentraient essentiellement sur l'EBITDA, le cash flow faisant l'objet de travaux très généraux centrés sur une approche du BFR normatif et sur les CAPEX.
Or notre expérience nous indique clairement qu'une « bonne » IBR nécessite des méthodes de travail très différentes :
Intervention des équipes de conseil au sein de l'entreprise
Les équipes de conseil doivent être au contact non seulement du management, mais aussi des opérationnels détenteurs de l'information. Elles doivent pouvoir réaliser elles-mêmes les analyses que l'entreprise n'est pas en mesure de faire, ce qui nécessite un accès direct à toutes les informations opérationnelles ou de gestion.
Travaux centrés sur le cash
Comme indiqué précédemment, le cash doit être au cœur de la problématique de l'IBR. Cela ne veut pas dire qu'il faille se désintéresser de l'EBITDA et de la rentabilité, bien au contraire. Mais « qui peut le plus peut le moins » : la compréhension de la trésorerie nécessite la compréhension de l'EBITDA, ce qui n'est pas vrai en sens inverse. Il faut également garder à l'esprit qu'en période de crise, la « normativité » du BFR devient une notion toute relative.
Valeur ajoutée opérationnelle pour l'entreprise
Si une IBR est avant tout destinée à éclairer les actionnaires et les partenaires financiers de l'entreprise, une « bonne » IBR doit également déboucher sur des recommandations ou des plans d'actions fournissant une valeur ajoutée significative pour permettre à l'entreprise de s'améliorer en terme de cash management.
Par Fabrice Keller, Managing Director, Département Restructuring, DUFF & PHELPS
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