En attendant, ne boudons notre plaisir : la BCE a pris la bonne mesure et a déjà permis à l'euro de baisser nettement, atteignant même les 1,12 dollar. Et pour ceux qui auraient tendance à oublier qu'une devise surévaluée est dangereuse, rappelons que les vecteurs de transmission d'un euro trop fort sur l'économie sont au nombre de trois. Premièrement, il augmente les prix des exportations, qui deviennent donc trop chères et finissent par reculer. Les entreprises exportatrices sont alors contraintes de réduire leur production, avec souvent des destructions d'emplois et de revenus à la clé.
Deuxièmement, un euro trop fort signifie que les prix des produits importés reculent. Si cette évolution peut être perçue comme un avantage, notamment pour les consommateurs nationaux, elle se traduit également par un effet pervers. En effet, si les produits importés sont moins chers, les producteurs nationaux voient la compétitivité-prix de leurs produits diminuer à vue d'œil. Ils perdent donc des parts de marché, réduisent la voilure et licencient. Les revenus sont abaissés et la consommation avec. Troisièmement, lorsque l'euro est trop cher, investir dans la zone euro depuis l'étranger devient très onéreux, tandis qu'investir à l'étranger devient meilleur marché pour un Eurolandais. Dès lors, les flux d'investissements étrangers vers l'UEM se tarissent et les flux d'investissements eurolandais à l'étranger augmentent, réduisant mécaniquement la croissance et l'emploi dans la zone euro.
Réciproquement, la baisse de l'euro produit les mêmes effets mais dans le bon sens : davantage d'exportations, plus de compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des produits importés, donc plus de parts de marché pour les premiers et, enfin, plus d'investissements étrangers dans l'UEM et moins de fuite de capitaux à l'extérieur de cette dernière.
Certes, la baisse de l'euro ne peut pas complètement changer la donne économique. L'atteinte d'un euro normal est une condition nécessaire mais pas suffisante pour relancer la croissance de manière forte et durable. Et ce, pour trois raisons principales. Primo, les écarts de compétitivité-prix au sein de la zone euro demeurent importants. Le niveau de l'euro est effectivement le même pour tous les pays de l'UEM. Ainsi, une dépréciation de la monnaie ne peut profiter exclusivement à la France. Dans ce contexte, la compétitivité-prix a plutôt trait aux différentiels de salaires entre États de la zone euro. Et sur ce point, la France peut faire beaucoup mieux. Nous voyons là l'importance d'engager une véritable réforme de modernisation de nos structures économiques, que nous appelons « thérapie de choc ».
Secundo, la compétitivité dite hors prix peut affecter durablement le commerce extérieur français. Elle se rapporte à la qualité de la production et au caractère innovant des produits nationaux. Or, en plein processus de désindustrialisation, il n'y a, a priori, aucune raison pour que la baisse de l'euro engendre une hausse relative de la qualité de la production hexagonale… Tertio, il ne faut pas oublier qu'une baisse de la devise ne produit ses premiers effets sur l'activité qu'environ six à neuf mois après avoir été enclenchée.
Au total, chaque fois que l'euro s'apprécie de 10 %, la croissance perd environ 0,5 point. Dès que la barre du 1,35 dollar pour un euro est franchie, cette déperdition de croissance pour 10 % d'appréciation est doublée. Plus globalement, en réduisant les prix des produits importés et en pesant négativement sur l'activité nationale, l'euro trop fort alimente les forces déflationnistes, qui sont d'ailleurs d'ores et déjà en mouvement dans l'UEM.
À l'inverse, lorsque l'euro se déprécie de 10 %, la progression de l'activité gagne 0,5 point. Et lorsqu'il passe sous 1,15 dollar, ce gain de croissance pour 10 % de dépréciation est également doublé. Une baisse de l'euro de 1,30 à 1,10 dollar rapportera environ 20 milliards d'euros à l'économie française, soit bien plus que les usines à gaz gouvernementales destinées à réduire les coûts qui pèsent sur les entreprises, sans d'ailleurs y parvenir véritablement. La croissance en sortira donc renforcée et le chemin de la réduction du chômage, des déficits et de la dette sera enfin emprunté. De quoi redorer le blason de notre économie, renforçant par là même sa compétitivité et l'installant ainsi dans un cercle vertueux durable.
En conclusion : oui, la France et la zone euro ont besoin d'un euro moins fort. Ne l'oublions jamais : la dernière fois que la croissance a été forte dans l'Hexagone et dans l'UEM, c'était en 1999-2000, lorsque l'euro valait environ 0,90 dollar. À l'inverse, chaque fois que l'euro a dépassé 1,20 dollar, la croissance s'est effondrée.
Attention cependant à ne pas aller trop loin, car un euro inférieur à un dollar pourrait également nuire à la crédibilité de l'UEM et susciter un mouvement de défiance à son égard. C'est d'ailleurs ce qui risque de se passer si les élections grecques relancent la crise de la zone euro. De plus, avec un euro trop faible, l'Allemagne pourrait de nouveau monter au créneau, aggravant le fossé qui la sépare de plus en plus de ses homologues. D'ailleurs, comme elle l'a montré en soulignant que la sortie de la Grèce de l'UEM était envisageable, puis en remontant les bretelles de Mario Draghi, Angela Merkel est vraisemblablement prête à aller au clash si la baisse de l'euro va trop loin. De quoi rappeler que la frontière entre le paradis et l'enfer est parfois bien mince.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Deuxièmement, un euro trop fort signifie que les prix des produits importés reculent. Si cette évolution peut être perçue comme un avantage, notamment pour les consommateurs nationaux, elle se traduit également par un effet pervers. En effet, si les produits importés sont moins chers, les producteurs nationaux voient la compétitivité-prix de leurs produits diminuer à vue d'œil. Ils perdent donc des parts de marché, réduisent la voilure et licencient. Les revenus sont abaissés et la consommation avec. Troisièmement, lorsque l'euro est trop cher, investir dans la zone euro depuis l'étranger devient très onéreux, tandis qu'investir à l'étranger devient meilleur marché pour un Eurolandais. Dès lors, les flux d'investissements étrangers vers l'UEM se tarissent et les flux d'investissements eurolandais à l'étranger augmentent, réduisant mécaniquement la croissance et l'emploi dans la zone euro.
Réciproquement, la baisse de l'euro produit les mêmes effets mais dans le bon sens : davantage d'exportations, plus de compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des produits importés, donc plus de parts de marché pour les premiers et, enfin, plus d'investissements étrangers dans l'UEM et moins de fuite de capitaux à l'extérieur de cette dernière.
Certes, la baisse de l'euro ne peut pas complètement changer la donne économique. L'atteinte d'un euro normal est une condition nécessaire mais pas suffisante pour relancer la croissance de manière forte et durable. Et ce, pour trois raisons principales. Primo, les écarts de compétitivité-prix au sein de la zone euro demeurent importants. Le niveau de l'euro est effectivement le même pour tous les pays de l'UEM. Ainsi, une dépréciation de la monnaie ne peut profiter exclusivement à la France. Dans ce contexte, la compétitivité-prix a plutôt trait aux différentiels de salaires entre États de la zone euro. Et sur ce point, la France peut faire beaucoup mieux. Nous voyons là l'importance d'engager une véritable réforme de modernisation de nos structures économiques, que nous appelons « thérapie de choc ».
Secundo, la compétitivité dite hors prix peut affecter durablement le commerce extérieur français. Elle se rapporte à la qualité de la production et au caractère innovant des produits nationaux. Or, en plein processus de désindustrialisation, il n'y a, a priori, aucune raison pour que la baisse de l'euro engendre une hausse relative de la qualité de la production hexagonale… Tertio, il ne faut pas oublier qu'une baisse de la devise ne produit ses premiers effets sur l'activité qu'environ six à neuf mois après avoir été enclenchée.
Au total, chaque fois que l'euro s'apprécie de 10 %, la croissance perd environ 0,5 point. Dès que la barre du 1,35 dollar pour un euro est franchie, cette déperdition de croissance pour 10 % d'appréciation est doublée. Plus globalement, en réduisant les prix des produits importés et en pesant négativement sur l'activité nationale, l'euro trop fort alimente les forces déflationnistes, qui sont d'ailleurs d'ores et déjà en mouvement dans l'UEM.
À l'inverse, lorsque l'euro se déprécie de 10 %, la progression de l'activité gagne 0,5 point. Et lorsqu'il passe sous 1,15 dollar, ce gain de croissance pour 10 % de dépréciation est également doublé. Une baisse de l'euro de 1,30 à 1,10 dollar rapportera environ 20 milliards d'euros à l'économie française, soit bien plus que les usines à gaz gouvernementales destinées à réduire les coûts qui pèsent sur les entreprises, sans d'ailleurs y parvenir véritablement. La croissance en sortira donc renforcée et le chemin de la réduction du chômage, des déficits et de la dette sera enfin emprunté. De quoi redorer le blason de notre économie, renforçant par là même sa compétitivité et l'installant ainsi dans un cercle vertueux durable.
En conclusion : oui, la France et la zone euro ont besoin d'un euro moins fort. Ne l'oublions jamais : la dernière fois que la croissance a été forte dans l'Hexagone et dans l'UEM, c'était en 1999-2000, lorsque l'euro valait environ 0,90 dollar. À l'inverse, chaque fois que l'euro a dépassé 1,20 dollar, la croissance s'est effondrée.
Attention cependant à ne pas aller trop loin, car un euro inférieur à un dollar pourrait également nuire à la crédibilité de l'UEM et susciter un mouvement de défiance à son égard. C'est d'ailleurs ce qui risque de se passer si les élections grecques relancent la crise de la zone euro. De plus, avec un euro trop faible, l'Allemagne pourrait de nouveau monter au créneau, aggravant le fossé qui la sépare de plus en plus de ses homologues. D'ailleurs, comme elle l'a montré en soulignant que la sortie de la Grèce de l'UEM était envisageable, puis en remontant les bretelles de Mario Draghi, Angela Merkel est vraisemblablement prête à aller au clash si la baisse de l'euro va trop loin. De quoi rappeler que la frontière entre le paradis et l'enfer est parfois bien mince.
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