Pour autant, en dépit de ces facteurs de relativisation, la stratégie du gouvernement français qui consiste à se cacher derrière la méthode Coué est aujourd'hui rattrapée par la réalité. En effet, la nouvelle dégradation de la note française est tout simplement logique, ou encore « normale », pour reprendre un terme cher à François Hollande. Et pour cause : elle ne fait que sanctionner les multiplies échecs de la France en matière de réduction des déficits publics et de restauration d'une croissance durablement soutenue.
M. Ayrault a beau avancer que cette sanction « ne prend pas en compte toutes les réformes qui sont engagées », les chiffres de l'économie française sont sans appel : ratio dépenses publiques/PIB de 57,1 %, déficit public/PIB d'environ 4,5 % tant l'an passé que cette année et certainement l'an prochain, dette publique à près de 95 % du PIB et 100 % courant 2014, croissance proche de zéro, taux de chômage à 11,1 %...
Nous sommes donc très loin des promesses gouvernementales encore claironnées il y a quelques mois. Compte tenu de ces contre-performances et de l'écart entre les attentes et la réalité, la dégradation de S&P apparaît même conciliante. En fait, la note que mérite la France est plutôt A. Le gouvernement a beau critiqué la position de S&P, il sait très bien que cette dernière est restée conciliante à son égard.
Une question demeure alors : pourquoi les taux d'intérêt que paie l'Etat français sur sa dette restent si bas, en dépit de la piètre siutation économique hexagonale et de la décision de S&P ? La réponse est triple.
Primo, la France continue de bénéficier d'un traitement de faveur, a fortiori en comparaison des notes de ses partenaires eurolandais. Comme dirait Albert Einstein « tout est relatif », ou encore, comme le souligne la sagesse populaire « au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ». Autrement dit, la France reste soutenue par un « flight to quality » (un « afflux de capitaux vers la qualité ») non-négligeable.
Secundo, le marché obligataire au sens large, et français en particulier, demeure inondé de liquidités dans des proportions historiques. La décision de la BCE de baisser son taux refi le 7 novembre, soit un jour avant la dégradation de la note de la France, tombe d'ailleurs à pic pour couper l'herbe sous le pied à une forte augmentation des taux d'intérêt obligataires. On comprend dès lors beaucoup mieux la surprise créée hier par Mario Draghi, ainsi que la chute subite des marchés boursiers à partir de 16h, qui a complétement effacé la flambée qui a suivi la baisse du taux refi. La décision de S&P était évidemment connue par certains, qui ont ainsi pu faire un double aller-retour très lucratif sur les marchés boursiers.
Plus globalement, il est clair que si la BCE n'avait pas abaissé sa garde hier, la décision de S&P aujourd'hui aurait causé beaucoup plus de dégâts sur les taux longs, mais aussi sur les marchés boursiers. A l'évidence, Mario Draghi est non seulement le sauveur de la zone euro, mais aussi de la France. Le seul problème est que désormais ce « super-héros » n'a désormais plus d'arme…
Tertio, les agences de notation ne sont pas des modèles de crédibilité et leurs notes ont désormais beaucoup moins d'impact sur les marchés. En d'autres termes, leurs décisions sont déjà intégrées dans les cours et dans la mesure où elles sont toujours en retard sur les évènements économiques réels, leurs notes sont davantage utilisées pour valider une situation de fait que pour anticiper les évolutions à venir.
Faut-il pour autant en déduire que la France ne pâtira pas de cette nouvelle dégradation et ne subira que peu de conséquences concrètes ? Malheureusement non. En effet, la réponse du gouvernement français à cette dégradation selon laquelle tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes confirme que le déni de réalité reste la norme. Dès lors, si S&P a l'habitude de dégainer la première et de ce fait d'être moins crédible que son concurrent Moody's, ce dernier devrait également dégrader la note de la France dans les toutes prochaines semaines. C'est seulement à ce moment-là que les taux des obligations de l'Etat français commenceront à se tendre fortement.
L'investissement, la consommation et la croissance repartiront alors en nette baisse. Ce qui suscitera mécaniquement une augmentation du chômage et du déficit public. Une nouvelle vague de dégradation s'engagera alors, avec, à la clé, une intensification des tensions sur les taux d'intérêt obligataires et le cercle pernicieux continuera…
C'est bien là le problème numéro de la stratégie économique de la France : à force de tirer sur la corde elle finit par se casser. Car, que ce soit en terme ras-le-bol fiscale, de baisse du chômage et de réduction des déficits, le gouvernement ne cesse de promettre... et n'obtient que des résultats inverses à ceux qu'il avait annoncé. S'il est possible de passer l'éponge, une fois, deux fois, dix fois, tant les citoyens français que les investisseurs internationaux ne peuvent désormais plus souffrir de tels dérapages. Leurs sanctions risquent alors d'être proportionnelles à l'ampleur de leurs déceptions…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
M. Ayrault a beau avancer que cette sanction « ne prend pas en compte toutes les réformes qui sont engagées », les chiffres de l'économie française sont sans appel : ratio dépenses publiques/PIB de 57,1 %, déficit public/PIB d'environ 4,5 % tant l'an passé que cette année et certainement l'an prochain, dette publique à près de 95 % du PIB et 100 % courant 2014, croissance proche de zéro, taux de chômage à 11,1 %...
Nous sommes donc très loin des promesses gouvernementales encore claironnées il y a quelques mois. Compte tenu de ces contre-performances et de l'écart entre les attentes et la réalité, la dégradation de S&P apparaît même conciliante. En fait, la note que mérite la France est plutôt A. Le gouvernement a beau critiqué la position de S&P, il sait très bien que cette dernière est restée conciliante à son égard.
Une question demeure alors : pourquoi les taux d'intérêt que paie l'Etat français sur sa dette restent si bas, en dépit de la piètre siutation économique hexagonale et de la décision de S&P ? La réponse est triple.
Primo, la France continue de bénéficier d'un traitement de faveur, a fortiori en comparaison des notes de ses partenaires eurolandais. Comme dirait Albert Einstein « tout est relatif », ou encore, comme le souligne la sagesse populaire « au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ». Autrement dit, la France reste soutenue par un « flight to quality » (un « afflux de capitaux vers la qualité ») non-négligeable.
Secundo, le marché obligataire au sens large, et français en particulier, demeure inondé de liquidités dans des proportions historiques. La décision de la BCE de baisser son taux refi le 7 novembre, soit un jour avant la dégradation de la note de la France, tombe d'ailleurs à pic pour couper l'herbe sous le pied à une forte augmentation des taux d'intérêt obligataires. On comprend dès lors beaucoup mieux la surprise créée hier par Mario Draghi, ainsi que la chute subite des marchés boursiers à partir de 16h, qui a complétement effacé la flambée qui a suivi la baisse du taux refi. La décision de S&P était évidemment connue par certains, qui ont ainsi pu faire un double aller-retour très lucratif sur les marchés boursiers.
Plus globalement, il est clair que si la BCE n'avait pas abaissé sa garde hier, la décision de S&P aujourd'hui aurait causé beaucoup plus de dégâts sur les taux longs, mais aussi sur les marchés boursiers. A l'évidence, Mario Draghi est non seulement le sauveur de la zone euro, mais aussi de la France. Le seul problème est que désormais ce « super-héros » n'a désormais plus d'arme…
Tertio, les agences de notation ne sont pas des modèles de crédibilité et leurs notes ont désormais beaucoup moins d'impact sur les marchés. En d'autres termes, leurs décisions sont déjà intégrées dans les cours et dans la mesure où elles sont toujours en retard sur les évènements économiques réels, leurs notes sont davantage utilisées pour valider une situation de fait que pour anticiper les évolutions à venir.
Faut-il pour autant en déduire que la France ne pâtira pas de cette nouvelle dégradation et ne subira que peu de conséquences concrètes ? Malheureusement non. En effet, la réponse du gouvernement français à cette dégradation selon laquelle tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes confirme que le déni de réalité reste la norme. Dès lors, si S&P a l'habitude de dégainer la première et de ce fait d'être moins crédible que son concurrent Moody's, ce dernier devrait également dégrader la note de la France dans les toutes prochaines semaines. C'est seulement à ce moment-là que les taux des obligations de l'Etat français commenceront à se tendre fortement.
L'investissement, la consommation et la croissance repartiront alors en nette baisse. Ce qui suscitera mécaniquement une augmentation du chômage et du déficit public. Une nouvelle vague de dégradation s'engagera alors, avec, à la clé, une intensification des tensions sur les taux d'intérêt obligataires et le cercle pernicieux continuera…
C'est bien là le problème numéro de la stratégie économique de la France : à force de tirer sur la corde elle finit par se casser. Car, que ce soit en terme ras-le-bol fiscale, de baisse du chômage et de réduction des déficits, le gouvernement ne cesse de promettre... et n'obtient que des résultats inverses à ceux qu'il avait annoncé. S'il est possible de passer l'éponge, une fois, deux fois, dix fois, tant les citoyens français que les investisseurs internationaux ne peuvent désormais plus souffrir de tels dérapages. Leurs sanctions risquent alors d'être proportionnelles à l'ampleur de leurs déceptions…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
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