Pour autant, comme l'écrivait Misha Defonseca dans « Survivre avec les loups » (Titre original : « Misha: A Mémoire of the Holocaust Years ») : « La peur n'évite pas le danger, le courage non plus. Mais la peur rend faible, et le courage rend fort. » Aussi, même si rien ne sera certainement plus jamais comme avant, il faut avoir le courage de se relever, de regarder la réalité en face et de continuer à dire la vérité, tout en faisant notre métier en toute honnêteté. Et cela passe notamment par répondre aux questions qui nous ont été posées dernièrement, sans polémique mais avec franchise. C'est ce que nous nous proposons de faire dans cette « humeur ».
Première question : est-il possible de mesurer l'impact économique des attentats du 13 novembre ? A ce stade, la réponse est négative. Certes, il est clair que la désertion des magasins, bars, restaurants à Paris mais aussi dans plusieurs villes françaises, ainsi que les nombreuses annulations de manifestations et de voyages touristiques ou professionnels ont réduit et vont encore amoindrir la marche des affaires dans l'ensemble de l'Hexagone. Toutes choses égales par ailleurs, une telle décélération de l'activité nationale pendant trois mois pourrait coûter entre 0,3 et 0,6 point de PIB. Ce n'est évidemment pas dramatique, mais cela représente environ la moitié de la croissance française annuelle. De quoi rappeler qu'une croissance structurelle molle est un véritable handicap.
Pour autant, rien n'est heureusement égale par ailleurs. Cela signifie donc que des « effets contrariants » pourraient atténuer ces impacts négatifs. A commencer par le développement accru des achats sur internet qui viendraient en partie compenser la faible fréquentation des magasins traditionnels (environ - 50 % pour les grands magasins parisiens depuis le 13 novembre). De plus, si le sentiment de sécurité revient assez rapidement, le manque à gagner des derniers jours pourrait être corrigé par un effet de rattrapage d'ici la fin de l'année. Et ce d'autant qu'un mouvement patriotique et de réaction face à l'horreur pourrait inciter les ménages à consommer encore plus. La dépense deviendrait alors un exutoire. A titre d'exemple, il faut ainsi noter que lors des attentats de 1986 et 1995, le PIB français n'a pas reculé.
Cela suppose néanmoins que les attentats cessent et qu'une nouvelle vague de terreur ne se produise pas, car, sinon, ces effets correctifs seraient décalés dans le temps, ce qui se traduirait par des ventes de fin d'année catastrophiques, avec, in fine, de graves conséquences pour la viabilité de certains commerces et entreprises, donc également pour l'emploi. Une hausse du chômage se produirait alors, affectant encore négativement la consommation, donc la croissance et l'emploi, et le cercle vicieux continuerait, suscitant certainement une récession dans l'Hexagone, qui ne manquerait pas d'aggraver encore les tensions sociales... Bref le cauchemar irait de mal en pis.
D'où une deuxième grande question : l'Etat peut-il inverser la tendance ? Malheureusement non ! D'ores et déjà et pour ne rien arranger, le gouvernement français a indiqué qu'il reportait sine die l'objectif d'une baisse des déficits publics à court terme, ce qui renvoie mécaniquement l'atteinte des 3 % de PIB aux calendes grecques. Et ce, avec la bénédiction de la Commission européenne. Il s'agit là d'un piège bien pernicieux. Bien entendu, la sécurité passe avant tout. En effet, sans sécurité, l'activité économique est condamnée.
Cependant, avec un poids des dépenses publiques de 57,2 % du PIB, est-il vraiment raisonnable de vouloir aller plus loin ? D'ailleurs, ce niveau déjà exorbitant n'a pas empêché la croissance de rester molle, le chômage de progresser et l'insécurité de s'aggraver. Nous touchons là à la question centrale de l'efficacité, et plus précisément de l'inefficacité de la dépense publique dans l'Hexagone. Autrement dit, il ne s'agit pas d'un problème de quantité mais de qualité de cette dernière. C'est sur ce point que l'on peut vraiment en vouloir aux dirigeants français depuis deux décennies. Car, en dépit de l'augmentation massive des dépenses publiques depuis plus de vingt ans, l'économie française s'est affaiblie, son chômage a flambé et les réseaux terroristes se sont installés. Laisser croire que c'est en les augmentant davantage que l'on va inverser la donne relève de la gageure et du mensonge d'Etat.
Nous retrouvons d'ailleurs ici l'importance de la réduction des déficits publics. Car s'il faut limiter ces derniers, voire atteindre régulièrement des équilibres budgétaires, ce n'est pas pour faire plaisir aux Allemands ou à l'Europe, mais pour pouvoir se constituer une marge de manœuvre utilisable en cas de situation difficile. Si tel avait été le cas de la France (qui, rappelons-le, n'a plus connu d'excédent public depuis 1974), elle serait aujourd'hui beaucoup mieux armée face à l'adversité et aux dangers qui menacent son avenir.
De plus, il est clair que l'augmentation prochaine des déficits publics de la France et donc de sa dette va finir par vraiment inquiéter les investisseurs, entraînant une forte dégradation de la note de la dette publique française, puis une nette augmentation des taux d'intérêt obligataires, ce qui réduira encore la croissance, aggravera le chômage, donc les déficits mais aussi les tensions sociales et sociétales…
A l'évidence, le manque de courage des dirigeants politiques français qui n'ont cessé de se voiler la face tant en matière de modernisation de l'économie française que de menaces terroristes internes depuis de trop nombreuses années commence vraiment à se payer très cher. Espérons donc qu'enfin le courage finira par dominer la peur…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Première question : est-il possible de mesurer l'impact économique des attentats du 13 novembre ? A ce stade, la réponse est négative. Certes, il est clair que la désertion des magasins, bars, restaurants à Paris mais aussi dans plusieurs villes françaises, ainsi que les nombreuses annulations de manifestations et de voyages touristiques ou professionnels ont réduit et vont encore amoindrir la marche des affaires dans l'ensemble de l'Hexagone. Toutes choses égales par ailleurs, une telle décélération de l'activité nationale pendant trois mois pourrait coûter entre 0,3 et 0,6 point de PIB. Ce n'est évidemment pas dramatique, mais cela représente environ la moitié de la croissance française annuelle. De quoi rappeler qu'une croissance structurelle molle est un véritable handicap.
Pour autant, rien n'est heureusement égale par ailleurs. Cela signifie donc que des « effets contrariants » pourraient atténuer ces impacts négatifs. A commencer par le développement accru des achats sur internet qui viendraient en partie compenser la faible fréquentation des magasins traditionnels (environ - 50 % pour les grands magasins parisiens depuis le 13 novembre). De plus, si le sentiment de sécurité revient assez rapidement, le manque à gagner des derniers jours pourrait être corrigé par un effet de rattrapage d'ici la fin de l'année. Et ce d'autant qu'un mouvement patriotique et de réaction face à l'horreur pourrait inciter les ménages à consommer encore plus. La dépense deviendrait alors un exutoire. A titre d'exemple, il faut ainsi noter que lors des attentats de 1986 et 1995, le PIB français n'a pas reculé.
Cela suppose néanmoins que les attentats cessent et qu'une nouvelle vague de terreur ne se produise pas, car, sinon, ces effets correctifs seraient décalés dans le temps, ce qui se traduirait par des ventes de fin d'année catastrophiques, avec, in fine, de graves conséquences pour la viabilité de certains commerces et entreprises, donc également pour l'emploi. Une hausse du chômage se produirait alors, affectant encore négativement la consommation, donc la croissance et l'emploi, et le cercle vicieux continuerait, suscitant certainement une récession dans l'Hexagone, qui ne manquerait pas d'aggraver encore les tensions sociales... Bref le cauchemar irait de mal en pis.
D'où une deuxième grande question : l'Etat peut-il inverser la tendance ? Malheureusement non ! D'ores et déjà et pour ne rien arranger, le gouvernement français a indiqué qu'il reportait sine die l'objectif d'une baisse des déficits publics à court terme, ce qui renvoie mécaniquement l'atteinte des 3 % de PIB aux calendes grecques. Et ce, avec la bénédiction de la Commission européenne. Il s'agit là d'un piège bien pernicieux. Bien entendu, la sécurité passe avant tout. En effet, sans sécurité, l'activité économique est condamnée.
Cependant, avec un poids des dépenses publiques de 57,2 % du PIB, est-il vraiment raisonnable de vouloir aller plus loin ? D'ailleurs, ce niveau déjà exorbitant n'a pas empêché la croissance de rester molle, le chômage de progresser et l'insécurité de s'aggraver. Nous touchons là à la question centrale de l'efficacité, et plus précisément de l'inefficacité de la dépense publique dans l'Hexagone. Autrement dit, il ne s'agit pas d'un problème de quantité mais de qualité de cette dernière. C'est sur ce point que l'on peut vraiment en vouloir aux dirigeants français depuis deux décennies. Car, en dépit de l'augmentation massive des dépenses publiques depuis plus de vingt ans, l'économie française s'est affaiblie, son chômage a flambé et les réseaux terroristes se sont installés. Laisser croire que c'est en les augmentant davantage que l'on va inverser la donne relève de la gageure et du mensonge d'Etat.
Nous retrouvons d'ailleurs ici l'importance de la réduction des déficits publics. Car s'il faut limiter ces derniers, voire atteindre régulièrement des équilibres budgétaires, ce n'est pas pour faire plaisir aux Allemands ou à l'Europe, mais pour pouvoir se constituer une marge de manœuvre utilisable en cas de situation difficile. Si tel avait été le cas de la France (qui, rappelons-le, n'a plus connu d'excédent public depuis 1974), elle serait aujourd'hui beaucoup mieux armée face à l'adversité et aux dangers qui menacent son avenir.
De plus, il est clair que l'augmentation prochaine des déficits publics de la France et donc de sa dette va finir par vraiment inquiéter les investisseurs, entraînant une forte dégradation de la note de la dette publique française, puis une nette augmentation des taux d'intérêt obligataires, ce qui réduira encore la croissance, aggravera le chômage, donc les déficits mais aussi les tensions sociales et sociétales…
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