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Vendredi 1 Décembre 2023
Anne-Laure Allain

Entretien | Antoine Lemarchand, Family Offices Mercator et Nouvel Atlas. « Les Family Offices sont aussi là pour épauler les entreprises qui ne rentrent pas dans le scope des fonds d’investissement »

L’annonce est tombée : Nouvel Atlas entre au capital de PadelShot. A priori, rien à voir avec Finyear…
Nous sommes bien loin du WEB3, des Fintechs et du quotidien des institutions du Corporate Finance (oui ? Non ?)
Si éloignés, vraiment ? Et puis c’est quoi ou c’est qui, Nouvel Atlas ?
Nouvel Atlas, c’est un family office, une filiale à 100 % de Mercator, le family office de la famille Lemarchand, les fondateurs de Nature & Découvertes, l’enseigne cédée au groupe Fnac Darty en 2019.
En regardant de plus près, on se rend compte que Mercator est, entre autres, aux côtés de fonds d’investissement comme LBO France, Turenne Capital, Alter Equity, Phitrust…
Au moment où le monde du PE a le mot « impact » au bord du portefeuille ; où les entreprises sont toutes dans les starting-blocks pour préparer leur rapport RSE et autre audit de durabilité, on s’est dit que cela valait peut-être la peine de poser quelques questions, notamment sur les Family Offices et leur mode de fonctionnement.
Par chance, Antoine Lemarchand - fils de Françoise & François Lemarchand, fondateurs de Nature & Découvertes -, Vice-Président de Mercator et de Nouvel Atlas, a bien accepté d’y répondre.
Petite leçon de « family office » et de leurs relations avec le Private Equity avec l’une des figures de proue de l’impact en France.

Par Anne-Laure Allain


Vice-Président de Mercator, le Family Office historique de votre famille, Président de Nouvel Atlas, une structure plus récente créée en 2021, pouvez-vous nous expliquer comment se structurent vos différentes activités ?

Antoine Lemarchand, Vice-Président des Family Offices Mercator & Nouvel Atlas
Antoine Lemarchand, Vice-Président des Family Offices Mercator & Nouvel Atlas
Pour comprendre, il faut partir de Mercator et de son histoire. Depuis 35 ans maintenant, nous avons cette holding : Mercator. Avant Nature & Découvertes (fondée en 1990) mes parents avaient repris les activités d’une enseigne de meubles exotiques, Pier Import, qui comprenaient un entrepôt logistique à Wissous (91). Un ensemble, auquel s’est rajouté en 1990, la marque et les actifs de Nature & Découvertes.
Lorsque nous avons vendu N&D au groupe Fnac Darty (printemps 2019), Mercator a récupéré la plus-value de la vente. La question s’est alors posée de savoir ce que nous allions en faire, nous qui avions toujours été une famille d’entrepreneurs.
Mon père était resté 19 ans à la tête de N&D, moi 12 ans. Très sincèrement, si la crise Covid n’avait rebattu les cartes du retail, je serais resté dans ce groupe, que je connaissais bien et que j’apprécie, pour accompagner N&D en shop-in-shop. Mais voilà…
L’aventure de Mercator en tant que family office a donc commencé ainsi.

Pour quelle raison avez-vous eu envie de vous lancer, après tout vous pouviez aussi bénéficier d’un peu de « farniente » ? (Sourires)

Nous sommes une famille d’entrepreneurs et nous appréciions aussi la partie « sociologique » que nous apportait Nature & Découvertes. J’entends par là : aussi bien notre engagement « Nature/Impact » que, notre engagement auprès des fournisseurs/entrepreneurs.
Parfois, il m’arrivait d’être des deux côtés du comptoir, agissant plus comme un Operating Partner, un coach que comme un donneur d’ordres, jusqu’à la quasi-schizophrénie sur mes propres marges (rires). Donc cela me manquait…
Par ailleurs, dans l’univers du Private Equity, vous rencontrez parfois des personnes déconnectées du quotidien du monde des entreprises se contentant de faire des relevés de performances.
Or, notre vécu nous permet de mieux comprendre ce qui se passe dans la vraie vie d’une entreprise. En particulier dans le retail où l’accueil des clients et leurs aspirations, nous tenaient à cœur. Nous tenions à nous investir aux côtés de cette évolution, notamment sur toute la partie transition écologique.

Comment a commencé votre engagement auprès des fonds d’investissement ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples de fonds que vous épaulez ?

J’ai d’abord commencé à m’intéresser à ce que faisait d’autres Family Offices, pour comprendre le fonctionnement. Avec la montée de l’importance de l’impact, et le tapage médiatique autour de la vente de Nature & Découvertes, nous avons très vite été identifiés par plusieurs fonds.
Il faut se souvenir que N&D était très engagé sur l’ESG. Nous avons été la première entreprise française à avoir un rapport RSE dès 1993, à l’intérieur duquel, tous les ans, nous décrivions nos réussites mais aussi nos échecs. En 2007, nous avons été, une des premières structures à établir une double comptabilité Carbone/Euro.
Nous avons aussi été la première à être sous le label BCorp Euro en 2015…
De ce fait, pas mal de fonds nous approchent pour que nous soyons parmi leurs LP’s ou présents au sein de leur comité Impact/ESG.
Aujourd’hui, via la holding Mercator, nous sommes dans une quinzaine de fonds cotés et non cotés. A l’instar de Turenne Capital, très engagé auprès de PME françaises à fortes connotations ESG ; de LBO France, qui a une très forte exigence aussi sur cette partie. Nous soutenons, Fanny Picard et son fonds Alter Equity.
Nous sommes aussi dans des fonds plus « early », orientés dans la tech pour l’environnement comme Future Positive Capital ou encore des fonds à TRI plus faibles mais engagés : Investir&+ ou Phitrust. Nous avons suivi Guillaume Poitrinal (NDLR : ex-dirigeant d’Unibail-Rodamco devenue Unibail-Rodamco Westfield, promoteur de nombreux centres commerciaux européens), au sein d’IcaWood, un fonds dédié aux projets bas carbone.

Comment travaillez-vous aux côtés de ces fonds d’investissement en tant que LP’s ?

Au-delà de la caution « Nature & Découvertes », nous avons une position assez « activiste » auprès des fonds en les poussant à choisir leurs combats en matière d’ESG.
Parfois, leur activité en la matière se limite à des grilles composées de dizaines, voire de centaines de lignes sur lesquelles il faut faire un « check » ! Et cela peut aller dans tous les sens : de l’inclusion LGBT+, au handicap en passant par le bilan Carbone.
De notre côté, nous souscrivons sur nos trois combats. Sur le E (Energie), il s’agit de la consommation Carbone. Pour le S (Social), nous militons pour l’actionnariat salarié. Et pour le G (Gouvernance), nous poussons les structures à solliciter des appartenances à des labels comme BCorp ou à une qualité d’entreprise comme Entreprise à Mission.
Ce choix des combats est essentiel pour nous. Car l’ESG c’est aussi beaucoup de bureaucratie, sans parler des normes nationales et européennes. Nous leur rappelons qu’il faut être vigilant sur ce point car un chef d’entreprise, pris dans le quotidien, n’a pas le temps de répondre à tous ces tableaux. Et, malgré son engagement, cela peut créer des points de crispation.

Comment expliquez-vous cet engouement devenu plus prégnant de la part des fonds, vous qui êtes engagés, avec votre famille, depuis plus de 30 ans ?

Bien entendu, il y a l’urgence climatique qui s’est fait entendre et l’engagement qui en a découlé, notamment auprès des jeunes générations. Mais si l’on regarde d’un point de vue purement économique, gestion d’entreprises, il y a plusieurs petites choses qui se passent en même temps. Aujourd’hui, les marges sont de plus en plus compliquées à obtenir. Donc, les dirigeants essayent de passer en revue l’ensemble des process afin de gagner en sobriété. Et tant qu’à faire à ôter un film plastique dans un packaging, pourquoi ne pas parler d’écologie ? C’est très pragmatique, mais si cela a des vertus impact : pourquoi pas !
L’autre raison est le recrutement de nouveaux clients comme de nouveaux membres dans une équipe en interne. Aujourd’hui, si vous n’avez pas dans votre offre une option sociale, vertueuse, un engagement à faire valoir, il peut y avoir une défiance des clients comme des futurs employés.
Le marché est comme cela. Mais paradoxalement, ce n’est pas ce qui se vendra le mieux !
Un primeur est obligé d’avoir des produits bio mais la réalité du portefeuille, de l’inflation fait qu’ils risquent de vous rester sur les bras.
Quant à la nouvelle génération, si vous ne savez pas communiquer sur vos valeurs, si vous n’avez pas d’offre vertueuse dans votre entreprise : elle refusera de travailler pour vous !

Voilà pour les entreprises, mais pour les fonds d’investissement. Pourquoi un tel déploiement en ce moment ?

Tout simplement parce qu’eux aussi margent mieux dans ces cas-là. A plus forte raison lorsqu’il y a de la Recherche & Développement qui peut être monétisée. Ils ont aussi une vision sur le long terme. Concrètement, s’ils ne se lancent pas maintenant, cela va leur coûter beaucoup plus cher dans 10 ans. Et honnêtement, un monde à +4°C n’est pas assurable !
Conscients de cela, certains acteurs du private equity se sont déjà extrêmement bien structurés pour accompagner les entreprises dans leurs démarches.

Pourquoi avoir lancé Nouvel Atlas, votre nouveau Family Office qui, lui, investit en direct dans les entreprises ?

Sincèrement, il est vrai qu’agir en qualité de LP’s a un côté rassurant. En tant qu’investisseur, vous bénéficiez d’une répartition des risques. Pour schématiser : quand vous abondez dans un fonds LBO classique, vous avez une quinzaine de souscriptions. Sur celles-ci, vous avez 5/6 grands succès, deux échecs et un solde de participations présentant des résultats assez moyens. Parfois certaines sociétés de gestion, nous proposent d’être au « board » de leurs participations mais attention pas dans le cas où nous sommes investisseurs indirects, uniquement lorsque ce sont des fonds différents, dans lesquels ne nous sommes pas LP’s.
Cependant, nous sommes réellement des entrepreneurs et pas du tout des financiers et nous avons besoin d’être connectés à ce monde.
C’est la philosophie de Nouvel Atlas : être une structure d’accompagnement financier mais aussi managérial avec un apport stratégique. Nous sélectionnons de petites structures (500 000 euros de CA minimum) mais surtout pas des startups.
Et, parmi elles, il y a des fournisseurs de Nature & Découvertes que je souhaitais continuer à accompagner. C’étaient et, ce sont toujours des pépites qui étaient très dépendantes de l’enseigne. En sélectionnant nos 380 fournisseurs, nous avons pu apprécier ce tissu entrepreneurial français de très petites entreprises. Souvent très engagées dans l’artisanat, le sport, l’éducation, le bien- être mais dans le regret de ne pas pouvoir être épaulé par des fonds tant que qu’elles n’avaient pas franchi la barre des 10 millions d’euros de CA.

Comment êtes-vous organisés ?

Nouvel Atlas est né en novembre 2021, et c’est une filiale à 100 % de Mercator. Je suis Vice- Président des deux structures, mon père est Président d’honneur et je viens de nommer Marie-Noëlle de Pembroke en qualité de Directrice Générale. Elle va superviser toute la partie immobilier et LP’s du Family office. Pour ma part, je vais me concentrer sur les participations directes via Nouvel Atlas.
A ce jour, nous avons une douzaine de participations. Nous sommes, par exemple, les 2nd actionnaires de Millet-Lafuma. Nous épaulons aussi les télescopes connectés, Vaonis. Ou encore Schoolab qui est une sorte d’innovation-campus pour les entreprises, souhaitant détacher des salariés pour un projet connexe.
Je reste concentré sur les entreprises qui accompagnent la transition écologique dans les domaines de l’artisanat, du sport, de l’éducation et du bien-être.

En tant que Family Office, vous vous positionnez de ce fait, comme un investisseur potentiel entre les banques traditionnelles et les fonds d’investissement ?

Exactement ! Il y a un réel Gap en France, hors des radars du scope des startups. Vous avez beaucoup de petites entreprises sous les 5 millions d’euros de CA qui ont besoin d’être épaulées mais regrettent de n’intéresser personne.

Donc, les Family Offices sont des « alternatives » ou des atouts pour certaines entreprises ? Pourquoi est-ce si peu connu du grand public, et surtout, des entrepreneurs ?

Déjà, certains FO qui sont cotés à l’instar de celui de la famille Peugeot sont forcément visibles du moins, pour ceux qui lisent la presse financière. Mais, il est vrai que dans les pays anglo-saxons, ils sont beaucoup plus présents.
En France, il y a peut-être une certaine discrétion, une pudeur par rapport à l’argent. Le fameux « pour vivre heureux, vivons cachés ! » (sourires). Pourtant, beaucoup d’entrepreneurs ou d’ex-entrepreneurs épaulent les entreprises de manière, peut-être, plus silencieuse.
Du côté des entreprises, nous sommes encore assez méconnus. Ces entreprises situées dans le « Gap » que nous avons déjà évoqué pensent à solliciter les banques pour de la dette, ou les fonds, mais ne sollicitent pas forcément les familles.
Or, nous pouvons vraiment les épauler surtout en ce moment où il y a les PGE à rembourser et où beaucoup d’entrepreneurs se retrouvent à court de trésorerie.
Au-delà de l’apport d’argent, nous pouvons, à notre échelle, servir d’exemple, les accompagner, trouver des associés au sein d’autres familles et même, trouver des deals ou des cibles, si le besoin de croissance externe se fait sentir.

Comment peuvent faire ces entrepreneurs pour vous solliciter et à quoi doivent-ils être vigilants ?

La bonne vieille méthode : le téléphone, le bouche-à-oreille (rires) ! Il y a, aujourd’hui, de plus en plus d’associations de family-offices et de multi-family offices. Il faut aussi comprendre avant de nous solliciter, quelles sont nos orientations d’investissement.
Pour ma part, je tiens à respecter ma feuille de route et je ne souhaite pas chasser sur les terres des fonds d’investissement que j’accompagne. Cependant, il peut être intéressant d’avoir à son tour de table, un fonds et un family office.
Nous avons des apports très complémentaires. Un family office qui est dans sa sphère de connaissance, peut, au quotidien avoir un regard sur le retail, la commercialisation ou encore les différentes étapes à franchir pour l’entrepreneurs. Nous restons proches de l’opérationnel.
Autre point à considérer : nous apportons une approche du capitalisme à la fois plus lente et plus agile. Comme il s’agit de notre argent, nous n’avons pas de pression pour partir et, nous pouvons aussi nous décider plus vite.
En revanche, nous avons aussi nos défauts. Nous sommes beaucoup moins structurés que les fonds dans cette partie process et reporting. Nous jouons beaucoup plus les relations humaines et pardonnons parfois des écarts, des retards, des faiblesses.
Or, ne pas prendre la bonne décision en amont, peut impacter sur le business. Par ailleurs, lors des opérations de build-up un peu complexes, nous ne sommes pas aussi bien équipés que les fonds.
Quand nous sommes en binôme, notre vision est très complémentaire et bénéfique pour l’entrepreneur !

Regrettez-vous que les Family Offices ne fassent pas, plus, parler d’eux ?

Sincèrement ? Oui !

Propos recueillis par Anne-Laure ALLAIN

A propos d’Antoine Lemarchand
Après avoir co-fondé la marque de lifestyle Résonances, Antoine Lemarchand a dirigé pendant 12 ans Nature & Découvertes, fondée en 1990 par ses parents. En 2019, l’entreprise a rejoint le groupe FNAC Darty. Depuis septembre 2021, Antoine est le Vice-Président du family office Mercator et dirigeant de Nouvel Atlas, holding investissant directement au capital d’entreprises de croissance dans les domaines du sport, de l’éducation et du commerce lifestyle.

A propos de Nouvel Atlas :
Crée en 2021, et pilotée par Antoine Lemarchand, CEO, Nouvel Atlas est une filiale à 100% de Mercator, le family historique de la famille Lemarchand. Elle est dédiée aux participations directes dans des entreprises, ETI, PME, scale-up liées au sport Outdoor et Indoor, à l’éducation et aux savoirs faire artisanaux français désirant une forte croissance dans le commerce offline et online. Antoine Lemarchand a succédé à son père François en tant que CEO de Nature & Découvertes pendant 12 ans. Fin 2019, la société a rejoint le groupe FNAC-DARTY qui détient dorénavant 100% du capital.
Nouvel Atlas

A propos de Mercator :
Mercator est le family office historique de la famille Lemarchand. La société investit dans l’immobilier d’activité basse consommation ainsi que dans des fonds cotés et non cotés dédiés à l’impact bénéfique sur le social et l’environnemental en Europe. Son équipe est de 10 personnes.





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