A la fois le contenu et le contenant sont open source : en licence GPL pour le logiciel et GFDL pour les articles. A l'occasion du European IT Forum organisé par IDC, Jimmy Wales considère que Wikipedia peut se décliner dans d'autres domaines. Le modèle Wikipedia est-il applicable au monde de l'entreprise, par exemple pour des projets de gestion de la connaissance ou de relations avec les clients ?
Microsoft avec Encarta, puis Wikipedia
Sans remonter jusqu'au projet de Diderot et des encyclopédistes, on se rappelle la récente histoire des deux principales encyclopédies – Encyclopedia Universalis et Encyclopedia Britannica. Elles ont dû, dans un premier temps, affronter l'assaut de Microsoft. Avec l'arrivée des nouvelles technologies, Microsoft a pu fournir une encyclopédie sur CD-ROM, certes beaucoup moins complète et pointue, mais largement suffisante pour une grande majorité des utilisateurs dont la motivation première est d'exhiber les gros volumes dans leur bibliothèque. Les deux ténors du marché de l'encyclopédie ont souffert de cette vague concurrentielle. Microsoft a appuyé un peu plus fort avec Internet en proposant en plus l'accès au contenu mis à jour moyennant un forfait.
L'arrivée de Wikipedia a remis une nouvelle fois les pendules à l'heure en offrant un accès gratuit et ouvert à tous. Un premier projet baptisé Nupedia utilisait les technologies du Web, mais fonctionnait de manière relativement traditionnelle : rédaction du contenu par des experts et mise en place d'un mécanisme peer-to-peer de relecture et de validation des articles. En 2001, sous l'impulsion de Jimmy Wales, a été lancé le projet Wikipedia tel qu'on le connaît aujourd'hui, utilisant les technologies de l'Internet mais basée sur des principes radicalement différents : ouverture maximale au niveau de la contribution et de l'accès au contenu, validation collaborative. Cinq ans après, le résultat est plutôt étonnant. La version anglaise réunit quelque 1,5 million articles. 10 versions linguistiques ont dépassé le seuil des 100 000 articles, 48 celui des 10 000 et 107 celui des 1000 articles. En cumulant toutes les langues, ce sont près de 5 millions d'articles qui sont ainsi accessibles en ligne depuis n'importe quel PC doté d'un navigateur et d'une connexion Internet.
17e site au niveau mondial
Selon le cabinet Alexa.com, les résultats sont plutôt impressionnants : Wikipedia est le 17e site Web le plus visité au monde, le 7e en Allemagne, le 17e au Japon ; Plus d'internautes différents visitent ce site que ceux de CNN et BBC réunit : 48 650 par million d'internautes contre 41 000 pour BBC et CNN. Tout cela a été atteint avec des moyens plutôt modeste : Wikipedia utilise avec une équipe de 5 personnes rémunérées. Jimmy Wales, qui dit avoir gagné assez d'argent pour supporter sa famille pour le reste de sa vie, est lui-même bénévole.
La version française a été lancée après les versions anglaises et allemandes et est aujourd'hui la troisième en nombre d'articles. Mais, si le rythme de progression se maintient, elle devrait être dépassée par la version polonaise d'ici un an. « Les Français se sont ému du plombier polonais, ils devraient aussi surveiller les wikipédistes polonais », lance en forme de boutade, Jimmy Wales.
Et la qualité ?
Comment garantir un niveau de qualité relativement homogène sur toutes les publications ? Question difficile à laquelle il n'est pas possible de répondre par un acte de foi dans le travail collaboratif. Le magazine Nature a procédé il y a quelques mois à une étude visant à faire relire en aveugle des articles par des experts pour comparer le niveau de qualité de Wikipedia et de l'Encyclopedia Universalis. Le premier affichait 2,92 erreurs par article, le second 3,86. Est-ce là un écart suffisant justifiant l'acquisition d'une encyclopédie payante ? Pas sûr. Mais l'autre problème, plus important, est celui du contrôle sur les modifications et des possibles malversations. L'on se souvient l'épisode de John Seignethalter qui a certes entaché la crédibilité de l'encyclopédie, mais plutôt dopé le nombre des consultations. « C'est une vraie question, insiste Jimmy Wales, mais nous ne la traitons pas au jour le jour, mais sur le long terme ».
« Nous avons vécu trois périodes en ce qui concerne le filtrage collaboratif », explique Jimmy Wales, toute basée sur une grande ouverture. La première consistait à protéger les articles qui avaient fait l'objet de modifications douteuses. La seconde impose aux contributeurs d'être enregistrés depuis plus de quatre jours. La troisième, qui est en cours d'expérimentation sur la version allemande, consiste à baliser la dernière version d'un article considéré comme validée. « Nous sommes passés d'un modèle où l'on contrôle l'accès à un autre où tout le monde doit rendre compte de ses actes », poursuit Jimmy Wales.
Wikipedia dans l'entreprise : pour quoi faire ?
Wikipedia est-il applicable au monde de l'entreprise ? Peut-être être utilisée pour bâtir une base de connaissance. Parmi les projets lancés par Jimmy Wales, Wikia est une déclinaison de Wikipedia qui vise à regrouper des communautés plus spécialisées sur des sujets particuliers. Parmi ceux-ci, on peut citer WikiTrains une encyclopédie sur les chemins de fer ou Muppet Wiki, une base de connaissance sur les Muppets qui regroupe plus de 10 000 articles. Ces encyclopédies thématiques s'autofinancent par des publicités fournies par Google. Qu'est-ce qui empêcherait de le faire dans des secteurs économiques ou à l'intérieur d'entreprises.
Sous certaines réserves et dans certains domaines
Les participants à la table ronde qui a suivi la présentation de Jimmy Wales ont quelque peu modéré son enthousiasme. D'abord, dans les entreprises, l'information se répartit sur un spectre allant du secret défense à une totale ouverture. Ensuite, certaines entreprises vivent de l'information qu'elles fournissent à leurs clients. Il n'est pas banal qu'IDC, qui se situe dans cette catégorie, ait invité Wikipedia qui ouvre l'accès à l'information gratuitement. « Quelqu'un doit payer pour avoir accès à certaines informations, considère Jim Ledbetter, senior business editor de Time Magazine Europe. La production d'information peut coûter très cher. Pour obtenir une interview avec Mahmoud Ahmadinejad, il nous a fallu travailler pendant neuf mois et faire intervenir de nombreuses personnes » (What War With Iran Would look like and how to avoid it, Time du 25 septembre 2006).
Dans certains domaines comme les relations avec les clients ou le support produit, les wikis comme les blogs sont particulièrement adaptés. On peut en faire l'expérience tous les jours en cherchant une information sur un problème d'informatique et en l'obtenant plus facilement via des moteurs de recherche et des communautés d'utilisateurs que via les manuels ou les sites des constructeurs ou des éditeurs de logiciels. « Les clients en savent plus sur les produits que les fournisseurs. Si vous n'écouter pas vos clients, vous n'aurez plus de clients », concluait Jimmy Wales sous forme d'avertissement.
Source : Guy Hervier de ITR Manager - http://www.itrmanager.com/
Microsoft avec Encarta, puis Wikipedia
Sans remonter jusqu'au projet de Diderot et des encyclopédistes, on se rappelle la récente histoire des deux principales encyclopédies – Encyclopedia Universalis et Encyclopedia Britannica. Elles ont dû, dans un premier temps, affronter l'assaut de Microsoft. Avec l'arrivée des nouvelles technologies, Microsoft a pu fournir une encyclopédie sur CD-ROM, certes beaucoup moins complète et pointue, mais largement suffisante pour une grande majorité des utilisateurs dont la motivation première est d'exhiber les gros volumes dans leur bibliothèque. Les deux ténors du marché de l'encyclopédie ont souffert de cette vague concurrentielle. Microsoft a appuyé un peu plus fort avec Internet en proposant en plus l'accès au contenu mis à jour moyennant un forfait.
L'arrivée de Wikipedia a remis une nouvelle fois les pendules à l'heure en offrant un accès gratuit et ouvert à tous. Un premier projet baptisé Nupedia utilisait les technologies du Web, mais fonctionnait de manière relativement traditionnelle : rédaction du contenu par des experts et mise en place d'un mécanisme peer-to-peer de relecture et de validation des articles. En 2001, sous l'impulsion de Jimmy Wales, a été lancé le projet Wikipedia tel qu'on le connaît aujourd'hui, utilisant les technologies de l'Internet mais basée sur des principes radicalement différents : ouverture maximale au niveau de la contribution et de l'accès au contenu, validation collaborative. Cinq ans après, le résultat est plutôt étonnant. La version anglaise réunit quelque 1,5 million articles. 10 versions linguistiques ont dépassé le seuil des 100 000 articles, 48 celui des 10 000 et 107 celui des 1000 articles. En cumulant toutes les langues, ce sont près de 5 millions d'articles qui sont ainsi accessibles en ligne depuis n'importe quel PC doté d'un navigateur et d'une connexion Internet.
17e site au niveau mondial
Selon le cabinet Alexa.com, les résultats sont plutôt impressionnants : Wikipedia est le 17e site Web le plus visité au monde, le 7e en Allemagne, le 17e au Japon ; Plus d'internautes différents visitent ce site que ceux de CNN et BBC réunit : 48 650 par million d'internautes contre 41 000 pour BBC et CNN. Tout cela a été atteint avec des moyens plutôt modeste : Wikipedia utilise avec une équipe de 5 personnes rémunérées. Jimmy Wales, qui dit avoir gagné assez d'argent pour supporter sa famille pour le reste de sa vie, est lui-même bénévole.
La version française a été lancée après les versions anglaises et allemandes et est aujourd'hui la troisième en nombre d'articles. Mais, si le rythme de progression se maintient, elle devrait être dépassée par la version polonaise d'ici un an. « Les Français se sont ému du plombier polonais, ils devraient aussi surveiller les wikipédistes polonais », lance en forme de boutade, Jimmy Wales.
Et la qualité ?
Comment garantir un niveau de qualité relativement homogène sur toutes les publications ? Question difficile à laquelle il n'est pas possible de répondre par un acte de foi dans le travail collaboratif. Le magazine Nature a procédé il y a quelques mois à une étude visant à faire relire en aveugle des articles par des experts pour comparer le niveau de qualité de Wikipedia et de l'Encyclopedia Universalis. Le premier affichait 2,92 erreurs par article, le second 3,86. Est-ce là un écart suffisant justifiant l'acquisition d'une encyclopédie payante ? Pas sûr. Mais l'autre problème, plus important, est celui du contrôle sur les modifications et des possibles malversations. L'on se souvient l'épisode de John Seignethalter qui a certes entaché la crédibilité de l'encyclopédie, mais plutôt dopé le nombre des consultations. « C'est une vraie question, insiste Jimmy Wales, mais nous ne la traitons pas au jour le jour, mais sur le long terme ».
« Nous avons vécu trois périodes en ce qui concerne le filtrage collaboratif », explique Jimmy Wales, toute basée sur une grande ouverture. La première consistait à protéger les articles qui avaient fait l'objet de modifications douteuses. La seconde impose aux contributeurs d'être enregistrés depuis plus de quatre jours. La troisième, qui est en cours d'expérimentation sur la version allemande, consiste à baliser la dernière version d'un article considéré comme validée. « Nous sommes passés d'un modèle où l'on contrôle l'accès à un autre où tout le monde doit rendre compte de ses actes », poursuit Jimmy Wales.
Wikipedia dans l'entreprise : pour quoi faire ?
Wikipedia est-il applicable au monde de l'entreprise ? Peut-être être utilisée pour bâtir une base de connaissance. Parmi les projets lancés par Jimmy Wales, Wikia est une déclinaison de Wikipedia qui vise à regrouper des communautés plus spécialisées sur des sujets particuliers. Parmi ceux-ci, on peut citer WikiTrains une encyclopédie sur les chemins de fer ou Muppet Wiki, une base de connaissance sur les Muppets qui regroupe plus de 10 000 articles. Ces encyclopédies thématiques s'autofinancent par des publicités fournies par Google. Qu'est-ce qui empêcherait de le faire dans des secteurs économiques ou à l'intérieur d'entreprises.
Sous certaines réserves et dans certains domaines
Les participants à la table ronde qui a suivi la présentation de Jimmy Wales ont quelque peu modéré son enthousiasme. D'abord, dans les entreprises, l'information se répartit sur un spectre allant du secret défense à une totale ouverture. Ensuite, certaines entreprises vivent de l'information qu'elles fournissent à leurs clients. Il n'est pas banal qu'IDC, qui se situe dans cette catégorie, ait invité Wikipedia qui ouvre l'accès à l'information gratuitement. « Quelqu'un doit payer pour avoir accès à certaines informations, considère Jim Ledbetter, senior business editor de Time Magazine Europe. La production d'information peut coûter très cher. Pour obtenir une interview avec Mahmoud Ahmadinejad, il nous a fallu travailler pendant neuf mois et faire intervenir de nombreuses personnes » (What War With Iran Would look like and how to avoid it, Time du 25 septembre 2006).
Dans certains domaines comme les relations avec les clients ou le support produit, les wikis comme les blogs sont particulièrement adaptés. On peut en faire l'expérience tous les jours en cherchant une information sur un problème d'informatique et en l'obtenant plus facilement via des moteurs de recherche et des communautés d'utilisateurs que via les manuels ou les sites des constructeurs ou des éditeurs de logiciels. « Les clients en savent plus sur les produits que les fournisseurs. Si vous n'écouter pas vos clients, vous n'aurez plus de clients », concluait Jimmy Wales sous forme d'avertissement.
Source : Guy Hervier de ITR Manager - http://www.itrmanager.com/