Elle s'est alors répandue dans de très nombreux secteurs d'activité : hôtellerie, musique, librairie, achats-ventes de tous types d'objet, rencontres, loisirs en tous genres, mais aussi banque, finance ou assurance… L'ubérisation est ainsi devenue la bannière générique de ce que l'on appelle l'économie collaborative ou participative. Mais peu importe la sémantique, car, au-delà des mutations technologiques qui l'ont rendu possible, l'une des principales origines de l'ubérisation réside dans le niveau trop élevé de la pression fiscale et des contraintes réglementaires. Ainsi, elle constitue un moyen de contourner ces obstacles qui sont autant de freins au dynamisme économique.
En d'autres termes, l'Ubérisation revient à créer une sorte de « paradis fiscal miniature ». Dans ce cadre, si le niveau de fiscalité qui pèse sur les entreprises et les ménages était abaissé, il est clair qu'un moindre engouement serait observé pour ce type « d'économie grise ». Il faut le reconnaître, ces services et ces emplois ne sont pas complètement considérés comme « parallèles », ce qui signifierait du « travail au noir », mais échappent tout de même en grande partie à l'impôt, d'où l'appellation de « travail gris ».
Ils suscitent donc beaucoup de difficultés : réduction des recettes fiscales pour les Etats, piètre sécurisation des services offerts aux clients, impossibilité de porter plainte en cas de non-respect du contrat, sans parler des arnaques en tous genres, également facilitées par la numérisation. Par exemple, il faut savoir qu'aujourd'hui à Paris, un grand nombre de « chauffeurs ubérisés » ne connaissent absolument pas la capitale. Pire, pour s'orienter ils se contentent de suivre un logiciel de navigation, avec, en option, le trajet le plus long… Attention donc aux vraies fausses bonnes affaires…
Bien entendu, ne soyons pas vieux-jeu : la nouvelle génération veut aller vite, consommer et offrir des services sans contrainte ni souci du lendemain. Pourquoi pas ? Evitons cependant de tomber dans le piège de la facilité et du tout numérique. Et si, en période de fort chômage, ces emplois « faciles » limitent la pauvreté, ils s'accompagnent également d'une certaine précarité. Dans ce cadre, si le marché du travail français demeure toujours aussi rigide, soi-disant pour protéger les salariés et lutter contre la précarité, alors l'ubérisation de l'économie ne cessera de se développer, avec à la clé une précarité encore plus grande !
En outre, pour qu'elle puisse produire des effets bénéfiques, cette « révolution numérique et participative » doit forcément passer par un processus de « destruction créatrice », les nouveaux emplois créés dépassant les destructions survenues dans les « anciens » secteurs d'activité. Cela suppose que la main-d'œuvre fasse preuve d'une grande mobilité géographique et sectorielle. Et pour cause : même si les GPS sont de plus en plus performants, on ne s'improvise pas chauffeur de taxi en cinq minutes. D'ailleurs, aux États-Unis, où les services participatifs existent depuis plus longtemps qu'en Europe, l'uberisation n'impacte pas sensiblement les statistiques de l'emploi et de la croissance. De plus, si la pression fiscale n'est pas réduite et que, ce faisant, l'ubérisation devient débridée, alors de plus en plus d'activités échapperont à l'impôt. La réduction des recettes de l'Etat augmentera encore les déficits publics et la précarité globale de l'économie française.
Il ne faut donc pas se tromper d'ennemi : l'ubérisation n'est pas un danger si elle est encadrée et contrôlée. Par contre, les principaux ennemis économiques restent une pression fiscale prohibitive et des conditions réglementaires trop contraignantes qui sont autant de facteur aggravant de l'ubérisation.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, comme toutes les nouveautés, celle-ci sera forcément accompagnée par une bulle financière, qui finira par exploser avec de nombreux dommages collatéraux. La preuve : si le chiffre d'affaires de la société Uber ne cesse de croître depuis sa création (atteignant 1,2 milliard en 2015), ses pertes ont avoisiné le milliard de dollars en 2015 et devraient se maintenir à ce niveau en 2016. Cela rappelle étrangement la bulle Internet des années 1998-2001 quand de nombreuses entreprises voyaient leur valorisation financière atteindre des niveaux vertigineux alors qu'elles accumulaient les pertes.
Bref, il ne faut pas confondre course à la taille et rentabilité. Autrement dit, le « business model » de la grande majorité des entreprises participatives est loin d'être optimal, ni même établi, avec beaucoup d'incertitudes pour leurs investisseurs et leurs clients. Autrement dit, oui, l'ubérisation et plus globalement la numérisation de l'économie sont de véritables révolutions. Elles correspondent notamment à la recherche d'une plus grande liberté économique et sociétale, avec moins de contraintes d'un point de vue hiérarchique, fiscale et réglementaire. Mais attention, elles ne constituent pas pour autant une panacée. Car la liberté ne doit pas s'obtenir au détriment de la sécurité, par exemple sanitaire (quid de l'hygiène ?), mais aussi financière (contre les fraudes et les mauvais payeurs), et bien sûr sociale (avec la prévoyance et la constitution d'une retraite).
Alors, avant de prendre un Uber, de louer un appartement par Airbnb ou encore de prêter de l'argent avec Lendingclub, assurez quand même vos arrières. Mieux vaut tenir que guérir. Comme quoi, même dans un monde qui change, certaines vérités sont intangibles…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
En d'autres termes, l'Ubérisation revient à créer une sorte de « paradis fiscal miniature ». Dans ce cadre, si le niveau de fiscalité qui pèse sur les entreprises et les ménages était abaissé, il est clair qu'un moindre engouement serait observé pour ce type « d'économie grise ». Il faut le reconnaître, ces services et ces emplois ne sont pas complètement considérés comme « parallèles », ce qui signifierait du « travail au noir », mais échappent tout de même en grande partie à l'impôt, d'où l'appellation de « travail gris ».
Ils suscitent donc beaucoup de difficultés : réduction des recettes fiscales pour les Etats, piètre sécurisation des services offerts aux clients, impossibilité de porter plainte en cas de non-respect du contrat, sans parler des arnaques en tous genres, également facilitées par la numérisation. Par exemple, il faut savoir qu'aujourd'hui à Paris, un grand nombre de « chauffeurs ubérisés » ne connaissent absolument pas la capitale. Pire, pour s'orienter ils se contentent de suivre un logiciel de navigation, avec, en option, le trajet le plus long… Attention donc aux vraies fausses bonnes affaires…
Bien entendu, ne soyons pas vieux-jeu : la nouvelle génération veut aller vite, consommer et offrir des services sans contrainte ni souci du lendemain. Pourquoi pas ? Evitons cependant de tomber dans le piège de la facilité et du tout numérique. Et si, en période de fort chômage, ces emplois « faciles » limitent la pauvreté, ils s'accompagnent également d'une certaine précarité. Dans ce cadre, si le marché du travail français demeure toujours aussi rigide, soi-disant pour protéger les salariés et lutter contre la précarité, alors l'ubérisation de l'économie ne cessera de se développer, avec à la clé une précarité encore plus grande !
En outre, pour qu'elle puisse produire des effets bénéfiques, cette « révolution numérique et participative » doit forcément passer par un processus de « destruction créatrice », les nouveaux emplois créés dépassant les destructions survenues dans les « anciens » secteurs d'activité. Cela suppose que la main-d'œuvre fasse preuve d'une grande mobilité géographique et sectorielle. Et pour cause : même si les GPS sont de plus en plus performants, on ne s'improvise pas chauffeur de taxi en cinq minutes. D'ailleurs, aux États-Unis, où les services participatifs existent depuis plus longtemps qu'en Europe, l'uberisation n'impacte pas sensiblement les statistiques de l'emploi et de la croissance. De plus, si la pression fiscale n'est pas réduite et que, ce faisant, l'ubérisation devient débridée, alors de plus en plus d'activités échapperont à l'impôt. La réduction des recettes de l'Etat augmentera encore les déficits publics et la précarité globale de l'économie française.
Il ne faut donc pas se tromper d'ennemi : l'ubérisation n'est pas un danger si elle est encadrée et contrôlée. Par contre, les principaux ennemis économiques restent une pression fiscale prohibitive et des conditions réglementaires trop contraignantes qui sont autant de facteur aggravant de l'ubérisation.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, comme toutes les nouveautés, celle-ci sera forcément accompagnée par une bulle financière, qui finira par exploser avec de nombreux dommages collatéraux. La preuve : si le chiffre d'affaires de la société Uber ne cesse de croître depuis sa création (atteignant 1,2 milliard en 2015), ses pertes ont avoisiné le milliard de dollars en 2015 et devraient se maintenir à ce niveau en 2016. Cela rappelle étrangement la bulle Internet des années 1998-2001 quand de nombreuses entreprises voyaient leur valorisation financière atteindre des niveaux vertigineux alors qu'elles accumulaient les pertes.
Bref, il ne faut pas confondre course à la taille et rentabilité. Autrement dit, le « business model » de la grande majorité des entreprises participatives est loin d'être optimal, ni même établi, avec beaucoup d'incertitudes pour leurs investisseurs et leurs clients. Autrement dit, oui, l'ubérisation et plus globalement la numérisation de l'économie sont de véritables révolutions. Elles correspondent notamment à la recherche d'une plus grande liberté économique et sociétale, avec moins de contraintes d'un point de vue hiérarchique, fiscale et réglementaire. Mais attention, elles ne constituent pas pour autant une panacée. Car la liberté ne doit pas s'obtenir au détriment de la sécurité, par exemple sanitaire (quid de l'hygiène ?), mais aussi financière (contre les fraudes et les mauvais payeurs), et bien sûr sociale (avec la prévoyance et la constitution d'une retraite).
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