Seulement voilà, pour la deuxième fois de son histoire contemporaine (la première remontant à 2009), l'économie française affiche un glissement annuel négatif de ses prix à la consommation, en l'occurrence - 0,4 % en janvier (- 0,6 % dans la zone euro). Et ce n'est pas fini, car, pour les mois à venir, celui-ci continuera de baisser pour avoisiner les - 1 %, un niveau similaire à celui qui devrait prévaloir dans la zone euro.
Certes, il ne faut pas encore paniquer. Tout d'abord, parce que, hors énergie et produits alimentaires, le glissement annuel des prix reste positif à + 0,2 %. Autrement dit, de la même façon que l'inflation énergétique des années 2008 ou 2011 ne s'était pas traduite par une flambée des prix hors énergie, la déflation actuelle des matières premières n'engendre pas encore de déflation généralisée.
Ensuite, la baisse des prix peut également apparaître comme un bienfait dans la mesure où elle permet aux ménages de retrouver du pouvoir d'achat à court terme. Or, lorsque les prix s'ajustent aux revenus, c'est-à-dire à la baisse, les ménages consomment. Autrement dit, dans la mesure où les prix ont trop augmenté au cours des dix dernières années par rapport aux revenus des Français, leur repli actuel remet quelque peu les pendules à l'heure.
Pour autant, il ne faut pas s'emballer car la déflation n'est favorable qu'à court terme et seulement si elle est temporaire. A l'inverse, si la déflation s'installe, les entreprises subissent une baisse durable de leur chiffre d'affaires, donc de leurs marges, voire enregistrent des pertes, ce qui les oblige à réduire leurs coûts et notamment leur masse salariale. Dès lors, le chômage augmente, les salaires reculent, la consommation se replie, les entreprises ont encore plus de difficultés financières, d'où une nouvelle vague de licenciements… et le cercle pernicieux continue.
Et ce d'autant que les dettes publiques et privées sont élevées. Nous subissons donc aujourd'hui le retour de la « debt deflation ». Il s'agit de la catégorie de crise la plus grave, c'est-à-dire celle qui allie une bulle de la dette et une phase de déflation, donc de baisse des prix. Cette dernière génère trois principaux effets pernicieux.
Le premier est d'aggraver le coût réel de la dette. Ce dernier se mesure par le taux d'intérêt que l'on paie sur sa dette, duquel on soustrait l'inflation. Plus l'inflation est élevée, plus le taux réel est faible et plus le coût de la dette se réduit. À la rigueur, lorsque le taux d'inflation est supérieur au taux d'intérêt nominal, le taux réel est négatif et le coût de la dette est supporté par l'inflation. S'endetter revient donc à s'enrichir. À l'inverse, lorsque le taux d'inflation est négatif (nous sommes donc en déflation, comme aujourd'hui), le taux réel augmente, rendant de plus en plus difficile le remboursement de la dette.
C'est alors qu'intervient le deuxième effet pernicieux de la déflation. En effet, cette dernière est généralement engendrée par une situation d'excès d'offre par rapport à la demande. Or, si tel est le cas, l'offre, c'est-à-dire la production, s'ajuste à la baisse. Cela se traduit immanquablement par des destructions d'emplois, donc un affaissement des revenus, ce qui réduit encore la faculté des ménages à rembourser leurs emprunts.
D'où le troisième vice de la déflation, car si le coût de la dette augmente et que les revenus baissent, les acteurs économiques sont contraints de vendre leurs biens pour essayer de rembourser leurs emprunts. Ceci se traduit par une augmentation de l'offre, donc une aggravation de la déflation…
C'est exactement cette situation qui a prévalu lors du krach de 1929 et qui s'est installée au Japon depuis le début des années 1990 jusqu'à 2014. Or, comme nous l'ont montré ces deux catastrophes, lorsque la « debt deflation » commence, elle peut durer plus de vingt ans.
Au-delà de la baisse des cours des matières premières, nous subissons là le contrecoup des erreurs de la politique européenne des quinze dernières années. En effet, à force d'avoir voulu lutter contre une inflation imaginaire, les dirigeants eurolandais ont fini par casser la croissance structurelle de la zone euro, déjà affectée par la faible efficacité de la puissance publique et par la montée de la pression fiscale.
Et c'est bien cela qu'il faut faire comprendre à nos élites : une inflation de 3 % n'a jamais tué personne. Au contraire, elle permet aux entreprises de mieux répercuter l'augmentation des coûts sur les prix de vente, donc de maintenir un niveau appréciable de leur marge et des salaires qu'elles distribuent. De plus, un peu d'inflation incite les ménages à ne pas différer leurs achats mais, au contraire, à dépenser au plus vite. Une dynamique de la demande s'installe alors, créant plus d'emplois, donc plus de revenus et plus de consommation.
Soyons clairs : nous ne sortirons pas de la crise actuelle sans le retour d'une inflation autour des 3 %. Celle-ci permettra d'ailleurs de payer une partie des intérêts de la dette publique et de sortir la zone euro de sa crise existentielle. Car, sans le retour de la croissance et de l'inflation, la zone euro disparaîtra dans les trois années à venir.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Certes, il ne faut pas encore paniquer. Tout d'abord, parce que, hors énergie et produits alimentaires, le glissement annuel des prix reste positif à + 0,2 %. Autrement dit, de la même façon que l'inflation énergétique des années 2008 ou 2011 ne s'était pas traduite par une flambée des prix hors énergie, la déflation actuelle des matières premières n'engendre pas encore de déflation généralisée.
Ensuite, la baisse des prix peut également apparaître comme un bienfait dans la mesure où elle permet aux ménages de retrouver du pouvoir d'achat à court terme. Or, lorsque les prix s'ajustent aux revenus, c'est-à-dire à la baisse, les ménages consomment. Autrement dit, dans la mesure où les prix ont trop augmenté au cours des dix dernières années par rapport aux revenus des Français, leur repli actuel remet quelque peu les pendules à l'heure.
Pour autant, il ne faut pas s'emballer car la déflation n'est favorable qu'à court terme et seulement si elle est temporaire. A l'inverse, si la déflation s'installe, les entreprises subissent une baisse durable de leur chiffre d'affaires, donc de leurs marges, voire enregistrent des pertes, ce qui les oblige à réduire leurs coûts et notamment leur masse salariale. Dès lors, le chômage augmente, les salaires reculent, la consommation se replie, les entreprises ont encore plus de difficultés financières, d'où une nouvelle vague de licenciements… et le cercle pernicieux continue.
Et ce d'autant que les dettes publiques et privées sont élevées. Nous subissons donc aujourd'hui le retour de la « debt deflation ». Il s'agit de la catégorie de crise la plus grave, c'est-à-dire celle qui allie une bulle de la dette et une phase de déflation, donc de baisse des prix. Cette dernière génère trois principaux effets pernicieux.
Le premier est d'aggraver le coût réel de la dette. Ce dernier se mesure par le taux d'intérêt que l'on paie sur sa dette, duquel on soustrait l'inflation. Plus l'inflation est élevée, plus le taux réel est faible et plus le coût de la dette se réduit. À la rigueur, lorsque le taux d'inflation est supérieur au taux d'intérêt nominal, le taux réel est négatif et le coût de la dette est supporté par l'inflation. S'endetter revient donc à s'enrichir. À l'inverse, lorsque le taux d'inflation est négatif (nous sommes donc en déflation, comme aujourd'hui), le taux réel augmente, rendant de plus en plus difficile le remboursement de la dette.
C'est alors qu'intervient le deuxième effet pernicieux de la déflation. En effet, cette dernière est généralement engendrée par une situation d'excès d'offre par rapport à la demande. Or, si tel est le cas, l'offre, c'est-à-dire la production, s'ajuste à la baisse. Cela se traduit immanquablement par des destructions d'emplois, donc un affaissement des revenus, ce qui réduit encore la faculté des ménages à rembourser leurs emprunts.
D'où le troisième vice de la déflation, car si le coût de la dette augmente et que les revenus baissent, les acteurs économiques sont contraints de vendre leurs biens pour essayer de rembourser leurs emprunts. Ceci se traduit par une augmentation de l'offre, donc une aggravation de la déflation…
C'est exactement cette situation qui a prévalu lors du krach de 1929 et qui s'est installée au Japon depuis le début des années 1990 jusqu'à 2014. Or, comme nous l'ont montré ces deux catastrophes, lorsque la « debt deflation » commence, elle peut durer plus de vingt ans.
Au-delà de la baisse des cours des matières premières, nous subissons là le contrecoup des erreurs de la politique européenne des quinze dernières années. En effet, à force d'avoir voulu lutter contre une inflation imaginaire, les dirigeants eurolandais ont fini par casser la croissance structurelle de la zone euro, déjà affectée par la faible efficacité de la puissance publique et par la montée de la pression fiscale.
Et c'est bien cela qu'il faut faire comprendre à nos élites : une inflation de 3 % n'a jamais tué personne. Au contraire, elle permet aux entreprises de mieux répercuter l'augmentation des coûts sur les prix de vente, donc de maintenir un niveau appréciable de leur marge et des salaires qu'elles distribuent. De plus, un peu d'inflation incite les ménages à ne pas différer leurs achats mais, au contraire, à dépenser au plus vite. Une dynamique de la demande s'installe alors, créant plus d'emplois, donc plus de revenus et plus de consommation.
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