Seulement voilà, c'est souvent lorsque le consensus se généralise et que tout le monde (des investisseurs chevronnés à Madame Michu, en passant par les économistes et les journalistes) pense la même chose qu'il faut commencer à se méfier. En effet, portée par quelques indicateurs favorables et quelques bonnes nouvelles exogènes, cette majorité dominante oublie l'essentiel : les risques qui pèsent sur la croissance mondiale demeurent élevés. A commencer bien entendu par les dangers géopolitiques : Russie, Daesh, Iran, Lybie, attentats en occidents…
Mais au-delà de ces risques que nous ne maîtrisons évidemment pas, ceux qui pèsent d'ores et déjà sur l'activité économique mondiale sont nombreux. Et ce, y compris dans les deux locomotives économiques de la planète depuis vingt ans. En l'occurrence les Etats-Unis et la Chine. Après cinq ans de croissance soutenue et même s'ils se rapprochent du plein-emploi, l'Oncle Sam commence effectivement à montrer des signes logiques d'essoufflement.
Ainsi, notamment à cause de la forte appréciation du dollar, mais aussi de la fin de la « planche à billets » de la Réserve fédérale, l'économie américaine enregistre quelques déconvenues depuis quelques mois : forte baisse des commandes de biens durables (indicateurs avancés de l'investissement et de la consommation), repli des indices des directeurs d'achat dans de plus en plus d'Etats et faible progression de la consommation. Par ailleurs, la baisse des cours de l'or noir et des matières premières affaiblit de plus en plus les producteurs de ce type de produits outre-Atlantique. De même, la plupart des entreprises ayant investi dans le gaz de schiste ont accumulé une dette colossale et risquent de souffrir si les prix pétroliers ne remontent pas rapidement et durablement.
En outre, la prochaine remontée des taux directeurs de la Fed ne manquera pas de ralentir encore la marche des affaires, limitant de facto les créations d'emploi et la baisse du chômage. Face à ce danger, il pourrait donc être tentant pour la Fed de ne rien faire et de laisser son taux objectif des federal funds à 0,25 %. Une telle stratégie comporte néanmoins un risque majeur. En effet, un cycle de croissance aux Etats-Unis (c'est-à-dire depuis le début d'une récession jusqu'à l'avènement de la suivante) dure en moyenne entre 28 et 32 trimestres. Or, le cycle actuel est déjà « âgé » de 28 trimestres. Cela signifie donc que dans, au plus tard 4 trimestres, l'économie américaine replongera dans la récession. Si, d'ici là, la Fed n'a pas remonté ses taux directeurs, elle ne disposera alors d'aucune marge de manœuvre pour relancer la machine. Elle pourrait certes engager une quatrième phase de Quantitative Easing. Le problème est que l'économie américaine est déjà proche d'une situation de « trappe à liquidités », signifiant que toute injection supplémentaire de cash soutiendra faiblement la croissance et viendra plutôt gonfler l'épargne de précaution, voire alimenter une bulle financière.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, les investisseurs internationaux ignorent complétement l'ensemble de ces dangers. Tout comme ils obèrent les risques qui pèsent sur l'économie chinoise. En effet, l'indice HSBC des directeurs d'achat dans l'industrie reste sous la barre des 50, indiquant qu'un recul de l'activité est probable en Chine d'ici l'été prochain. Même si l'Empire du milieu dispose de marges de manœuvre conséquentes (taux de change, taux d'intérêt, réserves de change de 4 000 milliards de dollars…), l'occurrence d'une baisse du PIB chinois est très probable, mais elle n'est absolument pas « dans les cours ».
Par ailleurs, la baisse de l'activité dans certains pays émergents, parfois déjà visibles (notamment en Russie et au Brésil) ne sont absolument pas intégrées dans les prévisions consensuelles. Autant d'évolutions qui pourraient donc susciter des mouvements de forte baisse des marchés financiers, alimentant les craintes sur les Etats-Unis et plus globalement sur la croissance mondiale. Et ce, d'autant qu'en dépit d'une amélioration sensible depuis quelques mois, l'économie eurolandaise sera incapable de prendre le relais des Etats-Unis et de la Chine pour tracter l'activité internationale. Tout simplement parce qu'elle reste convalescente et que la reprise récente ne fait que corriger en partie la mollesse des années précédentes.
De plus, le risque grec est complètement oublié, alors qu'il demeure particulièrement dangereux. Et même si M. Tsipras espère « une fin heureuse », les mesures qu'il prône annoncent plutôt une issue calamiteuse. De quoi très vite relancer l'économie eurolandaise dans les limbes de la croissance molle, voire de la récession. Et là aussi, comme aux Etats-Unis, en cas de nouvelle crise, les Eurolandais ne disposent d'aucune marge de manœuvre supplémentaire : toutes les cartouches ont été utilisées : déficits budgétaires pléthoriques (à part en Allemagne), taux monétaires et obligataires proches de zéro, dépréciation massive de l'euro, « planche à billets » de la BCE. Autrement dit, les autorités monétaires et budgétaires eurolandaises nationales et supranationales sont tout simplement « nues ».
C'est pour toutes ces raisons que nous révisons à la baisse notre prévision de croissance mondiale de 3,9 % à 3,5 % pour 2015. Si une telle performance demeure très favorable, elle risque néanmoins d'être encore revue si les risques latents que nous avons évoqués plus haut se matérialisent. La prudence doit donc rester de mise.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Mais au-delà de ces risques que nous ne maîtrisons évidemment pas, ceux qui pèsent d'ores et déjà sur l'activité économique mondiale sont nombreux. Et ce, y compris dans les deux locomotives économiques de la planète depuis vingt ans. En l'occurrence les Etats-Unis et la Chine. Après cinq ans de croissance soutenue et même s'ils se rapprochent du plein-emploi, l'Oncle Sam commence effectivement à montrer des signes logiques d'essoufflement.
Ainsi, notamment à cause de la forte appréciation du dollar, mais aussi de la fin de la « planche à billets » de la Réserve fédérale, l'économie américaine enregistre quelques déconvenues depuis quelques mois : forte baisse des commandes de biens durables (indicateurs avancés de l'investissement et de la consommation), repli des indices des directeurs d'achat dans de plus en plus d'Etats et faible progression de la consommation. Par ailleurs, la baisse des cours de l'or noir et des matières premières affaiblit de plus en plus les producteurs de ce type de produits outre-Atlantique. De même, la plupart des entreprises ayant investi dans le gaz de schiste ont accumulé une dette colossale et risquent de souffrir si les prix pétroliers ne remontent pas rapidement et durablement.
En outre, la prochaine remontée des taux directeurs de la Fed ne manquera pas de ralentir encore la marche des affaires, limitant de facto les créations d'emploi et la baisse du chômage. Face à ce danger, il pourrait donc être tentant pour la Fed de ne rien faire et de laisser son taux objectif des federal funds à 0,25 %. Une telle stratégie comporte néanmoins un risque majeur. En effet, un cycle de croissance aux Etats-Unis (c'est-à-dire depuis le début d'une récession jusqu'à l'avènement de la suivante) dure en moyenne entre 28 et 32 trimestres. Or, le cycle actuel est déjà « âgé » de 28 trimestres. Cela signifie donc que dans, au plus tard 4 trimestres, l'économie américaine replongera dans la récession. Si, d'ici là, la Fed n'a pas remonté ses taux directeurs, elle ne disposera alors d'aucune marge de manœuvre pour relancer la machine. Elle pourrait certes engager une quatrième phase de Quantitative Easing. Le problème est que l'économie américaine est déjà proche d'une situation de « trappe à liquidités », signifiant que toute injection supplémentaire de cash soutiendra faiblement la croissance et viendra plutôt gonfler l'épargne de précaution, voire alimenter une bulle financière.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, les investisseurs internationaux ignorent complétement l'ensemble de ces dangers. Tout comme ils obèrent les risques qui pèsent sur l'économie chinoise. En effet, l'indice HSBC des directeurs d'achat dans l'industrie reste sous la barre des 50, indiquant qu'un recul de l'activité est probable en Chine d'ici l'été prochain. Même si l'Empire du milieu dispose de marges de manœuvre conséquentes (taux de change, taux d'intérêt, réserves de change de 4 000 milliards de dollars…), l'occurrence d'une baisse du PIB chinois est très probable, mais elle n'est absolument pas « dans les cours ».
Par ailleurs, la baisse de l'activité dans certains pays émergents, parfois déjà visibles (notamment en Russie et au Brésil) ne sont absolument pas intégrées dans les prévisions consensuelles. Autant d'évolutions qui pourraient donc susciter des mouvements de forte baisse des marchés financiers, alimentant les craintes sur les Etats-Unis et plus globalement sur la croissance mondiale. Et ce, d'autant qu'en dépit d'une amélioration sensible depuis quelques mois, l'économie eurolandaise sera incapable de prendre le relais des Etats-Unis et de la Chine pour tracter l'activité internationale. Tout simplement parce qu'elle reste convalescente et que la reprise récente ne fait que corriger en partie la mollesse des années précédentes.
De plus, le risque grec est complètement oublié, alors qu'il demeure particulièrement dangereux. Et même si M. Tsipras espère « une fin heureuse », les mesures qu'il prône annoncent plutôt une issue calamiteuse. De quoi très vite relancer l'économie eurolandaise dans les limbes de la croissance molle, voire de la récession. Et là aussi, comme aux Etats-Unis, en cas de nouvelle crise, les Eurolandais ne disposent d'aucune marge de manœuvre supplémentaire : toutes les cartouches ont été utilisées : déficits budgétaires pléthoriques (à part en Allemagne), taux monétaires et obligataires proches de zéro, dépréciation massive de l'euro, « planche à billets » de la BCE. Autrement dit, les autorités monétaires et budgétaires eurolandaises nationales et supranationales sont tout simplement « nues ».
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