Marc Touati
Sur le front grec, tout d'abord, il faut certes reconnaître que le énième plan de sauvetage arraché de justesse mardi dernier constitue une bonne nouvelle. En fait, que ce soit pour l'UEM, le FMI ou la Grèce, il n'existait pas d'autre choix que de s'entendre. Un échec aurait immanquablement ravivé les tensions économico-sociales grecques et replongé la zone euro dans une nouvelle crise existentielle. Ainsi, au travers de plusieurs arrangements et artifices comptables, la Grèce va bénéficier d'une nouvelle aide de 44 milliards d'euros. Cela porte désormais à environ 260 milliards d'euros le soutien financier accordé à la Grèce depuis 2010, soit près de 70 milliards d'euros de plus que le PIB grec. Au cours de ces cinq années de crise, ce dernier a effectivement chuté de 14 % en valeur et de 21 % en volume (c'est-à-dire hors inflation). A prix courants, le PIB par habitant est même passé de 21 000 euros au début 2008 à 16 900 aujourd'hui.
A ceux qui pourraient se plaindre de l'aide apportée à nos partenaires hellènes, ces chiffres montrent combien la destruction de richesses en Grèce a été dramatique. C'est d'ailleurs bien là que réside le problème principal des différents plans de sauvetage. Car ceux-ci, y compris le dernier, font l'impasse totale sur la clé de la sortie de crise, à savoir le retour de la croissance. Evidemment, comme tous ses prédécesseurs, l'accord du 27 novembre annonce que la croissance va redémarrer dans les prochains mois. De la sorte, le ratio dette publique/PIB pourra tomber à 110 % d'ici 2022. Allons, Mesdames, Messieurs les dirigeants de la zone euro, du FMI et de la Grèce, soyez un peu sérieux. Le Wishful thinking (en français : prendre ses désirs pour la réalité) que vous pratiquez depuis cinq ans n'est absolument plus crédible ! Finalement, les différents plans de sauvetage ont seulement permis de colmater les brèches. Au mieux d'éteindre une partie de l'incendie, mais tout en maintenant des braises incandescentes et « réactivables » au moindre coup de vent. Aussi, plutôt que d'engager une telle stratégie coûteuse et peu efficace, il serait bien plus opportun d'agir en amont, avant que l'incendie ne se déclenche.
Pour être clair : tant que l'euro ne passera pas sous les 1,15 dollar, que la BCE n'achètera pas de la dette publique en direct pour les pays qui le méritent et qu'un plan d'investissement significatif ne sera pas engagé, la Grèce et la zone euro ne pourront pas retrouver le chemin d'une croissance durablement soutenue et ne pourront donc pas sortir de la crise. Cette crise n'est d'ailleurs plus seulement financière et économique, mais elle devenue sociale, voire sociétale. Pis, cette situation chaotique et extrêmement dangereuse pour la stabilité politique n'est pas l'apanage de la Grèce ou du Sud de l'Europe. Elle est en train de se généraliser à l'ensemble des pays de la zone euro, y compris la France.
C'est en cela que les dernières déclarations du Ministre du redressement productif font froid dans le dos. En effet, alors que la France tombe en récession, qu'elle peine à garder un semblant de tissus industriel et que sa crédibilité internationale est battue en brèche, M. Arnaud Montebourg se permet de déclarer qu'il ne veut plus de Mittal dans l'Hexagone et que la France est désormais prête à lancer un mouvement de nationalisation en cas de besoin. Au-delà du drame humain de Florange et des tensions Montebourg-Mittal, ces déclarations à l'emporte-pièce pourraient être lourdes de conséquences pour l'avenir économique français. Et pour cause : si le gouvernement hexagonal commence à faire la guerre aux entreprises internationales, ces dernières risquent de réduire la voilure dans notre douce France, avec fermetures de sites et destructions d'emplois à la clé. Car le problème ne doit pas se résumer à une guerre de déclarations ou à des problèmes d'égo : la question essentielle porte sur l'emploi et le chômage. A l'heure où ce dernier flambe dangereusement et devrait continuer de le faire au moins jusqu'à l'automne prochain, la France ne peut pas se permettre le luxe de voir une nouvelle vague de baisse de l'investissement productif. Elle ne s'en remettrait pas. Dix jours après la couverture de The Economist, une semaine après la nouvelle dégradation de la dette française, le dérapage Montebourg-Mittal va encore entacher le peu de crédibilité qui reste à la France.
Cerise empoisonnée sur le gâteau, le psychodrame de l'UMP aggrave encore la situation. En effet, au lieu de rebondir sur les couacs gouvernementaux pour montrer qu'une autre voie est possible pour sortir la France de la méfiance et de la récession, ce grand parti politique s'est lancé dans une guerre intestine destructrice. Il montre ainsi que, pour ses dirigeants, les égos et les querelles de clochers passent avant la résolution des graves questions économiques et financières nationales..
Au-delà du caractère ubuesque de ces évolutions, ce double jeu de massacre (Montebourg + UMP) va malheureusement profiter aux partis extrémistes. D'abord à l'extrême gauche, galvanisée par les discours de Montebourg, qui ne viennent finalement que mettre de l'huile sur le feu sans résoudre les problèmes de fond. Ensuite, le risque d'éclatement de l'UMP ne manquera pas de grossir les rangs du Front National, qui en appelle bien sûr au retour du protectionnisme agressif et à la fin de la zone euro.
Est-ce vraiment cela que nous souhaitons léguer à nos enfants ? Une UEM et une France en récession durable, avec un chômage structurellement élevé, des tensions sociales et sociétales de plus en plus graves et une situation politique instable ? Non merci.
Après avoir déjà perdu beaucoup trop de temps dans le dogmatisme et dans le maquillage de la vérité, il est donc urgent de retrouver rapidement le chemin du bon sens et de la crédibilité économico-politique. Que ce soit au niveau de la zone euro, du FMI et des dirigeants politiques français, un seul mot d'ordre doit désormais s'imposer : tout faire pour retrouver la croissance et enfin sortir de la crise. Noël approche, on peut quand même rêver un peu…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
A ceux qui pourraient se plaindre de l'aide apportée à nos partenaires hellènes, ces chiffres montrent combien la destruction de richesses en Grèce a été dramatique. C'est d'ailleurs bien là que réside le problème principal des différents plans de sauvetage. Car ceux-ci, y compris le dernier, font l'impasse totale sur la clé de la sortie de crise, à savoir le retour de la croissance. Evidemment, comme tous ses prédécesseurs, l'accord du 27 novembre annonce que la croissance va redémarrer dans les prochains mois. De la sorte, le ratio dette publique/PIB pourra tomber à 110 % d'ici 2022. Allons, Mesdames, Messieurs les dirigeants de la zone euro, du FMI et de la Grèce, soyez un peu sérieux. Le Wishful thinking (en français : prendre ses désirs pour la réalité) que vous pratiquez depuis cinq ans n'est absolument plus crédible ! Finalement, les différents plans de sauvetage ont seulement permis de colmater les brèches. Au mieux d'éteindre une partie de l'incendie, mais tout en maintenant des braises incandescentes et « réactivables » au moindre coup de vent. Aussi, plutôt que d'engager une telle stratégie coûteuse et peu efficace, il serait bien plus opportun d'agir en amont, avant que l'incendie ne se déclenche.
Pour être clair : tant que l'euro ne passera pas sous les 1,15 dollar, que la BCE n'achètera pas de la dette publique en direct pour les pays qui le méritent et qu'un plan d'investissement significatif ne sera pas engagé, la Grèce et la zone euro ne pourront pas retrouver le chemin d'une croissance durablement soutenue et ne pourront donc pas sortir de la crise. Cette crise n'est d'ailleurs plus seulement financière et économique, mais elle devenue sociale, voire sociétale. Pis, cette situation chaotique et extrêmement dangereuse pour la stabilité politique n'est pas l'apanage de la Grèce ou du Sud de l'Europe. Elle est en train de se généraliser à l'ensemble des pays de la zone euro, y compris la France.
C'est en cela que les dernières déclarations du Ministre du redressement productif font froid dans le dos. En effet, alors que la France tombe en récession, qu'elle peine à garder un semblant de tissus industriel et que sa crédibilité internationale est battue en brèche, M. Arnaud Montebourg se permet de déclarer qu'il ne veut plus de Mittal dans l'Hexagone et que la France est désormais prête à lancer un mouvement de nationalisation en cas de besoin. Au-delà du drame humain de Florange et des tensions Montebourg-Mittal, ces déclarations à l'emporte-pièce pourraient être lourdes de conséquences pour l'avenir économique français. Et pour cause : si le gouvernement hexagonal commence à faire la guerre aux entreprises internationales, ces dernières risquent de réduire la voilure dans notre douce France, avec fermetures de sites et destructions d'emplois à la clé. Car le problème ne doit pas se résumer à une guerre de déclarations ou à des problèmes d'égo : la question essentielle porte sur l'emploi et le chômage. A l'heure où ce dernier flambe dangereusement et devrait continuer de le faire au moins jusqu'à l'automne prochain, la France ne peut pas se permettre le luxe de voir une nouvelle vague de baisse de l'investissement productif. Elle ne s'en remettrait pas. Dix jours après la couverture de The Economist, une semaine après la nouvelle dégradation de la dette française, le dérapage Montebourg-Mittal va encore entacher le peu de crédibilité qui reste à la France.
Cerise empoisonnée sur le gâteau, le psychodrame de l'UMP aggrave encore la situation. En effet, au lieu de rebondir sur les couacs gouvernementaux pour montrer qu'une autre voie est possible pour sortir la France de la méfiance et de la récession, ce grand parti politique s'est lancé dans une guerre intestine destructrice. Il montre ainsi que, pour ses dirigeants, les égos et les querelles de clochers passent avant la résolution des graves questions économiques et financières nationales..
Au-delà du caractère ubuesque de ces évolutions, ce double jeu de massacre (Montebourg + UMP) va malheureusement profiter aux partis extrémistes. D'abord à l'extrême gauche, galvanisée par les discours de Montebourg, qui ne viennent finalement que mettre de l'huile sur le feu sans résoudre les problèmes de fond. Ensuite, le risque d'éclatement de l'UMP ne manquera pas de grossir les rangs du Front National, qui en appelle bien sûr au retour du protectionnisme agressif et à la fin de la zone euro.
Est-ce vraiment cela que nous souhaitons léguer à nos enfants ? Une UEM et une France en récession durable, avec un chômage structurellement élevé, des tensions sociales et sociétales de plus en plus graves et une situation politique instable ? Non merci.
Après avoir déjà perdu beaucoup trop de temps dans le dogmatisme et dans le maquillage de la vérité, il est donc urgent de retrouver rapidement le chemin du bon sens et de la crédibilité économico-politique. Que ce soit au niveau de la zone euro, du FMI et des dirigeants politiques français, un seul mot d'ordre doit désormais s'imposer : tout faire pour retrouver la croissance et enfin sortir de la crise. Noël approche, on peut quand même rêver un peu…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
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