Au cours de l'année 2015, elle atteindra logiquement la barre symbolique des 100 %. « Et alors ? Diront certains. Les États-Unis sont déjà à plus de 100 % depuis 2011 et ils ne s'en plaignent pas outre mesure. Mieux, le Japon n'est-il pas à plus de 250 %, tout en restant la troisième puissance mondiale ? »
C'est bien là que réside le principal problème de la flambée de la dette : personne ne s'en inquiète vraiment. Certes, il faut reconnaître que rapporter le stock de dette publique au flux de création de richesses (c'est-à-dire le PIB) a peu de sens. En effet, que ce soit pour un ménage, une entreprise et a fortiori un État, il est normal que sa dette dépasse son revenu annuel, sinon il ne serait pas utile de s'endetter. De plus, la dette est souvent saine. Elle permet par exemple à un particulier d'acheter sa maison. S'il n'était pas possible de s'endetter, seuls des ménages très aisés seraient propriétaires. De même, une entreprise s'endette pour pouvoir investir et embaucher, de manière à se développer, gagner des parts de marché et générer du profit.
En revanche, ce qui est beaucoup plus problématique, c'est lorsque cette dette ne génère pas suffisamment de croissance, donc d'activité, de business ou encore de revenus, simplement pour assurer le paiement annuel des intérêts de la dette. Dans ce cas, pour payer ces derniers, il faut encore augmenter son endettement, qui devient alors explosif et se transforme en surendettement. Pis, cette situation finit par obliger le surendetté à vendre ses actifs, son patrimoine immobilier, voire ses propres biens, avec, en bout de course, la faillite.
Le problème n'est donc pas la dette, mais la capacité de l'endetté à la rembourser, c'est-à-dire à la rendre supportable. On parle alors de soutenabilité de la dette. À ce titre, les ménages, les entreprises et les États sont logés à la même enseigne. Certes, dans la mesure où l'horizon temporel des États est bien plus étendu que celui des ménages et des entreprises, il serait possible de laisser croire qu'ils n'obéissent pas à cette règle de bon sens. Comme disait l'économiste Keynes, inventeur du principe de la relance budgétaire, mis en musique pour la première fois après le krach de 1929 aux États-Unis : « à long terme, nous serons tous morts ». En revanche, les États perdureront. Au travers de cette analyse, certains ont cru déceler un blanc-seing pour pouvoir augmenter la dette publique indéfiniment. « Au diable l'avarice ! » nous disent-ils. Que l'État s'endette ! Augmentons les dépenses et faisons confiance aux générations futures pour assurer le « service après-vente ».
Ce comportement est évidemment irresponsable. D'abord pour les générations à venir, mais aussi pour celles qui doivent gérer l'explosion de la dette. Et c'est aujourd'hui notre cas. En effet, bien loin d'avoir contracté une dette soutenable, l'Etat français a dépensé sans compter, et surtout en toute inefficacité. Ainsi, en dépit de la faiblesse artificielle des taux d'intérêt des obligations d'Etat, la France ne parvient toujours pas à générer une croissance économique suffisamment forte pour assurer le paiement annuel de la charge d'intérêts de la dette publique. Et cela dure depuis huit ans !
Bien entendu, le gouvernement français préfère mettre l'accent sur la réduction du déficit public à 4 % du PIB en 2014. Seulement voilà, cette réduction a pu notamment s'obtenir grâce à la baisse des taux d'intérêt des obligations d'Etat. Sans cette dernière, le déficit public aurait été d'au moins 4,5 % du PIB. De plus, comme cela s'observe depuis l'après-guerre de façon ininterrompue, la dépense publique a continué d'augmenter : + 1,6 % en 2014, soit un total de 1 226,5 milliards d'euros, c'est-à-dire 57,2 % du PIB. Un autre record historique et presque mondial (seuls six pays dans le monde font plus que nous) dont on se serait bien passé.
Dans le même temps, les recettes fiscales n'ont progressé « que » de 1,5 %, confirmant que l'augmentation massive des taux d'imposition a limité l'activité économique, réduisant l'assiette fiscale et limitant de facto les rentrées dans les caisses de l'Etat.
Pour 2015, avec une croissance économique d'environ 0,8 %, une politique fiscale toujours prohibitive, le maintien d'un taux de chômage de l'ordre de 10,5 % et une nouvelle augmentation des dépenses publiques, le déficit public français continuera d'avoisiner les 4 % du PIB. Pire, avec la remontée probable des taux d'intérêt des obligations d'Etat, il pourrait atteindre les 4,5 %. De la sorte, la dette publique atteindra tranquillement les 100 % du PIB. La question reste simplement de savoir si les investisseurs utiliseront cet argument pour délaisser les obligations d'Etat, suscitant une hausse massive des taux longs et réactivant la crise de la dette.
Jusqu'à présent, et dernièrement grâce au soutien actif de la BCE, les marchés sont restés aveuglés, refusant d'admettre l'évidence. Rappelons-nous que cela a aussi été le cas pour les taux d'intérêt de la dette grecque de 2001 à 2010. Et, puis, un jour, ils ont enfin ouvert les yeux et ces derniers ont flambé jusqu'à 40 %. Les taux français devraient évidemment éviter de tels sommets, mais une remontée aux alentours des 2,5 % paraît inévitable d'ici le début 2016.
Plus que jamais, il faut donc fuir les obligations du Trésor français si l'on veut éviter de prendre une douche particulièrement froide et destructrice. Car, cessons de nous voiler la face : un krach obligataire apparaît inévitable d'ici la fin 2015.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
C'est bien là que réside le principal problème de la flambée de la dette : personne ne s'en inquiète vraiment. Certes, il faut reconnaître que rapporter le stock de dette publique au flux de création de richesses (c'est-à-dire le PIB) a peu de sens. En effet, que ce soit pour un ménage, une entreprise et a fortiori un État, il est normal que sa dette dépasse son revenu annuel, sinon il ne serait pas utile de s'endetter. De plus, la dette est souvent saine. Elle permet par exemple à un particulier d'acheter sa maison. S'il n'était pas possible de s'endetter, seuls des ménages très aisés seraient propriétaires. De même, une entreprise s'endette pour pouvoir investir et embaucher, de manière à se développer, gagner des parts de marché et générer du profit.
En revanche, ce qui est beaucoup plus problématique, c'est lorsque cette dette ne génère pas suffisamment de croissance, donc d'activité, de business ou encore de revenus, simplement pour assurer le paiement annuel des intérêts de la dette. Dans ce cas, pour payer ces derniers, il faut encore augmenter son endettement, qui devient alors explosif et se transforme en surendettement. Pis, cette situation finit par obliger le surendetté à vendre ses actifs, son patrimoine immobilier, voire ses propres biens, avec, en bout de course, la faillite.
Le problème n'est donc pas la dette, mais la capacité de l'endetté à la rembourser, c'est-à-dire à la rendre supportable. On parle alors de soutenabilité de la dette. À ce titre, les ménages, les entreprises et les États sont logés à la même enseigne. Certes, dans la mesure où l'horizon temporel des États est bien plus étendu que celui des ménages et des entreprises, il serait possible de laisser croire qu'ils n'obéissent pas à cette règle de bon sens. Comme disait l'économiste Keynes, inventeur du principe de la relance budgétaire, mis en musique pour la première fois après le krach de 1929 aux États-Unis : « à long terme, nous serons tous morts ». En revanche, les États perdureront. Au travers de cette analyse, certains ont cru déceler un blanc-seing pour pouvoir augmenter la dette publique indéfiniment. « Au diable l'avarice ! » nous disent-ils. Que l'État s'endette ! Augmentons les dépenses et faisons confiance aux générations futures pour assurer le « service après-vente ».
Ce comportement est évidemment irresponsable. D'abord pour les générations à venir, mais aussi pour celles qui doivent gérer l'explosion de la dette. Et c'est aujourd'hui notre cas. En effet, bien loin d'avoir contracté une dette soutenable, l'Etat français a dépensé sans compter, et surtout en toute inefficacité. Ainsi, en dépit de la faiblesse artificielle des taux d'intérêt des obligations d'Etat, la France ne parvient toujours pas à générer une croissance économique suffisamment forte pour assurer le paiement annuel de la charge d'intérêts de la dette publique. Et cela dure depuis huit ans !
Bien entendu, le gouvernement français préfère mettre l'accent sur la réduction du déficit public à 4 % du PIB en 2014. Seulement voilà, cette réduction a pu notamment s'obtenir grâce à la baisse des taux d'intérêt des obligations d'Etat. Sans cette dernière, le déficit public aurait été d'au moins 4,5 % du PIB. De plus, comme cela s'observe depuis l'après-guerre de façon ininterrompue, la dépense publique a continué d'augmenter : + 1,6 % en 2014, soit un total de 1 226,5 milliards d'euros, c'est-à-dire 57,2 % du PIB. Un autre record historique et presque mondial (seuls six pays dans le monde font plus que nous) dont on se serait bien passé.
Dans le même temps, les recettes fiscales n'ont progressé « que » de 1,5 %, confirmant que l'augmentation massive des taux d'imposition a limité l'activité économique, réduisant l'assiette fiscale et limitant de facto les rentrées dans les caisses de l'Etat.
Pour 2015, avec une croissance économique d'environ 0,8 %, une politique fiscale toujours prohibitive, le maintien d'un taux de chômage de l'ordre de 10,5 % et une nouvelle augmentation des dépenses publiques, le déficit public français continuera d'avoisiner les 4 % du PIB. Pire, avec la remontée probable des taux d'intérêt des obligations d'Etat, il pourrait atteindre les 4,5 %. De la sorte, la dette publique atteindra tranquillement les 100 % du PIB. La question reste simplement de savoir si les investisseurs utiliseront cet argument pour délaisser les obligations d'Etat, suscitant une hausse massive des taux longs et réactivant la crise de la dette.
Jusqu'à présent, et dernièrement grâce au soutien actif de la BCE, les marchés sont restés aveuglés, refusant d'admettre l'évidence. Rappelons-nous que cela a aussi été le cas pour les taux d'intérêt de la dette grecque de 2001 à 2010. Et, puis, un jour, ils ont enfin ouvert les yeux et ces derniers ont flambé jusqu'à 40 %. Les taux français devraient évidemment éviter de tels sommets, mais une remontée aux alentours des 2,5 % paraît inévitable d'ici le début 2016.
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