Marc Touati
Certes, il ne faut pas non plus se voiler la face : l'augmentation des cours des matières premières est inévitable et même logique. En effet, à l'inverse de la situation extrêmement spéculative du printemps-été 2008, qui consacrait une flambée du pétrole et autres « commodities » en dépit d'une récession mondiale, la récente inflation des matières premières est justifiée par une croissance mondiale d'environ 5 % en 2010 et qui devrait avoisiner les 4 % en 2011. Or, avec une croissance annuelle du PIB planétaire de 4 %, l'indice CRB (qui synthétise les cours de l'ensemble des matières premières pondéré par le poids de ces dernières dans la consommation mondiale) croît normalement de 10 % en moyenne sur une année.
Parallèlement, la population mondiale augmentera tendanciellement d'environ 1 % par an au cours des deux prochaines décennies. Elle devrait ainsi atteindre 9 milliards d'habitants d'ici 2030. Dans le même temps, le niveau de vie de plus en plus de personnes progresse à travers le monde. On estime par exemple que le nombre de Chinois vivant correctement (c'est-à-dire selon des standards occidentaux) dépasse actuellement les 350 millions, contre 100 millions il y a tout juste dix ans et ils seront au moins 600 millions dans dix ans. Dans ce cadre, les habitudes de consommation changent et réclament de plus en plus de matières premières alimentaires et énergétiques : plus de viandes, plus de blé, plus de pétrole…
Autrement dit, il ne faut pas être grand clair pour comprendre que, sauf en cas de guerre nucléaire ou de pandémie planétaire, la demande mondiale de « commodities » va continuer de croître significativement dans les prochaines années. Dès lors, dans la mesure où celles-ci sont physiquement limitées, il est inévitable que leurs prix continueront de progresser. La question porte donc simplement sur l'ampleur de cette progression. Car, face à cette réalité objective, la spéculation s'est évidemment engouffrée dans la brèche. En effet, n'oublions pas que la spéculation « ne tombe pas du ciel ». Elle connaît toujours un mobile objectif. Le seul problème réside dans le fait qu'une fois ce mobile trouvé et reconnu par tous, elle devient incontrôlable.
A la rigueur, lorsque cette spéculation concerne l'or ou les pierres précieuses, l'économie mondiale peut le supporter. En revanche, lorsqu'elle touche au pétrole, au cuivre et surtout aux biens alimentaires, ses conséquences économiques et sociales peuvent devenir dramatiques. Ainsi, lorsque le cours du baril augmente de 10 % sur une année, cela enlève 0,4 point à la croissance mondiale. Autrement dit, si le baril explose à 150 dollars en moyenne sur 2011, l'économie planétaire replongera dans la récession en 2012. De même, si les cours des biens alimentaires continuent de flamber, la malnutrition, voire la famine, s'imposeront dans de plus en plus de parties du monde émergent, générant des émeutes sociales qu'il sera de plus en plus difficile de contrôler et qui pourront, à leur tour, aggraver la récession mondiale. D'où une nouvelle dégradation des conditions sociales et le cercle pernicieux continuera…
En conséquence, il est urgent de limiter la flambée des cours des matières premières. Pour ce faire, il serait illusoire d'imposer une taxe sur les transactions financières. Comme nous l'évoquions la semaine dernière dans cette même chronique, cela serait contre-productif. Selon nous, la limitation de l'inflation des matières premières doit passer par deux axes principaux. Le premier consiste à agir directement sur les marchés, en interdisant les ventes à découvert et en limitant l'accès de ces marchés à ses seuls acteurs physiques. En d'autres termes, les fonds d'investissement traditionnels et les hedge funds n'ont rien à y faire et devraient plutôt revenir sur leur « habitat préféré », en l'occurrence les marchés actions et le financement de l'économie.
Mais au-delà de cet ajustement technique, le véritable moyen de freiner la flambée des cours des matières premières est ailleurs. Il réside dans la capacité à innover et à engager le monde dans une double révolution technologique : celle des NTE (Nouvelles Technologies de l'Energie) et celle des NTA (Nouvelles Technologies de l'Agro-alimentaire). Cette double mutation permettra tout d'abord d'optimiser les ressources naturelles et d'accompagner le développement de la planète en réduisant les risques de pénuries. Ensuite, elle assurera une période durable de croissance forte, créatrice d'emplois et de revenus. Enfin, elle se traduira aussi par une réduction des tensions sociales et par un monde moins belliqueux.
Cette réussite à venir réclame néanmoins deux conditions sine qua non. D'une part, de plus grands moyens de recherche-développement dont les applications auront des effets concrets dans la vie quotidienne. Car, comme le disait déjà le Général De Gaulle : « des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche… » D'autre part, elle doit également s'accompagner d'une forte mobilité sectorielle de la main-d'œuvre, à même de mettre en place une « destruction créatrice ». Celle-ci permettra de compenser les destructions d'emplois dans les anciens secteurs d'activité par des créations massives de postes dans les nouveaux.
A l'heure où la planète s'inquiète des tensions géopolitiques et des bruits de bottes ici et là, il serait temps de créer enfin un monde de croissance forte, avec une moindre dépendance au pétrole et sans flambée excessive des denrées alimentaires. Il ne s'agit pas d'un rêve, mais d'une nécessité.
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Retrouvez toute l'actualité du cash management dans notre magazine en ligne Global Treasury News
www.globaltreasurynews.com
Parallèlement, la population mondiale augmentera tendanciellement d'environ 1 % par an au cours des deux prochaines décennies. Elle devrait ainsi atteindre 9 milliards d'habitants d'ici 2030. Dans le même temps, le niveau de vie de plus en plus de personnes progresse à travers le monde. On estime par exemple que le nombre de Chinois vivant correctement (c'est-à-dire selon des standards occidentaux) dépasse actuellement les 350 millions, contre 100 millions il y a tout juste dix ans et ils seront au moins 600 millions dans dix ans. Dans ce cadre, les habitudes de consommation changent et réclament de plus en plus de matières premières alimentaires et énergétiques : plus de viandes, plus de blé, plus de pétrole…
Autrement dit, il ne faut pas être grand clair pour comprendre que, sauf en cas de guerre nucléaire ou de pandémie planétaire, la demande mondiale de « commodities » va continuer de croître significativement dans les prochaines années. Dès lors, dans la mesure où celles-ci sont physiquement limitées, il est inévitable que leurs prix continueront de progresser. La question porte donc simplement sur l'ampleur de cette progression. Car, face à cette réalité objective, la spéculation s'est évidemment engouffrée dans la brèche. En effet, n'oublions pas que la spéculation « ne tombe pas du ciel ». Elle connaît toujours un mobile objectif. Le seul problème réside dans le fait qu'une fois ce mobile trouvé et reconnu par tous, elle devient incontrôlable.
A la rigueur, lorsque cette spéculation concerne l'or ou les pierres précieuses, l'économie mondiale peut le supporter. En revanche, lorsqu'elle touche au pétrole, au cuivre et surtout aux biens alimentaires, ses conséquences économiques et sociales peuvent devenir dramatiques. Ainsi, lorsque le cours du baril augmente de 10 % sur une année, cela enlève 0,4 point à la croissance mondiale. Autrement dit, si le baril explose à 150 dollars en moyenne sur 2011, l'économie planétaire replongera dans la récession en 2012. De même, si les cours des biens alimentaires continuent de flamber, la malnutrition, voire la famine, s'imposeront dans de plus en plus de parties du monde émergent, générant des émeutes sociales qu'il sera de plus en plus difficile de contrôler et qui pourront, à leur tour, aggraver la récession mondiale. D'où une nouvelle dégradation des conditions sociales et le cercle pernicieux continuera…
En conséquence, il est urgent de limiter la flambée des cours des matières premières. Pour ce faire, il serait illusoire d'imposer une taxe sur les transactions financières. Comme nous l'évoquions la semaine dernière dans cette même chronique, cela serait contre-productif. Selon nous, la limitation de l'inflation des matières premières doit passer par deux axes principaux. Le premier consiste à agir directement sur les marchés, en interdisant les ventes à découvert et en limitant l'accès de ces marchés à ses seuls acteurs physiques. En d'autres termes, les fonds d'investissement traditionnels et les hedge funds n'ont rien à y faire et devraient plutôt revenir sur leur « habitat préféré », en l'occurrence les marchés actions et le financement de l'économie.
Mais au-delà de cet ajustement technique, le véritable moyen de freiner la flambée des cours des matières premières est ailleurs. Il réside dans la capacité à innover et à engager le monde dans une double révolution technologique : celle des NTE (Nouvelles Technologies de l'Energie) et celle des NTA (Nouvelles Technologies de l'Agro-alimentaire). Cette double mutation permettra tout d'abord d'optimiser les ressources naturelles et d'accompagner le développement de la planète en réduisant les risques de pénuries. Ensuite, elle assurera une période durable de croissance forte, créatrice d'emplois et de revenus. Enfin, elle se traduira aussi par une réduction des tensions sociales et par un monde moins belliqueux.
Cette réussite à venir réclame néanmoins deux conditions sine qua non. D'une part, de plus grands moyens de recherche-développement dont les applications auront des effets concrets dans la vie quotidienne. Car, comme le disait déjà le Général De Gaulle : « des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche… » D'autre part, elle doit également s'accompagner d'une forte mobilité sectorielle de la main-d'œuvre, à même de mettre en place une « destruction créatrice ». Celle-ci permettra de compenser les destructions d'emplois dans les anciens secteurs d'activité par des créations massives de postes dans les nouveaux.
A l'heure où la planète s'inquiète des tensions géopolitiques et des bruits de bottes ici et là, il serait temps de créer enfin un monde de croissance forte, avec une moindre dépendance au pétrole et sans flambée excessive des denrées alimentaires. Il ne s'agit pas d'un rêve, mais d'une nécessité.
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
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