PREAMBULE
De nombreuses entreprises françaises exportent leurs produits et/ou leurs services vers les pays de l'Union Européenne.
En cas d'impayé, la procédure d'exequatur est couramment employée. Cette procédure permet d'obtenir qu'une décision de justice rendue en France soit exécutable dans d'autres pays après accord de ces derniers.
Mais la disparité des coûts et des délais en matière de recouvrement des créances est de nature à décourager certains exportateurs qui préfèrent confier leurs créances directement à des avocats locaux ou à des organismes spécialisés.
D'une manière ou d'une autre, les résultats sont peu probants.
L'INJONCTION DE PAYER EN DROITS INTERNES
- 1 - L'EXEMPLE FRANÇAIS
Le décret n° 81-500 du 12 mai 1981 à instauré la procédure d'injonction de payer (articles 1405 à 1425 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;
Cette procédure à été complétée par le décret n° 88-209 du 4 mars 1988 instituant l'injonction de faire (articles 1425-1 à 1425-9 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;
Le Nouveau Code de Procédure Civile s'est enrichi ainsi de textes permettant d'apporter une solution simple, rapide et souvent efficace à bon nombre de litiges, tout leur donnant une issue judiciaire fiable basée sur la volonté des parties qui s'est matérialisée en la forme d' un support littéral laissé à l'appréciation du magistrat signataire de l'ordonnance qui fixe ainsi les droits des parties de manière pourtant unilatérale, sans pour autant priver le débiteur de ses droits élémentaires en défense.
En France, 110 000 entrepreneurs ont recours à cette procédure pour un montant moyen de créance de 5500 € (source : Greffe du tribunal de Commerce de Paris).
Les sommes dues doivent résulter :
- soit d'une cause contractuelle (contrat de vente...)
- soit d'une obligation de caractère statutaire (cotisations dues aux ordres professionnels, aux caisses de retraite, aux charges de copropriété...)
- soit d'une facture, d'une lettre de change, d'un billet à ordre ou d'un bordereau Dailly (art. 1405 NCPC).
Procédure :
La demande d'I.P. est portée, selon le cas, devant le tribunal d'instance, la juridiction de proximité ou devant le président du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d'attribution de ces deux juridictions.
Le juge territorialement compétent est celui du lieu où demeure le ou l'un des débiteurs poursuivis (cour d'appel de Chambéry, 2 e. ch. civ., 12 avril 2004). Toute clause contraire est réputée non écrite (art. 1406 NCPC).
Cette demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire (art. 1407 NCPC) qui n'a pas à prouver son mandat (cass 2e civ : Juris data n°2002-014972). Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu'il retient.
Si le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun.
Si le juge ne retient la requête que pour partie, sa décision est également sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à ne pas signifier l'ordonnance et à procéder selon les voies de droit commun (art. 1409 NCPC).
Une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance est signifiée [1] à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs.
L'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date (art. 1411 NCPC).
[1] La signification de l'ordonnance d'injonction de payer au(x) débiteur(s) est obligatoirement faite par ministère d'un Huissier de Justice,
Le débiteur peut s'opposer à l'ordonnance portant injonction de payer (art. 1412 NCPC)
A peine de nullité, l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, sommation d'avoir :
- soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
- soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.
Sous la même sanction, l'acte de signification :
- indique le délai dans lequel l'opposition doit être formée, le tribunal devant lequel elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;
- avertit le débiteur qu'il peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le créancier et qu'à défaut d'opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées (art. 1413 NCPC).
L'opposition est portée, suivant le cas, devant le tribunal d'instance, la juridiction de proximité qui a rendu l'ordonnance d'injonction de payer ou le tribunal de commerce dont le président a rendu l'ordonnance.
Elle est formée au greffe, soit par déclaration contre récépissé, soit par lettre recommandée (art. 1415 NCPC).
L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance. Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur (art. 1416 NCPC).
En l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 à 405. L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement (art. 1422 NCPC).
- 2 - LES MODELES EUROPEENS
La plupart des États de l'Union européenne disposent d'une procédure d'injoncton de payer. Mais les nombreuses spécificités nationales rendent complexe la mise en place d'un dispositif commun.
Selon une étude réalisée par le Greffe du TC de Paris, ""l'une des grandes différences concerne l'exigence d'éléments de preuve joints par le créancier au dossier de procédure ainsi que le nombre de voies de recours.
Le modèle "avec preuve" en vigueur en Belgique, en France, en Espagne, en Grèce, en Italie et au Luxembourg, requiert au moins une preuve écrite pour justifier la créance. En Espagne, en France, en Grèce et en Italie, une seule voie de recours permet de contester la créance, en raison du contrôle juridictionnel approfondi du fond de la requête.
Le modèle "sans preuve" en vigueur en Allemagne, Autriche, Finlande, Portugal et Suède, ne prévoit par d'examen au fond de la cause de la créance par la juridiction. Seul un contrôle formel de la requête est effectué, en général par le greffier. Néanmoins, en Autriche, une législation adoptée en 2003 impose un examen rapide du fond de la demande. Afin de protéger les droits du défendeur, ces États mettent souvent à sa disposition deux voies de recours. L'Autriche et le Portugal ont opté pour une voie de recours unique afin de garantir la rapidité des décisions.
Des singularités nationales apparaissent également quant aux montants visés par l'injonction de payer. L'Autriche, la Belgique, l'Espagne et le Portugal plafonnent le montant de la créance, 1 850 € en Belgique et 30 000 € en Autriche et en Espagne. L'Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg et la Suède ne fixent aucune limitation. Au Luxembourg la "provision sur requête" est mise en oeuvre pour les créances dont le montant est supérieur à 10 000 €.
D'autres modalités enfin, liées à la compétence territoriale, à la délivrance de la décision, et au délai d'exercice de la voie de recours, différencient les procédures d'injonction de payer nationales. Ainsi, la grande majorité des États donne compétence à la juridiction du défendeur. Cependant, l'Allemagne donne compétence à la juridiction du domicile du plaignant car ce choix facilite la procédure pour les créanciers. Le délai d'exercice de la voie de recours à l'encontre de la requête en injonction de payer à l'issue de laquelle la décision devient définitive, varie d'une semaine à 60 jours selon les États. Le délai requis en Allemagne, en Belgique, en Finlande, en Grèce, au Luxembourg et au Portugal, est de 14 ou 15 jours. En Autriche et en France, les délais sont respectivement de 4 semaines et 1 mois. Dernier point sur la signification des décisions, on observe une forte hétérogénéité en Europe, avec des exigences allant du simple envoi postal, sans accusé de réception, jusqu'à la signification par huissier.
Ce bref tour d'horizon des principales disparités nationales, incite à s'interroger sur la convergence des positions nationales à l'issue des négociations en cours. Rappelons que le projet de règlement initial de 2004 était d'inspiration allemande, c'est à dire une procédure sans preuve, informatisée, adressée au greffier, sans intervention du juge et prévoyant deux recours. La dernière version du règlement datée du 7 février 2006 (COM 2006 – 57 final), présente des dispositions très éloignées de la proposition initiale.
Tout d'abord, le champ de la procédure d'injonction de payer européenne (IPE) décrite dans la proposition de règlement modifié est restreint aux procédures transfrontières.
La compétence juridictionnelle prévue par cette nouvelle proposition est celle du domicile du défendeur. Par exemple, dans le cas d'un demandeur français face à un défendeur établi aux Pays-Bas, le droit applicable est le droit de l'Etat d'exécution (article 21 et article 5.2 du Règlement), en l'occurrence le droit néerlandais.
Dans ce cas, l'IPE devra être signifiée ou notifiée conformément au droit national de l'Etat requis (article 14), selon les moyens prévus aux articles 13 et 14 sur la signification et la notification. Ces moyens sont très nombreux et variés dans le règlement de manière à couvrir l'ensemble des moyens existants actuellement dans les Etats membres. Ils vont du simple dépôt dans la boîte aux lettres du défendeur, à la signification par voie d'huissier ou à l'envoi par moyen électronique.
Dans le cas d'une injonction en provenance de France, cette dernière devra donc répondre aux exigences suivantes :
- Etre signifiée ou notifiée conformément au droit national de l'Etat requis (article 14). La procédure sera standardisée au moyen d'un formulaire type (article 30). Le demandeur pourra effectuer lui-même ces opérations.
- Il n'est pas nécessaire que l'acte soit traduit (article 21). On peut cependant penser que l'efficacité emportera vraisemblablement cette solution.
- De même, la représentation par un avocat ou autre professionnel du droit n'est pas obligatoire (article 24). A nouveau, on peut penser que l'efficacité pourra commander le recours à un auxiliaire de justice.
Le modèle retenu dans la proposition de règlement modifiée est un compromis entre le mode sans preuve et avec preuve. Ce "grand écart juridique" (considérants 12 et 13 et article 8e de la proposition de règlement) est du à l'obligation d'assortir la requête d'une description des éléments de preuve étayant la créance.
Là encore, la proposition de règlement modifiée n'a pas harmonisé ce qui pourrait composer ces éléments de preuve, afin d'éviter un éventuel blocage inhérent à la forte disparité des législations nationales en la matière. Reste à souhaiter que le pays d'exécution ne rejette pas des éléments de preuve agréés par le pays du demandeur.
Le recours à un huissier se fera en conformité avec la législation du pays d'exécution. Dans le cas des Pays-Bas, il faudra se référer aux procédures de signification ou de notification hollandaises : ces procédures autorisent-elles ou non le recours à un huissier de justice, par exemple ? En outre, le Règlement ne traite pas la question du choix de cet auxiliaire de justice, ce choix reste à l'appréciation du demandeur, sous réserve de respecter les dispositions du pays requis en matière de signification ou de notification.
Pour conclure, l'actuel projet de règlement semble laisser une grande flexibilité tant dans la saisine - avec auxiliaire de justice ou non, que dans le choix du matériel de preuve, ou encore dans le choix de la langue – traduction requise ou non. Ce dernier point ne sera pas sans impact sur le coût de la procédure d'injonction de payer européenne, dont la fixation du tarif est laissée à la compétence des Etats"".
L'INJONCTION DE PAYER EUROPEENNE
Le Parlement européen et le Conseil ont adopté, le 12 décembre dernier, un règlement instituant une procédure européenne d'injonction de payer (réglement CE n° 1896/2006 - JO n° L 399 du 30/12/2006 p. 0001 - 0032).
Ce texte n'a pas pour vocation de substituer aux procédures internes une procédure unique et uniforme au niveau européen. L'objectif est clairement indiqué, il s'agit :
"a) de simplifier, d'accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d'injonction de payer ; b) d'assurer la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l'ensemble des États membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l'État membre d'exécution préalablement à la reconnaissance et à l'exécution. Ce règlement n'empêche pas le demandeur de faire valoir une créance... en recourant à une autre procédure prévue par le droit d'un État membre ou par le droit communautaire" (art. 1er. du règlement).
Le règlement prévoit les conditions dans lesquelles la demande d'injonction de payer européenne devra être formée, en indiquant notamment toutes les mentions que doit comporter la requête. L'accomplissement de chacune des étapes de la procédure est largement facilité par l'utilisation des formules-types annexées au Règlement.
Ce projet fut officiellement initié le 20 décembre 2002 par l'élaboration du livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance. Depuis cette date, les États de l'Union européenne se sont exprimés et le projet de règlement originel (E2553 - COM (2004) 173 final du 19/03/2004) a subit de profondes modifications.
Le règlement contient également les modalités selon lesquelles la décision prononçant l'injonction de payer européenne doit être portée à la connaissance du débiteur. Sur ce point, il est de plus opéré un renvoi au Règlement (CE) nº 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (JO n° L 160 du 30/06/2000 p. 0037 - 0052) tendant à garantir le respect d'un minimum de règles procédurales protectrices du débiteur dans ces matières.
Cette procédure européenne n'est qu'une première étape vers une organisation des procédures d'exécution transfrontalières au niveau communautaire. Le texte, par son esprit et par les techniques mises en place, se rapproche en effet sensiblement du Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 (JO n° L 143 du 30/04/2004 p. 0015 - 0039) portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées [1].
[1] Voir aussi Règlement (CE) n° 1869/2005 de la Commission du 16 novembre 2005 (JO n° L 300 du 17/11/2005 p. 0006 - 0018) remplaçant les annexes du règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.
SYNTHÈSE REALISEE PAR :
Serge KAUDER.
Juriste.
Chroniqueur juridique et judiciaire.
Conseiller Technique en matière de Police Privée.
Président Directeur Général du Groupe KSI s.a.
Reproduction et diffusion strictement interdite - Droits d'usagestrictement personnel © KSI - 2000 à 2007 - Tous droits réservés -
De nombreuses entreprises françaises exportent leurs produits et/ou leurs services vers les pays de l'Union Européenne.
En cas d'impayé, la procédure d'exequatur est couramment employée. Cette procédure permet d'obtenir qu'une décision de justice rendue en France soit exécutable dans d'autres pays après accord de ces derniers.
Mais la disparité des coûts et des délais en matière de recouvrement des créances est de nature à décourager certains exportateurs qui préfèrent confier leurs créances directement à des avocats locaux ou à des organismes spécialisés.
D'une manière ou d'une autre, les résultats sont peu probants.
L'INJONCTION DE PAYER EN DROITS INTERNES
- 1 - L'EXEMPLE FRANÇAIS
Le décret n° 81-500 du 12 mai 1981 à instauré la procédure d'injonction de payer (articles 1405 à 1425 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;
Cette procédure à été complétée par le décret n° 88-209 du 4 mars 1988 instituant l'injonction de faire (articles 1425-1 à 1425-9 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;
Le Nouveau Code de Procédure Civile s'est enrichi ainsi de textes permettant d'apporter une solution simple, rapide et souvent efficace à bon nombre de litiges, tout leur donnant une issue judiciaire fiable basée sur la volonté des parties qui s'est matérialisée en la forme d' un support littéral laissé à l'appréciation du magistrat signataire de l'ordonnance qui fixe ainsi les droits des parties de manière pourtant unilatérale, sans pour autant priver le débiteur de ses droits élémentaires en défense.
En France, 110 000 entrepreneurs ont recours à cette procédure pour un montant moyen de créance de 5500 € (source : Greffe du tribunal de Commerce de Paris).
Les sommes dues doivent résulter :
- soit d'une cause contractuelle (contrat de vente...)
- soit d'une obligation de caractère statutaire (cotisations dues aux ordres professionnels, aux caisses de retraite, aux charges de copropriété...)
- soit d'une facture, d'une lettre de change, d'un billet à ordre ou d'un bordereau Dailly (art. 1405 NCPC).
Procédure :
La demande d'I.P. est portée, selon le cas, devant le tribunal d'instance, la juridiction de proximité ou devant le président du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d'attribution de ces deux juridictions.
Le juge territorialement compétent est celui du lieu où demeure le ou l'un des débiteurs poursuivis (cour d'appel de Chambéry, 2 e. ch. civ., 12 avril 2004). Toute clause contraire est réputée non écrite (art. 1406 NCPC).
Cette demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire (art. 1407 NCPC) qui n'a pas à prouver son mandat (cass 2e civ : Juris data n°2002-014972). Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu'il retient.
Si le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun.
Si le juge ne retient la requête que pour partie, sa décision est également sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à ne pas signifier l'ordonnance et à procéder selon les voies de droit commun (art. 1409 NCPC).
Une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance est signifiée [1] à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs.
L'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date (art. 1411 NCPC).
[1] La signification de l'ordonnance d'injonction de payer au(x) débiteur(s) est obligatoirement faite par ministère d'un Huissier de Justice,
Le débiteur peut s'opposer à l'ordonnance portant injonction de payer (art. 1412 NCPC)
A peine de nullité, l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, sommation d'avoir :
- soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
- soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.
Sous la même sanction, l'acte de signification :
- indique le délai dans lequel l'opposition doit être formée, le tribunal devant lequel elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;
- avertit le débiteur qu'il peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le créancier et qu'à défaut d'opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées (art. 1413 NCPC).
L'opposition est portée, suivant le cas, devant le tribunal d'instance, la juridiction de proximité qui a rendu l'ordonnance d'injonction de payer ou le tribunal de commerce dont le président a rendu l'ordonnance.
Elle est formée au greffe, soit par déclaration contre récépissé, soit par lettre recommandée (art. 1415 NCPC).
L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance. Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur (art. 1416 NCPC).
En l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 à 405. L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement (art. 1422 NCPC).
- 2 - LES MODELES EUROPEENS
La plupart des États de l'Union européenne disposent d'une procédure d'injoncton de payer. Mais les nombreuses spécificités nationales rendent complexe la mise en place d'un dispositif commun.
Selon une étude réalisée par le Greffe du TC de Paris, ""l'une des grandes différences concerne l'exigence d'éléments de preuve joints par le créancier au dossier de procédure ainsi que le nombre de voies de recours.
Le modèle "avec preuve" en vigueur en Belgique, en France, en Espagne, en Grèce, en Italie et au Luxembourg, requiert au moins une preuve écrite pour justifier la créance. En Espagne, en France, en Grèce et en Italie, une seule voie de recours permet de contester la créance, en raison du contrôle juridictionnel approfondi du fond de la requête.
Le modèle "sans preuve" en vigueur en Allemagne, Autriche, Finlande, Portugal et Suède, ne prévoit par d'examen au fond de la cause de la créance par la juridiction. Seul un contrôle formel de la requête est effectué, en général par le greffier. Néanmoins, en Autriche, une législation adoptée en 2003 impose un examen rapide du fond de la demande. Afin de protéger les droits du défendeur, ces États mettent souvent à sa disposition deux voies de recours. L'Autriche et le Portugal ont opté pour une voie de recours unique afin de garantir la rapidité des décisions.
Des singularités nationales apparaissent également quant aux montants visés par l'injonction de payer. L'Autriche, la Belgique, l'Espagne et le Portugal plafonnent le montant de la créance, 1 850 € en Belgique et 30 000 € en Autriche et en Espagne. L'Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg et la Suède ne fixent aucune limitation. Au Luxembourg la "provision sur requête" est mise en oeuvre pour les créances dont le montant est supérieur à 10 000 €.
D'autres modalités enfin, liées à la compétence territoriale, à la délivrance de la décision, et au délai d'exercice de la voie de recours, différencient les procédures d'injonction de payer nationales. Ainsi, la grande majorité des États donne compétence à la juridiction du défendeur. Cependant, l'Allemagne donne compétence à la juridiction du domicile du plaignant car ce choix facilite la procédure pour les créanciers. Le délai d'exercice de la voie de recours à l'encontre de la requête en injonction de payer à l'issue de laquelle la décision devient définitive, varie d'une semaine à 60 jours selon les États. Le délai requis en Allemagne, en Belgique, en Finlande, en Grèce, au Luxembourg et au Portugal, est de 14 ou 15 jours. En Autriche et en France, les délais sont respectivement de 4 semaines et 1 mois. Dernier point sur la signification des décisions, on observe une forte hétérogénéité en Europe, avec des exigences allant du simple envoi postal, sans accusé de réception, jusqu'à la signification par huissier.
Ce bref tour d'horizon des principales disparités nationales, incite à s'interroger sur la convergence des positions nationales à l'issue des négociations en cours. Rappelons que le projet de règlement initial de 2004 était d'inspiration allemande, c'est à dire une procédure sans preuve, informatisée, adressée au greffier, sans intervention du juge et prévoyant deux recours. La dernière version du règlement datée du 7 février 2006 (COM 2006 – 57 final), présente des dispositions très éloignées de la proposition initiale.
Tout d'abord, le champ de la procédure d'injonction de payer européenne (IPE) décrite dans la proposition de règlement modifié est restreint aux procédures transfrontières.
La compétence juridictionnelle prévue par cette nouvelle proposition est celle du domicile du défendeur. Par exemple, dans le cas d'un demandeur français face à un défendeur établi aux Pays-Bas, le droit applicable est le droit de l'Etat d'exécution (article 21 et article 5.2 du Règlement), en l'occurrence le droit néerlandais.
Dans ce cas, l'IPE devra être signifiée ou notifiée conformément au droit national de l'Etat requis (article 14), selon les moyens prévus aux articles 13 et 14 sur la signification et la notification. Ces moyens sont très nombreux et variés dans le règlement de manière à couvrir l'ensemble des moyens existants actuellement dans les Etats membres. Ils vont du simple dépôt dans la boîte aux lettres du défendeur, à la signification par voie d'huissier ou à l'envoi par moyen électronique.
Dans le cas d'une injonction en provenance de France, cette dernière devra donc répondre aux exigences suivantes :
- Etre signifiée ou notifiée conformément au droit national de l'Etat requis (article 14). La procédure sera standardisée au moyen d'un formulaire type (article 30). Le demandeur pourra effectuer lui-même ces opérations.
- Il n'est pas nécessaire que l'acte soit traduit (article 21). On peut cependant penser que l'efficacité emportera vraisemblablement cette solution.
- De même, la représentation par un avocat ou autre professionnel du droit n'est pas obligatoire (article 24). A nouveau, on peut penser que l'efficacité pourra commander le recours à un auxiliaire de justice.
Le modèle retenu dans la proposition de règlement modifiée est un compromis entre le mode sans preuve et avec preuve. Ce "grand écart juridique" (considérants 12 et 13 et article 8e de la proposition de règlement) est du à l'obligation d'assortir la requête d'une description des éléments de preuve étayant la créance.
Là encore, la proposition de règlement modifiée n'a pas harmonisé ce qui pourrait composer ces éléments de preuve, afin d'éviter un éventuel blocage inhérent à la forte disparité des législations nationales en la matière. Reste à souhaiter que le pays d'exécution ne rejette pas des éléments de preuve agréés par le pays du demandeur.
Le recours à un huissier se fera en conformité avec la législation du pays d'exécution. Dans le cas des Pays-Bas, il faudra se référer aux procédures de signification ou de notification hollandaises : ces procédures autorisent-elles ou non le recours à un huissier de justice, par exemple ? En outre, le Règlement ne traite pas la question du choix de cet auxiliaire de justice, ce choix reste à l'appréciation du demandeur, sous réserve de respecter les dispositions du pays requis en matière de signification ou de notification.
Pour conclure, l'actuel projet de règlement semble laisser une grande flexibilité tant dans la saisine - avec auxiliaire de justice ou non, que dans le choix du matériel de preuve, ou encore dans le choix de la langue – traduction requise ou non. Ce dernier point ne sera pas sans impact sur le coût de la procédure d'injonction de payer européenne, dont la fixation du tarif est laissée à la compétence des Etats"".
L'INJONCTION DE PAYER EUROPEENNE
Le Parlement européen et le Conseil ont adopté, le 12 décembre dernier, un règlement instituant une procédure européenne d'injonction de payer (réglement CE n° 1896/2006 - JO n° L 399 du 30/12/2006 p. 0001 - 0032).
Ce texte n'a pas pour vocation de substituer aux procédures internes une procédure unique et uniforme au niveau européen. L'objectif est clairement indiqué, il s'agit :
"a) de simplifier, d'accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d'injonction de payer ; b) d'assurer la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l'ensemble des États membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l'État membre d'exécution préalablement à la reconnaissance et à l'exécution. Ce règlement n'empêche pas le demandeur de faire valoir une créance... en recourant à une autre procédure prévue par le droit d'un État membre ou par le droit communautaire" (art. 1er. du règlement).
Le règlement prévoit les conditions dans lesquelles la demande d'injonction de payer européenne devra être formée, en indiquant notamment toutes les mentions que doit comporter la requête. L'accomplissement de chacune des étapes de la procédure est largement facilité par l'utilisation des formules-types annexées au Règlement.
Ce projet fut officiellement initié le 20 décembre 2002 par l'élaboration du livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance. Depuis cette date, les États de l'Union européenne se sont exprimés et le projet de règlement originel (E2553 - COM (2004) 173 final du 19/03/2004) a subit de profondes modifications.
Le règlement contient également les modalités selon lesquelles la décision prononçant l'injonction de payer européenne doit être portée à la connaissance du débiteur. Sur ce point, il est de plus opéré un renvoi au Règlement (CE) nº 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (JO n° L 160 du 30/06/2000 p. 0037 - 0052) tendant à garantir le respect d'un minimum de règles procédurales protectrices du débiteur dans ces matières.
Cette procédure européenne n'est qu'une première étape vers une organisation des procédures d'exécution transfrontalières au niveau communautaire. Le texte, par son esprit et par les techniques mises en place, se rapproche en effet sensiblement du Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 (JO n° L 143 du 30/04/2004 p. 0015 - 0039) portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées [1].
[1] Voir aussi Règlement (CE) n° 1869/2005 de la Commission du 16 novembre 2005 (JO n° L 300 du 17/11/2005 p. 0006 - 0018) remplaçant les annexes du règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.
SYNTHÈSE REALISEE PAR :
Serge KAUDER.
Juriste.
Chroniqueur juridique et judiciaire.
Conseiller Technique en matière de Police Privée.
Président Directeur Général du Groupe KSI s.a.
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