Ainsi, en dépit de la flambée de la dette publique depuis le début 2008 (+ 852 milliards d'euros et + 33,2 points de PIB), personne ne s'en émeut et surtout pas les dirigeants politiques français. Certes, il faut reconnaître que rapporter le stock de dette publique au flux de création de richesses (c'est-à-dire le PIB) a peu de sens. En effet, que ce soit pour un ménage, une entreprise et a fortiori un État, il est normal que sa dette dépasse son revenu annuel, sinon il ne serait pas utile de s'endetter. De plus, la dette est souvent saine. Elle permet normalement d'investir, d'embaucher, de consommer, et in fine de soutenir l'activité et l'emploi à l'échelle de la nation.
En revanche, ce qui est beaucoup plus problématique, c'est lorsque cette dette ne génère pas suffisamment de croissance, donc d'activité, de business ou encore de revenus, simplement pour assurer le paiement annuel des intérêts de la dette. Dans ce cas, pour payer ces derniers, il faut encore augmenter son endettement, qui devient alors explosif et se transforme en surendettement. Pis, cette situation finit par obliger le surendetté à vendre ses actifs, son patrimoine immobilier, voire ses propres biens, avec, en bout de course, la faillite.
Le problème n'est donc pas la dette, mais la capacité de l'endetté à la rembourser, c'est-à-dire à la rendre supportable. On parle alors de soutenabilité de la dette. Bien entendu, dans la mesure où l'horizon temporel des États est bien plus étendu que celui des ménages et des entreprises, il serait possible de laisser croire qu'ils n'obéissent pas à cette règle de bon sens. Comme disait l'économiste Keynes : à long terme, nous serons tous morts. En revanche, les États perdureront. Au travers de cette analyse, certains ont cru déceler un blanc-seing pour pouvoir augmenter la dette publique indéfiniment. « Au diable l'avarice ! » nous disent-ils. Que l'État s'endette ! Augmentons les dépenses et faisons confiance aux générations futures pour assurer le « service après-vente ».
Ce comportement est évidemment irresponsable. D'abord pour les générations à venir, mais aussi pour celles qui doivent gérer l'explosion de la dette. Et c'est aujourd'hui notre cas. En effet, bien loin d'avoir contracté une dette soutenable, l'Etat français a dépensé sans compter, et surtout en toute inefficacité. Ainsi, depuis 2008, la croissance n'est que de 0,4 % par an, et ce faisant, l'Etat français doit s'endetter davantage simplement pour payer les intérêts de sa dette. C'est ce que l'on appelle la bulle de la dette, qui ne cesse de gonfler et continuera de le faire tant que la croissance molle perdurera, et a fortiori lorsque les taux d'intérêt des obligations du Trésor, qui restent anormalement bas, remonteront.
Il est donc urgent de réagir. Il faut notamment responsabiliser les Français, et a fortiori nos dirigeants politiques, qui doivent enfin comprendre que c'est en menant des réformes structurelles massives (baisse de la pression fiscale, réduction des dépenses publiques, notamment de fonctionnement, réduction du coût du travail, fluidification du marché de l'emploi…) que nous sortirons par le haut de cette crise qui n'en finit plus.
Malheureusement, le second évènement de la semaine, en l'occurrence le PLF 2016, nous montre que nous en sommes toujours très loin. Certes, il y a bien l'annonce du prélèvement à la source (que nous appelons de nos vœux depuis des années et encore dernièrement dans « Guérir la France La thérapie de choc »), mais ce sera pour 2018… si tout va bien... De même, il y a bien quelques baisses d'impôts ici ou là, mais elles seront compensées par d'autres prélèvements.
Au-delà de ces promesses qui n'engagent que ceux qui veulent bien y croire et qui ne seront certainement pas tenues, il y a encore plus grave. A savoir, un véritable problème de construction, voire toute une série de mensonges, qui rendent le PLF caduc avant même qu'il ne soit mis en musique. Il y a évidemment, comme tous les ans, des prévisions de croissance trop éloignées de la réalité. Et notamment pour le 1,5 % annoncé pour 2016. Nous serons au mieux à 0,9 %.
Ensuite, il y a des problèmes techniques assez surprenants. Par exemple, la prévision d'une croissance du PIB pour 2015 de 1 % en volume (c'est-à-dire hors inflation) et de 2 % en valeur, alors que la prévision d'inflation du gouvernement n'est que de 0,1 %. Même si le déflateur du PIB est parfois plus fort que l'inflation des prix à la consommation, il y a donc clairement un problème de calcul. D'ailleurs, pour 2016, les prévisionnistes de Bercy ont retrouvé leurs esprits, puisqu'ils annoncent une croissance de 1,5 % en volume, de 2,5 % en valeur et une inflation de 1 %. Même s'il ne s'agit peut-être que d'une erreur de frappe pour l'année 2015, avouons que cela fait désordre.
Mais ce n'est pas tout. Ainsi, pour 2015, Bercy annonce une dette publique de 96,3 % du PIB, alors qu'elle est déjà de 97,6 % au deuxième trimestre. Cela relève donc du miracle. De même en ce qui concerne le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB qui passerait de 44,9 % en 2014 à 44,6 % cette année et 44,5 % l'an prochain. Que dire alors des dépenses publiques à 55,8 % cette année, alors qu'elles atteignaient déjà 57,2 % au deuxième trimestre, ou encore du déficit public à 3,3 % en 2016 ?!
Bref, comme tous les ans depuis environ une quinzaine d'années, le PLF est un tissu de mensonges agencés pour endormir les Français, les marchés financiers et les investisseurs internationaux. Mais le plus impressionnant c'est qu'en dépit des contre-vérités et des dérapages permanents qui entourent l'élaboration du budget depuis bientôt deux décennies, l'envoûtement fonctionne toujours…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
En revanche, ce qui est beaucoup plus problématique, c'est lorsque cette dette ne génère pas suffisamment de croissance, donc d'activité, de business ou encore de revenus, simplement pour assurer le paiement annuel des intérêts de la dette. Dans ce cas, pour payer ces derniers, il faut encore augmenter son endettement, qui devient alors explosif et se transforme en surendettement. Pis, cette situation finit par obliger le surendetté à vendre ses actifs, son patrimoine immobilier, voire ses propres biens, avec, en bout de course, la faillite.
Le problème n'est donc pas la dette, mais la capacité de l'endetté à la rembourser, c'est-à-dire à la rendre supportable. On parle alors de soutenabilité de la dette. Bien entendu, dans la mesure où l'horizon temporel des États est bien plus étendu que celui des ménages et des entreprises, il serait possible de laisser croire qu'ils n'obéissent pas à cette règle de bon sens. Comme disait l'économiste Keynes : à long terme, nous serons tous morts. En revanche, les États perdureront. Au travers de cette analyse, certains ont cru déceler un blanc-seing pour pouvoir augmenter la dette publique indéfiniment. « Au diable l'avarice ! » nous disent-ils. Que l'État s'endette ! Augmentons les dépenses et faisons confiance aux générations futures pour assurer le « service après-vente ».
Ce comportement est évidemment irresponsable. D'abord pour les générations à venir, mais aussi pour celles qui doivent gérer l'explosion de la dette. Et c'est aujourd'hui notre cas. En effet, bien loin d'avoir contracté une dette soutenable, l'Etat français a dépensé sans compter, et surtout en toute inefficacité. Ainsi, depuis 2008, la croissance n'est que de 0,4 % par an, et ce faisant, l'Etat français doit s'endetter davantage simplement pour payer les intérêts de sa dette. C'est ce que l'on appelle la bulle de la dette, qui ne cesse de gonfler et continuera de le faire tant que la croissance molle perdurera, et a fortiori lorsque les taux d'intérêt des obligations du Trésor, qui restent anormalement bas, remonteront.
Il est donc urgent de réagir. Il faut notamment responsabiliser les Français, et a fortiori nos dirigeants politiques, qui doivent enfin comprendre que c'est en menant des réformes structurelles massives (baisse de la pression fiscale, réduction des dépenses publiques, notamment de fonctionnement, réduction du coût du travail, fluidification du marché de l'emploi…) que nous sortirons par le haut de cette crise qui n'en finit plus.
Malheureusement, le second évènement de la semaine, en l'occurrence le PLF 2016, nous montre que nous en sommes toujours très loin. Certes, il y a bien l'annonce du prélèvement à la source (que nous appelons de nos vœux depuis des années et encore dernièrement dans « Guérir la France La thérapie de choc »), mais ce sera pour 2018… si tout va bien... De même, il y a bien quelques baisses d'impôts ici ou là, mais elles seront compensées par d'autres prélèvements.
Au-delà de ces promesses qui n'engagent que ceux qui veulent bien y croire et qui ne seront certainement pas tenues, il y a encore plus grave. A savoir, un véritable problème de construction, voire toute une série de mensonges, qui rendent le PLF caduc avant même qu'il ne soit mis en musique. Il y a évidemment, comme tous les ans, des prévisions de croissance trop éloignées de la réalité. Et notamment pour le 1,5 % annoncé pour 2016. Nous serons au mieux à 0,9 %.
Ensuite, il y a des problèmes techniques assez surprenants. Par exemple, la prévision d'une croissance du PIB pour 2015 de 1 % en volume (c'est-à-dire hors inflation) et de 2 % en valeur, alors que la prévision d'inflation du gouvernement n'est que de 0,1 %. Même si le déflateur du PIB est parfois plus fort que l'inflation des prix à la consommation, il y a donc clairement un problème de calcul. D'ailleurs, pour 2016, les prévisionnistes de Bercy ont retrouvé leurs esprits, puisqu'ils annoncent une croissance de 1,5 % en volume, de 2,5 % en valeur et une inflation de 1 %. Même s'il ne s'agit peut-être que d'une erreur de frappe pour l'année 2015, avouons que cela fait désordre.
Mais ce n'est pas tout. Ainsi, pour 2015, Bercy annonce une dette publique de 96,3 % du PIB, alors qu'elle est déjà de 97,6 % au deuxième trimestre. Cela relève donc du miracle. De même en ce qui concerne le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB qui passerait de 44,9 % en 2014 à 44,6 % cette année et 44,5 % l'an prochain. Que dire alors des dépenses publiques à 55,8 % cette année, alors qu'elles atteignaient déjà 57,2 % au deuxième trimestre, ou encore du déficit public à 3,3 % en 2016 ?!
Bref, comme tous les ans depuis environ une quinzaine d'années, le PLF est un tissu de mensonges agencés pour endormir les Français, les marchés financiers et les investisseurs internationaux. Mais le plus impressionnant c'est qu'en dépit des contre-vérités et des dérapages permanents qui entourent l'élaboration du budget depuis bientôt deux décennies, l'envoûtement fonctionne toujours…
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