Deux évènements viennent encore de nous en apporter la preuve cinglante. Le premier réside dans le nouveau rapport de la cour des comptes qui, une fois de plus, n'hésite pas à mettre en cause la « sincérité » des prévisions gouvernementales en matière de réduction des déficits publics. Ainsi, qu'il s'agisse des anticipations d'augmentation des recettes fiscales ou de réduction des dépenses publiques, le compte n'y est pas et sera même très loin des annonces tonitruantes de Bercy, Matignon ou l'Elysée.
Certes, en soulignant ce nouveau manquement, qui est d'ailleurs récurrent chez tous les gouvernements depuis une trentaine d'années, la cour des comptes ne fait qu'enfoncer une porte ouverte. Qui peut, effectivement, encore oser croire aux prévisions officielles en matière de croissance, de déficits ou de dette ? Le problème est qu'à force de prendre les investisseurs nationaux et internationaux ainsi que les citoyens français pour des dupes, les dirigeants hexagonaux ont perdu toute crédibilité. Et si, pour le moment, cette défiance ne transparait pas sur les marchés obligataires et sur les niveaux de taux d'intérêt des obligations d'Etat, c'est essentiellement grâce à l'anesthésie pratiquée par la BCE. Mais, attention, toutes les bonnes choses ont une fin, et les effets de cet anesthésiant puissant ne seront pas éternels. Autrement dit, les marchés, les investisseurs, les entreprises et les Français au sens large finiront bien par intégrer cette triste réalité et réagir en conséquence.
C'est là que le deuxième évènement des derniers jours, en l'occurrence la grève à la SNCF, pourrait bien produire beaucoup plus d'effets négatifs que l'on veut bien imaginer. Car, ne nous leurrons pas, le coût de cette grève ne se limite pas aux 50 millions d'euros qu'elle coûte chaque jour à la SNCF, comme l'a annoncé le Président Pepy. Ni même aux 400 à 500 millions de manque à gagner quotidien pour l'ensemble de l'économie française.
Non, au-delà de ces coûts directs, qui sont déjà exorbitants, le vrai coût de la grève est ailleurs. D'une part, il réside dans l'affaiblissement global de l'économie nationale. En effet, après un premier trimestre de croissance nulle (le PIB hors stocks a même chuté de 0,6 % au cours de cette période), un mois d'avril tout aussi atone et un mois de mai quasiment chômé (compte tenu des jours fériés, des ponts, viaducs, soldes de RTT et vacances en tous genres), la plupart des acteurs économiques français comptaient sur le mois de juin pour « se refaire une santé », avant le long tunnel des vacances d'été. Pour les entreprises, cela devait se traduire par un regain d'activité en correction de la faiblesse passée et en anticipation de la torpeur estivale. Quant aux ménages, et notamment les chômeurs, ils espéraient pouvoir enfin retrouver un emploi et/ou améliorer leurs revenus.
Or, au moment où les entreprises et les particuliers étaient dans les starting-blocks pour essayer de faire un bon mois de juin, la grève de la SNCF est venue tout casser. Adieu, veaux, vaches, cochons, reprise, croissance forte et emplois. Pour de nombreuses sociétés et ménages, ce nouveau coup d'arrêt pourrait même être fatal. En effet, dans de nombreux cas, ceux-ci ont réussi à traverser la crise sans trop de dégâts, en puisant dans leurs réserves. Ces dernières étant désormais épuisées, ils risquent de s'effondrer. Autrement dit, il faut se préparer à une forte augmentation des faillites d'entreprises et personnelles au cours des prochains mois et notamment en septembre.
Mais il y a encore pire. Car, à côté des drames humains que toute cette décroissance va produire, le retour des grèves pour des raisons aussi banales que la réforme inévitable du réseau ferré de France et de la SNCF va encore nuire à la crédibilité de l'économie française en matière de capacité à se réformer. Essayez par exemple d'expliquer à un Allemand, à un Anglais, à un Italien ou encore à un Grec ou à un Espagnol, qui n'a cessé de faire des réformes depuis des années sans rechigner, que les Français refusent encore de moderniser leur économie. Essayez de lui expliquer comment une petite frange de la population peut paralyser un grand et beau pays comme la France pour le simple motif qu'il ne faut pas toucher à ses petits avantages. C'est perdu d'avance. Il faut se rendre à l'évidence : nos voisins européens, qui ont tous fait énormément d'efforts et de sacrifices depuis 2008, ne nous comprennent plus et ne sont plus prêts à accepter les dérives françaises. Il est donc grand temps de parler vrai et de responsabiliser nos concitoyens : en temps de crise, tout le monde doit se retrousser les manches et personne ne doit l'en empêcher. La liberté s'arrête là où commence celle des autres. Et ce, en particulier dans une économie exsangue, proche de la banqueroute.
Si ce comportement ne change pas, alors il faut se préparer à une nouvelle et rapide dégradation de notre notation et plus globalement de notre crédibilité. Cela entraînera tout d'abord une défiance internationale massive. Dans la mesure où près de 70 % de la dette publique française est détenue par des non-résidents, une forte augmentation des taux d'intérêt se produira alors, pesant négativement sur l'investissement, donc sur la croissance et l'emploi. D'où une hausse massive du chômage, un accroissement des déficits publics et de la dette, ce qui renforcera la défiance et le cercle pernicieux continuera, entraînant la France dans une crise « à la grecque ». Pour éviter que l'Hexagone passe de la grève à la Grèce, il faut donc absolument arrêter la démagogie et devenir enfin responsable. Il ne s'agit pas simplement d'un problème de bras de fer entre le gouvernement et les syndicats ou encore de l'établissement de prévisions tronquées, mais de l'avenir de nos enfants…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Certes, en soulignant ce nouveau manquement, qui est d'ailleurs récurrent chez tous les gouvernements depuis une trentaine d'années, la cour des comptes ne fait qu'enfoncer une porte ouverte. Qui peut, effectivement, encore oser croire aux prévisions officielles en matière de croissance, de déficits ou de dette ? Le problème est qu'à force de prendre les investisseurs nationaux et internationaux ainsi que les citoyens français pour des dupes, les dirigeants hexagonaux ont perdu toute crédibilité. Et si, pour le moment, cette défiance ne transparait pas sur les marchés obligataires et sur les niveaux de taux d'intérêt des obligations d'Etat, c'est essentiellement grâce à l'anesthésie pratiquée par la BCE. Mais, attention, toutes les bonnes choses ont une fin, et les effets de cet anesthésiant puissant ne seront pas éternels. Autrement dit, les marchés, les investisseurs, les entreprises et les Français au sens large finiront bien par intégrer cette triste réalité et réagir en conséquence.
C'est là que le deuxième évènement des derniers jours, en l'occurrence la grève à la SNCF, pourrait bien produire beaucoup plus d'effets négatifs que l'on veut bien imaginer. Car, ne nous leurrons pas, le coût de cette grève ne se limite pas aux 50 millions d'euros qu'elle coûte chaque jour à la SNCF, comme l'a annoncé le Président Pepy. Ni même aux 400 à 500 millions de manque à gagner quotidien pour l'ensemble de l'économie française.
Non, au-delà de ces coûts directs, qui sont déjà exorbitants, le vrai coût de la grève est ailleurs. D'une part, il réside dans l'affaiblissement global de l'économie nationale. En effet, après un premier trimestre de croissance nulle (le PIB hors stocks a même chuté de 0,6 % au cours de cette période), un mois d'avril tout aussi atone et un mois de mai quasiment chômé (compte tenu des jours fériés, des ponts, viaducs, soldes de RTT et vacances en tous genres), la plupart des acteurs économiques français comptaient sur le mois de juin pour « se refaire une santé », avant le long tunnel des vacances d'été. Pour les entreprises, cela devait se traduire par un regain d'activité en correction de la faiblesse passée et en anticipation de la torpeur estivale. Quant aux ménages, et notamment les chômeurs, ils espéraient pouvoir enfin retrouver un emploi et/ou améliorer leurs revenus.
Or, au moment où les entreprises et les particuliers étaient dans les starting-blocks pour essayer de faire un bon mois de juin, la grève de la SNCF est venue tout casser. Adieu, veaux, vaches, cochons, reprise, croissance forte et emplois. Pour de nombreuses sociétés et ménages, ce nouveau coup d'arrêt pourrait même être fatal. En effet, dans de nombreux cas, ceux-ci ont réussi à traverser la crise sans trop de dégâts, en puisant dans leurs réserves. Ces dernières étant désormais épuisées, ils risquent de s'effondrer. Autrement dit, il faut se préparer à une forte augmentation des faillites d'entreprises et personnelles au cours des prochains mois et notamment en septembre.
Mais il y a encore pire. Car, à côté des drames humains que toute cette décroissance va produire, le retour des grèves pour des raisons aussi banales que la réforme inévitable du réseau ferré de France et de la SNCF va encore nuire à la crédibilité de l'économie française en matière de capacité à se réformer. Essayez par exemple d'expliquer à un Allemand, à un Anglais, à un Italien ou encore à un Grec ou à un Espagnol, qui n'a cessé de faire des réformes depuis des années sans rechigner, que les Français refusent encore de moderniser leur économie. Essayez de lui expliquer comment une petite frange de la population peut paralyser un grand et beau pays comme la France pour le simple motif qu'il ne faut pas toucher à ses petits avantages. C'est perdu d'avance. Il faut se rendre à l'évidence : nos voisins européens, qui ont tous fait énormément d'efforts et de sacrifices depuis 2008, ne nous comprennent plus et ne sont plus prêts à accepter les dérives françaises. Il est donc grand temps de parler vrai et de responsabiliser nos concitoyens : en temps de crise, tout le monde doit se retrousser les manches et personne ne doit l'en empêcher. La liberté s'arrête là où commence celle des autres. Et ce, en particulier dans une économie exsangue, proche de la banqueroute.
Si ce comportement ne change pas, alors il faut se préparer à une nouvelle et rapide dégradation de notre notation et plus globalement de notre crédibilité. Cela entraînera tout d'abord une défiance internationale massive. Dans la mesure où près de 70 % de la dette publique française est détenue par des non-résidents, une forte augmentation des taux d'intérêt se produira alors, pesant négativement sur l'investissement, donc sur la croissance et l'emploi. D'où une hausse massive du chômage, un accroissement des déficits publics et de la dette, ce qui renforcera la défiance et le cercle pernicieux continuera, entraînant la France dans une crise « à la grecque ». Pour éviter que l'Hexagone passe de la grève à la Grèce, il faut donc absolument arrêter la démagogie et devenir enfin responsable. Il ne s'agit pas simplement d'un problème de bras de fer entre le gouvernement et les syndicats ou encore de l'établissement de prévisions tronquées, mais de l'avenir de nos enfants…
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