Marc Touati
Car, malheureusement depuis une dizaine d'années, force est de constater que la croissance forte et les créations d'emplois massives n'ont pas été au rendez-vous. Pis, la « fracture sociale », principal thème de campagne des élections de 2002, s'est aggravée. A tel point que de plus en plus de citoyens se détournent désormais des partis traditionnels pour « se réfugier » vers les extrêmes.
Bien entendu, ce « ras-le-bol » général peut en partie se comprendre, en particulier pour les personnes les moins favorisées, qui ont vu leur revenu augmenter faiblement, voire reculer, alors que les prix des denrées alimentaires, de l'énergie et des loyers n'ont cessé de flamber. Cette situation difficile justifie-t-elle pour autant de se jeter à corps perdu, comme par désespoir, dans des solutions extrémistes et par là même dangereuses ? Certainement pas.
Mais, il ne faut pas non plus se voiler la face. Si les sondages disent vrai (ce qui reste évidemment à démontrer), au moins 30 % des électeurs sont séduits par les idées du Front National ou de l'extrême gauche, qui se ressemblent d'ailleurs de plus en plus. Et pour cause, leurs solutions économiques sont presque identiques : sortie de la zone euro, forte dévaluation du franc, création de barrières commerciales conséquentes, contrôle des changes, augmentation massive des dépenses publiques…
Balayer d'un revers de main l'ensemble de ces mesures en disant qu'elles sont poujadistes et catastrophiques serait bien sûr pratique. Néanmoins, cela apporterait de l'eau au moulin des extrémistes qui ne manqueraient pas alors de souligner l'écart grandissant entre les « intellectuels », les « élites » ou encore les « financiers » et la population dans son ensemble.
Car, c'est là que réside l'un des principaux problèmes de la société française : déjà habitée par la culture de la lutte des classes, elle n'a eu de cesse, depuis une dizaine d'années, d'accroître les sentiments d'inégalités et d'injustices. La dernière crise économico-financière en a « rajouter une couche », aggravant les écarts et parfois même la haine entre certains citoyens et le système bancaire et financier. Ce dernier étant présenté comme le coupable idéal, qui, de surcroît, n'a pas été puni. Face à cette injustice apparente et aux difficultés du quotidien, de plus en plus de citoyens hexagonaux veulent donc changer de système. Une question s'impose alors : dans la mesure où la crise a été mondiale, pourquoi les Français sont-ils les plus virulents ? La réponse est malheureusement simple. Elle tient principalement à la faiblesse de leur culture économique.
Dès lors, toutes les idées extrémistes et souvent simplistes deviennent possibles. Ainsi, il peut devenir très tentant de souhaiter la sortie de la France de la zone euro, ou encore l'augmentation massive des dépenses publiques, sans oublier la fermeture des frontières. Seulement voilà, une fois que l'on a assouvi sa soif de revanche sur le système en place, que fait-on ? A-t-on pensé que si la France sort de la zone euro, la note de sa dette publique passera de AAA à BBB ? Sommes-nous conscients que si cela se produisait, la dette publique, détenue actuellement à 70 % par des non-résidents, ne trouvera plus preneur ? Que, de ce fait, les taux d'intérêt flamberont aux alentours des 8 %, entraînant un plongeon de l'investissement, de l'emploi, des revenus et de la consommation ? Et qu'enfin, la France sombrera dans une crise sociale sans précédent ?
De même, les tenants de la révolution et du repli sur soi ont-ils compris qu'en fermant les frontières, nos concurrents feraient de même avec les produits français, que la dépréciation massive du franc suscitera un fort regain inflationniste qui viendra encore grever un pouvoir d'achat déjà en berne ?
Bien sûr, il est toujours possible d'imaginer qu'une fois ces catastrophes passées, la France pourra résoudre le problème de sa dette publique, en la remboursant en « monnaie de singe », voire en imposant un moratoire. Le problème est qu'avant d'en arriver là, la France aura perdu toute crédibilité internationale, aura ruiné son système bancaire et financier, tout en faisant fuir ses cerveaux et ses entreprises de pointe. Bref, elle sera enlisée dans une crise économico-sociale gravissime qui, compte tenu des tensions « culturelles » qui existent d'ores et déjà, pourra très vite se transformer en guerre civile.
Est-ce bien ce que veulent les électeurs des partis extrémistes ? Pour la grande majorité d'entre eux, certainement pas. Ils veulent plutôt faire état de leur mécontentement. En attendant, ils mettent à mal les bases de la République et l'avenir économique de la France. Et, malheureusement, plutôt que de relancer le débat vers le haut, les partis dits « de gouvernement » restent sourds et continuent de vouloir appliquer les mêmes règles que par le passé.
Pour sortir de cette impasse, il n'y a, selon nous, qu'une seule solution : développer la culture économique des Français. Leur faire comprendre à travers les grands médias que l'économie n'est pas réservée à une « élite », qu'ils sont tous les acteurs de l'économie et que leurs décisions peuvent agir sur cette dernière. Cet effort de compréhension et de pédagogie devra aussi s'appliquer aux dirigeants politiques du pays qui devront arrêter leur langue de bois et leur dogmatisme au profit du pragmatisme et de l'efficacité économique.
Si nous n'y parvenons pas, alors le scénario catastrophe d'une dégradation de la dette publique française et l'entrée de l'économie hexagonale dans une crise sociale dramatique deviendront inévitables. Au cours des prochains trimestres, la France va donc jouer sa dernière carte. Car, en mai 2012, il sera trop tard…
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Bien entendu, ce « ras-le-bol » général peut en partie se comprendre, en particulier pour les personnes les moins favorisées, qui ont vu leur revenu augmenter faiblement, voire reculer, alors que les prix des denrées alimentaires, de l'énergie et des loyers n'ont cessé de flamber. Cette situation difficile justifie-t-elle pour autant de se jeter à corps perdu, comme par désespoir, dans des solutions extrémistes et par là même dangereuses ? Certainement pas.
Mais, il ne faut pas non plus se voiler la face. Si les sondages disent vrai (ce qui reste évidemment à démontrer), au moins 30 % des électeurs sont séduits par les idées du Front National ou de l'extrême gauche, qui se ressemblent d'ailleurs de plus en plus. Et pour cause, leurs solutions économiques sont presque identiques : sortie de la zone euro, forte dévaluation du franc, création de barrières commerciales conséquentes, contrôle des changes, augmentation massive des dépenses publiques…
Balayer d'un revers de main l'ensemble de ces mesures en disant qu'elles sont poujadistes et catastrophiques serait bien sûr pratique. Néanmoins, cela apporterait de l'eau au moulin des extrémistes qui ne manqueraient pas alors de souligner l'écart grandissant entre les « intellectuels », les « élites » ou encore les « financiers » et la population dans son ensemble.
Car, c'est là que réside l'un des principaux problèmes de la société française : déjà habitée par la culture de la lutte des classes, elle n'a eu de cesse, depuis une dizaine d'années, d'accroître les sentiments d'inégalités et d'injustices. La dernière crise économico-financière en a « rajouter une couche », aggravant les écarts et parfois même la haine entre certains citoyens et le système bancaire et financier. Ce dernier étant présenté comme le coupable idéal, qui, de surcroît, n'a pas été puni. Face à cette injustice apparente et aux difficultés du quotidien, de plus en plus de citoyens hexagonaux veulent donc changer de système. Une question s'impose alors : dans la mesure où la crise a été mondiale, pourquoi les Français sont-ils les plus virulents ? La réponse est malheureusement simple. Elle tient principalement à la faiblesse de leur culture économique.
Dès lors, toutes les idées extrémistes et souvent simplistes deviennent possibles. Ainsi, il peut devenir très tentant de souhaiter la sortie de la France de la zone euro, ou encore l'augmentation massive des dépenses publiques, sans oublier la fermeture des frontières. Seulement voilà, une fois que l'on a assouvi sa soif de revanche sur le système en place, que fait-on ? A-t-on pensé que si la France sort de la zone euro, la note de sa dette publique passera de AAA à BBB ? Sommes-nous conscients que si cela se produisait, la dette publique, détenue actuellement à 70 % par des non-résidents, ne trouvera plus preneur ? Que, de ce fait, les taux d'intérêt flamberont aux alentours des 8 %, entraînant un plongeon de l'investissement, de l'emploi, des revenus et de la consommation ? Et qu'enfin, la France sombrera dans une crise sociale sans précédent ?
De même, les tenants de la révolution et du repli sur soi ont-ils compris qu'en fermant les frontières, nos concurrents feraient de même avec les produits français, que la dépréciation massive du franc suscitera un fort regain inflationniste qui viendra encore grever un pouvoir d'achat déjà en berne ?
Bien sûr, il est toujours possible d'imaginer qu'une fois ces catastrophes passées, la France pourra résoudre le problème de sa dette publique, en la remboursant en « monnaie de singe », voire en imposant un moratoire. Le problème est qu'avant d'en arriver là, la France aura perdu toute crédibilité internationale, aura ruiné son système bancaire et financier, tout en faisant fuir ses cerveaux et ses entreprises de pointe. Bref, elle sera enlisée dans une crise économico-sociale gravissime qui, compte tenu des tensions « culturelles » qui existent d'ores et déjà, pourra très vite se transformer en guerre civile.
Est-ce bien ce que veulent les électeurs des partis extrémistes ? Pour la grande majorité d'entre eux, certainement pas. Ils veulent plutôt faire état de leur mécontentement. En attendant, ils mettent à mal les bases de la République et l'avenir économique de la France. Et, malheureusement, plutôt que de relancer le débat vers le haut, les partis dits « de gouvernement » restent sourds et continuent de vouloir appliquer les mêmes règles que par le passé.
Pour sortir de cette impasse, il n'y a, selon nous, qu'une seule solution : développer la culture économique des Français. Leur faire comprendre à travers les grands médias que l'économie n'est pas réservée à une « élite », qu'ils sont tous les acteurs de l'économie et que leurs décisions peuvent agir sur cette dernière. Cet effort de compréhension et de pédagogie devra aussi s'appliquer aux dirigeants politiques du pays qui devront arrêter leur langue de bois et leur dogmatisme au profit du pragmatisme et de l'efficacité économique.
Si nous n'y parvenons pas, alors le scénario catastrophe d'une dégradation de la dette publique française et l'entrée de l'économie hexagonale dans une crise sociale dramatique deviendront inévitables. Au cours des prochains trimestres, la France va donc jouer sa dernière carte. Car, en mai 2012, il sera trop tard…
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com