Marc Touati
Devant un tel résultat, une vague d'euphorie s'emparait de l'Hexagone. En mars 2000, votre serviteur écrivit même un livre (avec Pierre Alexandre) intitulé « Le retour du plein-emploi - Une nouvelle révolution française ». Cet essai soulignait alors que, compte tenu des rigidités du marché du travail français, le taux de chômage de plein-emploi se situait autour des 6,5 %. Pas de quoi s'envoler, mais, après les presque 11 % atteint de 1993 à 1997, ce niveau aurait largement suffi à l'économie et la société française pour entrer dans une ère de prospérité durable.
Seulement voilà, pour parvenir à ce « nirvana », la France devait encore franchir quelques obstacles, en l'occurrence, conserver une croissance durablement forte, réduire le coût du travail, fluidifier le marché de l'emploi, diminuer la pression fiscale et dégraisser la dépense publique.
Malheureusement, à l'instar d'Icare se rapprochant du soleil, c'est au moment où le plein-emploi était à portée de main que tout s'est écroulé. En effet, bien loin de mener les réformes évoquées ci-dessus, la France a décidé de faire le chemin inverse et a multiplié les occasions gâchées. La première remonte à la fameuse « cagnotte » du gouvernement Jospin. A l'époque, la croissance était forte (près de 4 % par an pendant trois ans), et ce principalement grâce à la révolution des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), à un contexte international porteur et à un euro faible. Mais, plutôt que de profiter de ce dynamisme exceptionnel (que la France connaît environ tous les 20 ans) pour « faire le boulot », les dirigeants français ont préféré augmenter la dépense publique, réduire la durée légale du travail et par là même augmenter le coût de ce dernier, tout en rigidifiant le marché de l'emploi.
Ensuite, il y eut le krach Internet, les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan, et la croissance forte est repartie pour ne plus jamais revenir, du moins dans l'Hexagone.
Il faut dire que, comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants français ont continué d'accumulé les occasions manquées. Ainsi, en 2002, réélu avec plus de 80 % des voix et entamant son deuxième et dernier mandat, le Président Chirac n'a pas osé, ou pas voulu, engager la France sur le chemin des réformes. Le chômage est donc logiquement reparti à la hausse, pour atteindre 9,1 % au premier trimestre 2006.
La roue a cependant tourné une nouvelle fois. Ainsi, grâce à un effet de rattrapage de la faiblesse passée, mais surtout grâce à une croissance mondiale forte, l'économie française a renoué avec un semblant de dynamisme. Ainsi, la progression du PIB s'est redressée et le taux de chômage est reparti à la baisse pour atteindre un point bas de 7,1 % au premier trimestre 2008.
Mais, la malchance s'est encore acharnée sur notre pauvre économie. Ainsi, en 2007, alors que la crise des subprimes n'a pas encore éclatée, le Président Sarkozy promet qu'il va moderniser la France et redonner du travail et du pouvoir d'achat à un maximum de Français. Malheureusement, la première année de cette Présidence n'a pas été utilisée pour réduire la dépense publique, ni la pression fiscale, ni encore les rigidités du marché du travail. Certes, certaines réformettes ont été effectuées, mais elles ont été bien insuffisantes par rapport à celles qui étaient pourtant indispensables.
Le baril à 150 dollars, l'irresponsabilité de la BCE, l'euro à 1,60 dollar, la faillite de Lehman Brothers, la crise financière, puis celle de la dette publique et enfin celle de la zone euro ont alors fait le reste. La France a donc logiquement plongé dans la récession et le chômage a flambé.
Au bout du compte et sans surprise, la barre symbolique et psychologique des 3 millions de chômeurs vient d'être franchie. Nous nous abstiendrons des querelles statistiques pour savoir si ce nombre n'est pas un peu sous-estimé par rapport à la réalité. Quelle que soit cette dernière, la situation du marché du travail français est catastrophique. Elle est désormais devenue un drame social et humain.
Pis, compte tenu de la récession qui est en train de s'imposer depuis quelques mois dans l'Hexagone et qui ne s'arrêtera pas avant 2013, le chômage va continuer de faire des ravages. Déjà à 10,3 % en août (selon les statistiques d'Eurostat, l'INSEE ne communiquant que sur des chiffres trimestriels), le taux de chômage devrait rapidement atteindre la barre des 11 % et très probablement des 12 % fin 2013.
Il ne faut effectivement pas oublier que le chômage est une variable retardée de l'activité, avec un décalage d'environ six mois. Ainsi, le nombre de chômeurs d'aujourd'hui correspond à la situation économique du début 2012. De même, la récession du second semestre 2012 et du premier de 2013 continuera d'agir sur le chômage jusqu'au printemps 2014.
Dans ces conditions, les promesses du Président Hollande d'inverser la tendance d'ici un an tiennent plus de l'utopie que du réalisme économique. Et ce, d'autant que les mesures annoncées par le gouvernement Ayrault vont exactement à l'opposé des réformes nécessaires pour moderniser notre économie. Certes, les nouveaux emplois aidés qui ne veulent pas dire leur nom réussiront à limiter les dégâts. Cependant, ils resteront un écran de fumée qui sera balayé par la récession, l'augmentation de la pression fiscale et les rigidités du marché du travail.
Si l'on veut vraiment inverser la tendance, il n'y a pas trente-six solutions. Il faut avant tout restaurer la croissance, et ce notamment grâce à un euro plus normal (autour des 1,15 dollar), à une politique budgétaire efficace et à une réduction de la pression fiscale. Dans le même temps, il faudra réduire les dépenses publiques, notamment de fonctionnement, tout en dotant la zone euro d'une véritable gouvernance économique. Enfin, une fois que la croissance sera revenue, il sera grand temps de moderniser le marché du travail. Cela fait trente ans que l'on attend, nous ne sommes plus à six mois près.
En conclusion, il faut arrêter de bercer les Français avec des illusions et des promesses que l'on ne peut pas tenir. Soit la France retrouve la croissance et modernise son économie, de manière à faire baisser le chômage. Soit elle continue de s'y refuser et ce dernier continuera de flamber, avec tous les drames humains que cela engendrera. MM. Hollande et Ayrault, réveillez- vous !
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Seulement voilà, pour parvenir à ce « nirvana », la France devait encore franchir quelques obstacles, en l'occurrence, conserver une croissance durablement forte, réduire le coût du travail, fluidifier le marché de l'emploi, diminuer la pression fiscale et dégraisser la dépense publique.
Malheureusement, à l'instar d'Icare se rapprochant du soleil, c'est au moment où le plein-emploi était à portée de main que tout s'est écroulé. En effet, bien loin de mener les réformes évoquées ci-dessus, la France a décidé de faire le chemin inverse et a multiplié les occasions gâchées. La première remonte à la fameuse « cagnotte » du gouvernement Jospin. A l'époque, la croissance était forte (près de 4 % par an pendant trois ans), et ce principalement grâce à la révolution des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), à un contexte international porteur et à un euro faible. Mais, plutôt que de profiter de ce dynamisme exceptionnel (que la France connaît environ tous les 20 ans) pour « faire le boulot », les dirigeants français ont préféré augmenter la dépense publique, réduire la durée légale du travail et par là même augmenter le coût de ce dernier, tout en rigidifiant le marché de l'emploi.
Ensuite, il y eut le krach Internet, les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan, et la croissance forte est repartie pour ne plus jamais revenir, du moins dans l'Hexagone.
Il faut dire que, comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants français ont continué d'accumulé les occasions manquées. Ainsi, en 2002, réélu avec plus de 80 % des voix et entamant son deuxième et dernier mandat, le Président Chirac n'a pas osé, ou pas voulu, engager la France sur le chemin des réformes. Le chômage est donc logiquement reparti à la hausse, pour atteindre 9,1 % au premier trimestre 2006.
La roue a cependant tourné une nouvelle fois. Ainsi, grâce à un effet de rattrapage de la faiblesse passée, mais surtout grâce à une croissance mondiale forte, l'économie française a renoué avec un semblant de dynamisme. Ainsi, la progression du PIB s'est redressée et le taux de chômage est reparti à la baisse pour atteindre un point bas de 7,1 % au premier trimestre 2008.
Mais, la malchance s'est encore acharnée sur notre pauvre économie. Ainsi, en 2007, alors que la crise des subprimes n'a pas encore éclatée, le Président Sarkozy promet qu'il va moderniser la France et redonner du travail et du pouvoir d'achat à un maximum de Français. Malheureusement, la première année de cette Présidence n'a pas été utilisée pour réduire la dépense publique, ni la pression fiscale, ni encore les rigidités du marché du travail. Certes, certaines réformettes ont été effectuées, mais elles ont été bien insuffisantes par rapport à celles qui étaient pourtant indispensables.
Le baril à 150 dollars, l'irresponsabilité de la BCE, l'euro à 1,60 dollar, la faillite de Lehman Brothers, la crise financière, puis celle de la dette publique et enfin celle de la zone euro ont alors fait le reste. La France a donc logiquement plongé dans la récession et le chômage a flambé.
Au bout du compte et sans surprise, la barre symbolique et psychologique des 3 millions de chômeurs vient d'être franchie. Nous nous abstiendrons des querelles statistiques pour savoir si ce nombre n'est pas un peu sous-estimé par rapport à la réalité. Quelle que soit cette dernière, la situation du marché du travail français est catastrophique. Elle est désormais devenue un drame social et humain.
Pis, compte tenu de la récession qui est en train de s'imposer depuis quelques mois dans l'Hexagone et qui ne s'arrêtera pas avant 2013, le chômage va continuer de faire des ravages. Déjà à 10,3 % en août (selon les statistiques d'Eurostat, l'INSEE ne communiquant que sur des chiffres trimestriels), le taux de chômage devrait rapidement atteindre la barre des 11 % et très probablement des 12 % fin 2013.
Il ne faut effectivement pas oublier que le chômage est une variable retardée de l'activité, avec un décalage d'environ six mois. Ainsi, le nombre de chômeurs d'aujourd'hui correspond à la situation économique du début 2012. De même, la récession du second semestre 2012 et du premier de 2013 continuera d'agir sur le chômage jusqu'au printemps 2014.
Dans ces conditions, les promesses du Président Hollande d'inverser la tendance d'ici un an tiennent plus de l'utopie que du réalisme économique. Et ce, d'autant que les mesures annoncées par le gouvernement Ayrault vont exactement à l'opposé des réformes nécessaires pour moderniser notre économie. Certes, les nouveaux emplois aidés qui ne veulent pas dire leur nom réussiront à limiter les dégâts. Cependant, ils resteront un écran de fumée qui sera balayé par la récession, l'augmentation de la pression fiscale et les rigidités du marché du travail.
Si l'on veut vraiment inverser la tendance, il n'y a pas trente-six solutions. Il faut avant tout restaurer la croissance, et ce notamment grâce à un euro plus normal (autour des 1,15 dollar), à une politique budgétaire efficace et à une réduction de la pression fiscale. Dans le même temps, il faudra réduire les dépenses publiques, notamment de fonctionnement, tout en dotant la zone euro d'une véritable gouvernance économique. Enfin, une fois que la croissance sera revenue, il sera grand temps de moderniser le marché du travail. Cela fait trente ans que l'on attend, nous ne sommes plus à six mois près.
En conclusion, il faut arrêter de bercer les Français avec des illusions et des promesses que l'on ne peut pas tenir. Soit la France retrouve la croissance et modernise son économie, de manière à faire baisser le chômage. Soit elle continue de s'y refuser et ce dernier continuera de flamber, avec tous les drames humains que cela engendrera. MM. Hollande et Ayrault, réveillez- vous !
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
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