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Vendredi 26 Mai 2023
Anne-Laure Allain

Entretien | Frédéric Montagnon - Arianee. « L’important est de démontrer que, grâce à la technologie, il n’y a plus de dépendance imposée »

Breitling, Lacoste, Richemont, Galeries Lafayette, Printemps, Panerai, Yves Saint Laurent Beauté, Ba&SH… Elles sont une cinquantaine de marques de luxe ou de l’équipement de la personne, à être membre d’une association de loi 1901 répondant au nom d’.arianee. Arianee ? c’est un protocole blockchain en open-source créé en 2017. Et, comme le mythe auquel son nom fait référence, depuis ses premiers pas dans les arcanes du WEB3, le protocole a tissé sa toile.
En 2022, les membres de renom* ont levé 20 millions d’euros auprès de Tiger Global avec l’appui de Bpifrance, Isai, Noia Capital, Cygni Labs, déjà présents au premier tour.
A la tête de cette organisation en qualité de Chairman : Frédéric Montagnon.
Connu dans le monde du Web2 pour avoir fondé et / ou co-fondé OverBlog, Teads, Secret Media, le serial entrepreneur nous accorde un peu de son temps pour nous orienter dans les dédales de ce dernier projet.
Par Anne-Laure Allain


Connu pour avoir été à l’origine de très belles success stories de la tech en France, vous avez co-fondé Arianee en 2017, pouvez-vous nous relater vos premiers pas dans le web3 ainsi que la genèse du projet ?

C’était il y a un peu plus de 10 ans vers 2011. J’étais alors parti à NY pour ouvrir le bureau de Teads et je faisais tous les workshops possibles liés à l’écosystème. Ce soir-là, dans cette arrière-cuisine d’un restaurant de Chinatown, je me suis retrouvé face à des personnes atypiques, presque des vrais anarchistes qui refaisaient le monde tout en évoquant le Bitcoin. En lisant le White Paper, j’ai trouvé cela génial. Ingénieur de formation, j’ai toujours baigné dans la tech mais je ne suis pas du tout sensibilisé aux problématiques monétaires et financières. Je me suis retrouvé face à des personnes qui construisaient des systèmes d’information dont la gouvernance est distribuée auprès des utilisateurs de ces systèmes.
Et, sans prononcer le terme révolutionnaire que je réprouve, pour moi c’était en rupture complète avec le système en place. C’est comme cela que j’ai été confronté pour la première fois à la notion de décentralisation et à ce nouveau paradigme technologique via l’arrivée du bitcoin.
Il y a beaucoup de domaines y compris dans la finance où l’on co-construit. Dans les coopératives, les mutuelles par exemple : les bénéficiaires ont l’habitude de se mettre autour de la table pour construire les choses ensemble.
En revanche, dans le numérique cela n’existait pas. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des grosses plateformes comme Facebook, Google ou Amazon se sont accaparé des places énormes. Elles ont réussi à mettre en place des modèles très vertueux : gérant tout pour leurs utilisateurs. Elles ont fini par dicter les règles avec toutes les dérives que l’on connaît. Ce qui pose le problème de la souveraineté.

Lorsque je découvre la décentralisation via le Bitcoin, je comprends que nous avons enfin une réponse technologique à un problème structurel. Une solution qui vient remplacer toutes les contraintes que les régulateurs essayent de mettre en place.
Si on redistribue les systèmes d’information, on peut les contrôler ou du moins remettre les intérêts du côté des utilisateurs.

Remettre les intérêts du côté des utilisateurs via la décentralisation, c’est un très beau projet, mais en pratique, on sait que ce n’est pas si simple d’un point de vue « expérience utilisateur », comment dépasser cela ?

Si on part du principe que l’intérêt général est de passer à la généralisation de ces architectures, Il y a deux façons d’envisager la mutation du marché.
Soit, on fait des produits qui sont directement accessibles aux utilisateurs. C’est-à-dire : en créant des monnaies nouvelles, des expériences, des NFT qui ont vocation à être directement mis dans les mains des utilisateurs…Dans ce cas, en étant réaliste, on se coupe d’une partie de la population comme la génération de nos parents qui n’ont pas ou plus forcément envie de changer de propositions de valeurs.
Soit, et c’est l’autre voie possible, on essaye de régler des problèmes qu’ont des entreprises qui, elles-mêmes, sont en contact avec les entreprises : les marques.
Avec Arianee, nous avons choisi de nous attaquer à cette seconde possibilité. Et, en particulier, au moteur économique de l’Internet qu’est la relation entre une marque et son client.
Aujourd’hui, une marque paye pour acheter des leads, des clics, des espaces de publicité. Le coût d’acquisition client est extrêmement cher. De l’autre côté, les plateformes, collectent de l’information et génèrent du business avec.
Nous sommes dans le cœur de la problématique du BtoB : les marques dépendantes des grosses plateformes n’ont pas la maîtrise de leurs données et donc de leur relation client.
Avec Arianee nous avons décidé de travailler sur cet aspect-là. A savoir la relation-client entre une marque et un utilisateur. Et, d’apporter à une solution à : comment recréer une relation client qui ne soit pas intermédiée et qui ne nécessite pas de données personnelles pour exister en utilisant des infrastructures décentralisées et des technologies web3.

Comment, techniquement, fonctionne Arianee pour offrir cette infrastructure décentralisée sur la blockchain?

Il est important de comprendre que nous ne sommes pas une blockchain : nous mettons à disposition des marques un ensemble de composants, de smart-contracts, de protocoles qui se déploient sur n’importe quelle blockchain même si nous avons choisi de nous déployer dans un environnement Ethereum. Nous avons fait ce choix, parce que nous pensons que c’est là qu’est en train de se bâtir l’ensemble des activités, des compétences. Mais s’il fallait changer ce serait faisable.
Nos technologies sont assez simples : nous permettons aux marques de représenter, sous forme de NFT, soit, la propriété d’un objet, soit un membership. Remis à leurs clients, le NFT permet d’ajouter de l’information à tout moment et de communiquer avec son propriétaire.
Arianee est donc un protocole blockchain en Open-source qui permet de créer un NFT, d’ajouter de l’information à ce NFT tout au long de la vie de ce NFT, et il permet aussi à la marque d’envoyer des messages auprès de son client.
Sur le papier, c’est effectivement assez simple. Cependant, dans l’utilisation de ce protocole, il y a tout un tas de complexités. Chaque marque possède déjà son système d’information, son CRM, ses outils de supply-chain. Il est donc nécessaire de connecter l’ensemble de ces outils à ces nouvelles technologies. Et cette partie est aussi gérée par Arianee.

Voilà pour le côté marque, mais comment cela se passe-t-il côté utilisateur ? Pouvez-vous nous donner un cas d’usage avec l’un de vos membres/clients ?

Oui, bien-sûr ! Breitling, la marque de montre de luxe, souhaitait numériser la notion de garantie. Sur ce sujet, en particulier dans ce secteur, il y a tout un tas de problématiques comme la date de début de garantie.
Désormais, au moment de l’achat d’une montre, on remet bien entendu l’objet au client mais aussi un NFT qui incarne sa propriété. Concrètement, dans le coffret, le propriétaire trouve un QR code. Une fois scanné, il est redirigé vers l’application Breitling, il se laisse guider en remplissant les informations demandées. Et, c’est ainsi que son NFT est envoyé dans son Wallet Breitling.
Grâce à ce NFT qui représente la propriété de la montre, vous avez de l’information sur son origine, sur sa garantie. Et, la marque peut proposer toute une panoplie de services et d’interactions avec le détenteur. Tout cela est invisible pour l’utilisateur.
Les utilisateurs les plus chevronnés peuvent, bien entendu, transférer ce NFT vers un autre Wallet. Quant à la série de mots-clefs, elle est téléchargeable depuis l’application.
La transparence est nécessaire pour inspirer de la confiance, même si nous pensons que la plupart des utilisateurs ne feront pas cette démarche. Nous mettons tout en place pour que l’utilisateur n’ait pas à s’en préoccuper, cependant s’il a envie de le faire : c’est faisable.

L’expérience sans couture visant presque à la disparition de la notion de NFT, est une des conditions à la généralisation du système ?

Exactement ! En revanche quand on aborde les enjeux de souveraineté numérique au sens large, il y a aussi une part de responsabilité et de compréhension de la part des utilisateurs. Lorsque l’on ne veut plus faire appel à un tiers, il y a forcément des contraintes qui se posent et il faut les accepter.
Pour moi, l’important est de démontrer que, grâce à la technologie, il n’y a pas ou plus de dépendance imposée. Et c’est déjà énorme !

Ce qui est énorme aussi c’est que vous ayez pu lever des fonds tout en étant une association de loi 1901 (sourires), ce qui est assez inhabituel en France, pouvez-vous nous détailler votre modèle économique ?

Nous suivons un modèle économique assez courant aux Etats-Unis dans le monde du logiciel, à l’instar de Wordpress, mais il est vrai, assez peu développé en France.
Donc, d’un côté vous avez .arianee Project, l’association de loi 1901 hébergeant le protocole en open source et, de l’autre, .arianee SAS qui est une entreprise de logiciel en mode SaaS (Software as a Service).
L’association a quasiment autant de membres que d’utilisateurs. Chaque entreprise qui utilise le protocole a la possibilité d’être membre ce qui lui permet d’avoir toute l’information en amont sur les projets, d’avoir une voix au chapitre. Aujourd’hui, il y a une cinquantaine de membres fondateurs et une cinquantaine de marques. A termes, si elles le désirent, les marques pourront décider de se passer de nos services puisque c’est prévu dans nos statuts de gouvernance. Mais pour l’instant elles sont encore très demandeuses de notre accompagnement.

Voilà pour l’organisation mais d’où proviennent vos sources de revenus ?

Financièrement parlant, au même titre qu’un service de Cloud, l’utilisation du protocole est payante tout comme l’est la création d’un NFT ou l’envoi d’un message à un client. A court terme, nous aimerions que ces revenus générés rendent l’association indépendante, ce qui n’est pas encore le cas. A côté de cela, toujours pour l’association, vous avez l’adhésion qui demande que chaque marque s’acquitte d’une cotisation annuelle.
Toutes ces transactions sont effectuées via un token qui s’appelle le $Aria20 qui ne sert qu’à faire fonctionner le protocole. Nous avons souhaité ce token spécifique pour créer de l’alignement d’intérêt et nous rendre indépendants des autres protocoles.
Par ailleurs, le fait d’avoir un token qui représente le protocole cela entre dans notre proposition de valeur. Plus le protocole va fonctionner et plus ce token va prendre de la valeur. Ce qui permet aussi, à des investisseurs de se positionner.

En parallèle, nous avons assez rapidement compris que les marques n’allaient pas se servir directement du protocole et qu’elles avaient besoin d’avoir une suite de logiciels à connecter directement sur leur salesforces, sur leur SAP…Nous avons donc une société - arianee SAS - qui développe du logiciel en mode Saas et nous vendons cette plateforme qui permet d’utiliser ce protocole.
(NDLR : Arianee ne disclose pas ses revenus)

Avec des marques comme Lacoste, Yves Saint Laurent Beauté ou Panerai, vous êtes aujourd’hui très spécialisé dans le luxe ou l’équipement de la personne, avez-vous vocation à vous adresser à d’autres secteurs ?

Nous allons de manière très active vers le secteur des vins et spiritueux, l’automobile et l’électroménager.
Nos idées, s’appliquent à tous les objets qui ont une valeur perçue importante. Cela ne veut pas dire que ce sont des objets de valeur ou chers mais qui ont de la valeur ou qui rendent un service jugé important, comme un micro-ondes.
Dans l’électroménager, Il y a énormément de réflexion quant au droit à la réparation de façon à lutter contre l’obsolescence programmée. Les marques vont devoir ajouter de plus en plus de services par rapport à cela.

Qu’est-ce qui vous motive Frédéric Montagnon, après tout, après vos précédentes aventures entrepreneuriales vous auriez pu vous arrêter ?

Ce qui m’anime aujourd’hui, c’est réellement le problème de souveraineté.
A part la Chine et les Etats-Unis, quels sont les États dans le monde qui peuvent se targuer d’avoir réellement la main sur leurs infrastructures sans dépendre de personne ? Je pense que c’est extrêmement dangereux et qu’il faut régler ce problème d’hégémonie des plateformes.

Propos recueillis par Anne-Laure Allain

Les Fondateurs d'Arianee :
Pierre-Nicolas HURSTEL, PDG d'Arianee — Fondateur de ReMode. Partenaire et co-fondateur du cabinet de conseil en stratégie Blue Change ainsi que curateur de la communauté en ligne de la Fondation.
Julien ROMANETTO, CIO d'Arianee — actionnaire de nombreuses entreprises (Overblog, Teads, Secret Media, CryptoFarm) et expert en crypto et conseiller dans plusieurs ICO à succès.
Alexandre COGNARD, CTO d'Arianee — serial entrepreneur (agences web, e-commerce et Vestiaire Collective, FDM) et ancien CTO de @Vestiaire Collective.
Luc JODET, le directeur exécutif d'Aria Labs - l'ancien d'une entreprise du Fortune 500 est devenu entrepreneur (agence de conception de services, marché BUYECO) et maintenant Partner web3/crypto chez XAnge (un VC clé dans l'UE).
et
Frédéric MONTAGNON, Président du Directoire — serial entrepreneur (Overblog, Teads, Secret Media, LGO) et 7ème investisseur startup en France. Spécialiste de la blockchain depuis 2013.


Liste d'une partie des marques faisant confiance à Arianee :
Ledger, The Sandbox, Club Identicar, Lukso, Place2swap, Ethiwork, Reflaunt, Evrthng, Nelly, Rodi, IBM, Emakina, Dentsu, Unifab lab, GS1, Cask 88, Awake Concept, Jacques Marie Mage, Nivose, Kerbedanz, RSVP, Bremont, Verlan, Mugler, Satoshi Studio, March Lab, Roger Dubuis, Richemont, Moncler, Panerai, Breitling, Vacheron Constantin, Vestiaire Collective, Any Block, Audemars Piguet, Wunderman, Laava, Stiss, Neyret, ISRA Cards, Mazars...

A propos d'Arianee
Fondée en 2018, Arianee est la première plateforme de solutions d’engagement web3 pour les marques. Arianee se compose d’une association - Arianee Project - qui rassemble de grandes marques et entreprises tech autour de son protocole open source et d’une entreprise tech - Arianee SAS - qui se focalise sur le développement et la distribution du protocole open-source d’Arianee, basé sur la blockchain. Les solutions technologiques web3 développées par Arianee - de la plateforme de gestion de NFTs, aux wallets et aux outils du web3 (Token Gating, NFT store) - permettent aux marques de Recruter, engager et fidéliser leur communauté avec les NFTs et le web3. Avec Arianee, elles peuvent créer des NFTs enrichis et dotés de fonctionnalités exclusives et uniques. Arianee rassemble de grandes marques telles que le groupe Richemont, L'Oréal, Breitling, Paris Fashion Week, Moncler, Lacoste ainsi que des partenaires technologiques, dont POAP et The Sandbox, dans sa vision de construire un internet décentralisé.
(NDLR : ce texte a été fourni par l'agence de communication. Le projet Arianee a bien été lancé en août 2017 - le protocole est venu plus tard)
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