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Vendredi 24 Février 2023
Anne-Laure Allain

Interview | Lucie-Éléonore Riveron, NFT Factory. « Avec la diffusion des NFT, nous allons passer d’un déterminisme lié à l’identité à une relation liée à nos actions : à nos possessions numériques »

Depuis octobre 2022, elle est la directrice générale de la NFT Factory. Elle est aussi la co-fondatrice de la maison de vente aux enchères, FauveParis. Elle ? C’est Lucie-Eléonore Riveron. 128 personnalités du monde de l’art, du WEB3, de l’investissement lui ont confié la mission, avec son équipe, de démocratiser les NFT et d’ouvrir son lieu au-delà des initiés pour fédérer une communauté et diffuser ses usages. Alors que Paris se met en ébullition autour du WEB3 via des événements majeurs comme NFT Paris, Virtuality Web3 Summit ou la Paris Blockchain Week ; alors qu’elle vient tout juste de recevoir la ministre de la Culture, Rima ABDUL MALAK pour lui présenter la NFT Factory, elle a accepté de se confier à Finyear.
Anne-Laure ALLAIN


Depuis le 22 octobre 2022, vous pilotez le lieu emblématique parisien dédié aux NFT qui fait face au centre Georges Pompidou à Paris, pouvez-vous nous donner votre définition d’un NFT ?

Un NFT, c’est la technologie liée à la blockchain qui permet d’être propriétaire d’un bien numérique Détenir un NFT, c’est détenir un certificat de propriété d’une œuvre, d’un objet numérique Le fichier numérique restant à 90 % off chain, donc duplicable à l’infini.
Lorsque vous achetez un NFT, vous n’achetez pas nécessairement les droits patrimoniaux qui en découlent. Cela dépend de ce que souhaite faire le créateur du NFT. Si on fait la comparaison avec l’art, c’est exactement comme dans la vie réelle. Une personne qui achète une œuvre d’art ne détient pas nécessairement les droits pour décliner cette œuvre sur des tee-shirts ou des tasses à café. Si elle souhaite le faire, elle devra, dans la plupart des cas, rediscuter avec l’artiste ou la galerie d’art. Autre parallèle avec l’art : la visibilité. Lorsque vous achetez un NFT, le fichier continue à être visible. Lorsque vous achetez une œuvre d’art dans le monde physique, vous pouvez tout à fait choisir de l’exposer dans un musée. En matière de NFT comme d’œuvres d’art, la diffusion ne s’oppose pas à la propriété.

Selon vous, ce serait pour tous ces « parallèles » dans l’usage que, les NFT se sont en premier diffusés dans le monde de l’art, de la création ?

En partie mais pas uniquement. Car avant les NFT, il n’y avait pas réellement de marché pour les œuvres numériques. Un artiste pouvait créer au travers d’une vidéo par exemple. Mais il était impossible pour lui de protéger la duplication de son œuvre sur des supports comme des DVD ou des clefs USB. Les NFT ont permis de renverser les choses. Le certificat de propriété est traçable sur la blockchain ce qui permet de contrôler la quantité d’exemplaires - unique ou limitée - ainsi que de suivre la transmission du titre. Grâce à ce suivi rendu possible par la technologie, vous créez de la rareté et une facilité dans le traçage des potentielles cessions. Vous permettez à ces œuvres d’art d’avoir de la valeur. Ainsi, les NFT ont permis, entre autres, la liquidité des œuvres d’art numériques.

Une possibilité de liquidité qui se développe bien au-delà du monde de l’art ?

Tout à fait ! Les possibilités sont infinies, on peut penser à la titrisation de l’immobilier, de holding d’investissement, de family office. Il y a énormément de projets existants ou en cours, sur ces possibilités offertes par les NFT.
Si le monde de la création s’en est emparé en premier c’est parce que la technologie a répondu à un besoin et qu’il y a eu un impact immédiat. La technologie blockchain est abstraite pour beaucoup de monde. Or, l’exposition des crypto-arts tout comme leur valorisation exponentielle a permis la médiatisation et un début de diffusion de la technologie auprès d’un plus large public.
Soulignons par ailleurs que, certains artistes ont créé un vrai mouvement en utilisant la blockchain en tant que medium de leur art. En comparaison, on assiste à une révolution aussi importante que celle insufflée par Marcel Duchamp.

Ne pensez-vous pas qu’il y a aussi un effet de mode ? Voire, de surenchère presque assimilable à de la spéculation ?

En matière de NFT, il est d’usage aujourd’hui de distinguer 5 catégories : Art, Utility, Gaming, Metavers et Collectible. Je pense que vous faites allusion à cette dernière catégorie connue pour ses Bored Apes Yacht Club (singes) ou ses CryptoPunks dont l’un d’entre eux vient de faire son entrée au centre Georges Pompidou.
Dans le cas des Collectibles, il s’agit de NFT conçus via un algorithme dans un nombre d’exemplaires limité. La valeur d’échange basée sur l’offre et la demande fonctionne à plein régime : certains exemplaires atteignent des valeurs parfois inimaginables.
Les pionniers qui ont acheté leur CryptoPunk ou leur Bored Ape en sont fiers. Certains l’exposent en tant que photo de profil. Ils forment une communauté et les marques l’ont bien compris. En marge du salon NFT Paris (les 24 et 25 février), vous avez, par exemple, une soirée dédiée aux détenteurs de CryptoPunks.
Adidas via son opération « Into the Metaverse » a vendu 30 000 NFT dont une partie était réservée aux propriétaires de Bored Apes...Etc

Émettre des NFT, cela équivaut à rassembler une communauté tout en offrant une expérience différenciante ?

Oui, il y a 1000 usages à imaginer des NFT ! Mais le grand public devrait se l’approprier d’abord, dans sa dimension marketing. À la NFT Factory, par exemple, nous avons émis 1000 NFT. Les détenteurs ont accès à des soirées ou à des formations spécifiques. J’aime aussi l’expérience offerte par le journal gratuit 20 Minutes. En Avril 2022, ils ont émis 999 NFT. Les détenteurs ont la possibilité de participer à l’élaboration d’une édition spéciale « 20Mint » dédiée au Web3.
La blockchain, utilisée de la sorte, oblige à repenser toute la segmentation marketing classique. Désormais, vous n’avez plus accès aux données personnelles de vos clients. Vous vous adressez à une communauté. Vous engagez des opérations non plus sur la base d’un fichier en fonction de l’âge ou du lieu de résidence, mais en fonction de leurs actions, ce qu’ils ont en dans leur portefeuille ou Wallet. Le tout, en accès libre sur la blockchain.

Cette nouvelle segmentation marketing en fonction des actions et non plus en fonction de l’identité bouleverse l’organisation des entreprises, et au-delà, peut-être, celle de la société ?

Exactement ! Les entreprises en BtoC doivent repenser leurs opérations ou leur façon de s’adresser à leurs clients sans posséder leurs données personnelles. Aujourd’hui, si Coca-Cola veut toucher les fidèles clients de Pepsi Cola, ils peuvent lancer une opération à destination des détenteurs de NFT Pepsi et ce, sans avoir à renseigner un fichier client marketing classique. L’organisation en interne pour le service marketing n’est donc plus la même. Idem dans la manière de traiter les données clients y compris dans les rapports financiers.
Par ailleurs, au fur et à mesure où l’usage va se diffuser, il est possible d’imaginer que les clients deviennent réticents à fournir leurs données personnelles. Nous allons passer d’un déterminisme lié à l’identité (âge, statut social, lieu de résidence...) à une relation liée à nos « actions » : à ce que nous possédons dans nos wallets.

Propos recueillis par Anne-Laure ALLAIN

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Interview | Lucie-Éléonore Riveron, NFT Factory. « Avec la diffusion des NFT, nous allons passer d’un déterminisme lié à l’identité à une relation liée à nos actions : à nos possessions numériques »
A propos de Lucie-Éléonore Riveron, CEO de la NFT Factory
Lucie-Eléonore Riveron dirige la NFT Factory, un lieu unique dédié aux NFT en plein cœur de Paris. Faire connaître les NFT au grand public, rassembler les acteurs et actrices du Web3, et construire l'écosystème qui permettra à la France de se hisser parmi les leaders mondiaux du domaine sont parmi les objectifs de cette initiative inédite portée par 128 co-fondateurs et co-fondatrices.
Diplômée de Sciences Po, ancienne étudiante aux Arts Décoratifs et aux Beaux-Arts de Paris, elle a auparavant co-fondé en 2014 et dirigé la maison de vente aux enchères FauveParis, qu'elle a engagé début 2022 dans la révolution NFT. FauveParis accepte les crypto-monnaies pour tout type d'œuvres d'art, et a organisé la première vente aux enchères physique de NFT crypto art en France en mars 2022.
A propos de la NFT Factory

Crédit Photo : Pierre-Louis Bertrand

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